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L’économie surveillée dans la Roumanie stalinienne

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La théorie marxiste reposait sur cette conviction étrange, selon laquelle le travail avait créé l’homme et stimulé son devenir, en le conduisant vers la société parfaite. Une fois arrivé à ce terminus, l’homme allait arrêter presque toute activité. Le bonheur marxiste équivalait à l’inactivité, à l’absence de toute contrainte pour gagner son existence.

 

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A l’époque de Staline, le dirigisme économique a atteint le comble de l’absurde par un contrôle total de toute activité économique.
L’économie, elle, fut militarisée, classée secrète et transformée en une question de vie ou de mort. Des millions de personnes ont été envoyées au Goulag, pour la faute imaginaire d’avoir saboté l’économie socialiste ou détenu, en tant que membres de la bourgeoisie, des moyens de production qu’ils ne voulaient pas faire entrer dans la propriété publique.

Dans chaque fabrique et usine, soit les lieux où était concentré le nombre le plus important de travailleurs, il y avait une personne chargée de surveiller la production et les conversations des employés et d’identifier un ennemi imaginaire, soit un potentiel bouc émissaire en cas d’accidents.
Trouver à tout prix des coupables afin de couvrir les graves défaillances du système et de les transformer en exemples négatifs aux yeux de l’opinion publique, voilà ce qui comptait le plus dans l’économie stalinienne. L’accusation de sabotage figurait parmi les plus graves, la peine pouvant être d’au moins 15 ans de prison ferme.
L’ingénieur Tudor Constantin était le chef de l’Usine Electrique, une entreprise importante dans l’engrenage de l’économie du type soviétique. Il s’est vu attacher un agent de la Securitate qui devait suivre de près l’activité des travailleurs, leurs performances mais aussi leur conduite sociale. L’ingénieur Constantin a accordé en 2003 une interview au Centre d’Histoire Orale de la radiodiffusion roumaine :
«Si une avarie survenait, il voulait aussitôt savoir qui ramasser et renvoyer en prison, à Rahova. Les enquêtes, il les menait par le biais des autres. Moi, j’avais un ami, il s’appelait Popa Stoica et travaillait aussi dans le domaine du gaz et de l’électricité. C’était une figure assez importante de l’énergétique roumaine. Eh bien, ce Popa Stoica, qui était apparenté à cet agent de la Securitate, est nommé adjoint au ministre de l’énergie. Et si l’agent faisait quelque chose qui ne m’arrangeait pas, je disais à Stoica «dis à celui-là de s’occuper de ses affaires et de ne plus fourrer son nez dans les affaires des autres ». L’agent prenait du temps à observer. Moi, je passais mon chemin. Je n’avais aucun intérêt à ce qu’il retienne mes hommes, en cas d’avarie, pendant une semaine ou même un mois. Nos intérêts ne coïncidaient pas. Le mien, c’était d’avoir des gens qui fassent tourner l’usine. »

Tudor Constantin se rappelle un incident qui s’est produit en 1952, lorsque plusieurs personnes ont été accusées de sabotage:
«On avait eu une avarie plus grave. Cela s’est passé alors que tous les ouvriers étaient partis. On avait organisé une excursion à la montagne – c’était un week-end. Moi, j’étais directeur général et je ne me trouvais pas, non plus, à l’usine. Le chef qui me remplaçait ne s’est aperçu de rien et il est parti, lui aussi. Pendant la nuit, une machine s’est abîmée et le toit de l’usine a pris feu. C’était en 1952. Moi, j’étais en vacances. Notre entreprise disposait d’une maison de repos à Snagov et je m’y trouvais. Je devais partir le lendemain. La personne qui gérait la maison de repos m’appelle au téléphone. C’était le chef d’équipe de l’usine qui me cherchait – il était le plus peureux et le plus timide de tous: “Revenez, il s’y est passé un désastre, revenez tout de suite!” A ce moment-là, tout est fini, mes vacances et tout. Je suis retourné à l’usine. Ils ont arrêté des gens, parce que souvent les choses se passent de telle façon qu’il est impossible de défendre qui que ce soit. »

Dans ce genre de situations, parfois seul le hasard décidait de l’innocence des personnes accusées de sabotage. Tudor Constantin :
“Ils ont été accusés de sabotage. C’était un coup monté. C’est ce qu’ils voulaient. Ils ont fait venir toute sorte d’experts, pour que personne ne puisse dire que c’était un problème technique, et non une action de sabotage. Cette historie a duré 2 ans, que ces gens-là ont passés en prison. Il n’y a pas eu de procès. Le chef d’équipe de la nuit où la turbine avait pris feu était un contremaître, Lazarescu de son nom. Il était connu pour avoir fait partie du mouvement des légionnaires de l’Archange Michel. Il était donc impossible de le protéger face à la Securitate. Mais, en fin de compte, c’est la vie qui arrange beaucoup de choses. Un jour, le président du Tribunal de Bucarest, un colonel qui s’appelait Nicu Dumitrescu, se rend au Parquet militaire de Bucarest. Il avait travaillé dans notre usine en tant qu’électricien et nous connaissait tous très bien. Il connaissait également les personnes qui avaient été emprisonnées. Il m’appelle et me dit: “J’ai trouvé ici les gens de l’usine. Maintenant, je dois décider ce que je vais faire avec eux. Est-ce que je leur fais un procès?” Et puis il me dit: “Ecris-moi une déclaration, disant que tu as travaillé à l’usine, que ce ne fut pas du sabotage et qu’ils avaient été arrêtés sans être coupables”. Et c’est ainsi que Nicu Dumitrescu a réussi à libérer nos collègues. C’est le hasard qui a décidé qu’on tombe sur une personne qui nous connaissait tous”.

Malheureusement, ces cas, qui dépassent largement les limites de l’absurde, ont été réels. Ils n’ont pas aidé à prévenir d’autres incidents, ni à rendre plus efficace l’activité des ouvriers, ils ont servi uniquement à satisfaire des manies.

 

Auteur : Steliu Lambru; trad.: Alexandra Pop, Dominique, Valentina Beleavski

Radio Romania International

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