La sculpture de Brancusi nommée la Maiastra a fait connaître dans le monde entier un mot roumain, qui cependant désigne rarement dans le folklore l’oiseau que l’on croit, oiseau enchanté des contes de fées et autres, comme l’oiseau de feu de Stravinski par exemple. En fait la Maiastra n’est pas l’oiseau de feu et ne s’appelle pas ainsi dans les légendes traditionnelles roumaines.
C’est vers la fin du 19e et le début du 20e siècle, que des ethnographes ont découvert dans des villages des Monts d’Oràstie, des Carpates Méridionales ce rite de l’oiseau de l’âme : lors des enterrements, dans les cimetières, on plaçait d’abord sur la tombe, au lieu d’une croix, une sorte de poteau funéraire sculpté aux motifs géométriques et surplombé d’un oiseau en bois. La coutume concernait les actuels départements de Sibiu, Alba, Hunedoara, Gorj et Mehedinti. Elle existe encore dans le Nord-Est des Monts d’Oràstie.
L’oiseau de l’âme était ainsi placé sur la tombe des hommes mariés et il symbolisait l’âme du défunt. Il devait y rester pendant les 40 jours qu’était supposés durer l’élévation de l’âme aux cieux. Selon la croyance populaire, le non respect de cette tradition entraînait la réincarnation de l’âme en un animal terrestre, ce qui l’empêchait de s’envoler vers le ciel.
Ce type de coutumes funéraires était aussi répandu au début du XXe siècle dans la région du sud des Carpates méridionales où Brancusi est né et où il a passé son enfance. Ceci dit, lorsqu’il décida de dresser, en guise de monument aux morts de la première guerre mondiale sa Colonne infinie de Târgu Jiu, Brancusi avait d’abord voulu la surplomber d’un oiseau de l’âme. Finalement, la colonne funéraire sans fin et l’oiseau furent séparés par lui et c’est ainsi qu’est née la fameuse Maiastra, oiseau magique roumain. C’est donc Brancusi qui a donné vie éternelle à cet oiseau, dont les paysans de la région des monts Oràstie pensent encore qu’il représente un guide vers l’au-delà. Ecoutons Ioan Fruntelatà, chargé de cours de l’Université de Bucarest:
« La Maiastra porte rarement ce nom dans le folklore roumain et on la connaît surtout grâce à l’oeuvre de Brancusi. Ce sculpteur génial a créé ses oiseaux en partant de modèles en mie de pain ou en bois, ou encore de l’imaginaire collectif. La Maiastra roumaine est, sans doute aucun, une parente d’oiseaux similaires des mythologies orientales, comme le Simorgh persan, un oiseau qui avait le don de guérir des maladies mortelles et de surgir si l’on brûlait l’une de ses plumes; comme l’oiseau Rock des Indiens, mentionné aussi dans les Mille et une nuits; ou bien le Phoenix des chinois qui renaît de ses cendres. »
Dans les contes de fées roumain, l’oiseau le plus proche de la Maiastra est l’aigle au vol vertical dit “pajura” qui unissait la monde souterrain des dragons “zmeu” au monde des humains. La Maiastra est aussi un véhicule initiatique. Dans une variante du conte de “Prâslea le costaud et les pommes d’or”, publié par Petre Ispirescu, l’homme chevauche l’oiseau et le nourrit tout au long du trajet. Lorsqu’il n’a plus rien à lui donner, il le nourrit de sa propre chair. Il devient ainsi l’oiseau lui-même. Ecoutons encore Ioan Fruntelatà :
« C’est aussi à l’oiseau enchanté dit Màiastra qu’appartient la plume que le héros du conte de fée trouve sur son parcours vers la perfection et dont son cheval lui dit: “si tu la prends tu le regretteras, si tu ne la prends pas tu la regretteras aussi.” C’est en fait l’oiseau du bonheur dont la plume lui permettra de trouver sa bien aimée. »
Par Daniel Onea; Ioana Lutic
1912.
Bronze,
21 7/8 x 6 3/4 x 7 inches (55.5 x 17 x 17.8 cm);
two-part limestone base: 13 1/8 x 8 5/8 x 7 1/2 inches (33.5 x 22 x 19 cm).
Tate, London
en 1912 les pattes sont retirée et les jambes allongées de 5 cm, ce qui lui confie une silhouette plus élancée
*achetée par Edward Steichen en 1911 en fin d’exposition, cette maiastra est de 1911 pas 1912