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Ecrivain voyageur ou voyageur écrivain?

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damien1Ecrivain-voyageur ou voyageur-écrivain?

Avant d’atterrir sur l’atoll isolé de Midway, la patrie des albatros et des vestiges de la guerre du Pacifique, Randall m’avait tapoté l’épaule.
– Hi, my name is Randall. Where are you from?

Après les banalités où je crois me souvenir lui avoir dit que je voyageais et que j’écrivais, Randall me lance:
– Voyageur-écrivain, c’est ça? Vous allez nous faire rire, alors.

Est-il sérieux, ce Randall, ou me fait-il marcher?

Chambre confortable et aérée

Randall poursuit:

– Tous les écrivains qui bourlinguent insistent tous sur le côté marrant des pays ou des gens qui y habitent. Comme si écrire sur des destinations différentes impliquait forcément le sens de l’humour, du genre: « regardez-comme.je-comprends-rien-à-leurs-différences-et-voyez-comme-c’est drôle ».

Des écrivains-voyageurs transformés en clowns ambulants? Nicolas Bouvier, Simon Winchester, Paul Theroux, sans oublier Pierre Loti, Jack London, Jack Kerouac étaient tous talentueux. Mais marrants? Bouvier est austère, Theroux rabat-joie, Kerouac déjanté.

Toutefois les étals des librairies des pays anglo-saxons débordent de récits de voyageurs-écrivains. L’un d’eux, Bill Bryson, est drôle. D’autres, plus anonymes, tentent de faire rire les lecteurs en les faisant s’égosiller de plaisir devant leurs mésaventures en Provence, à Florence, en France, ou en Afghanistan, parmi les Indiens du Nunavut, dans les embouteillages de Bangkok, dans les mangroves lointaines forcément infestées.

Le statut nébuleux de voyageur-écrivain provoque chez les proches une subtile ironie envieuse. A leurs yeux, c’est un glandeur professionnel, mystérieusement attiré par une solitude suspecte, attisée par une fascination des îles lointaines — c’est mon cas. Un troubadour des temps modernes devant pactiser avec Google Earth et le moyen Satan (déplacement lointain = destruction de la couche d’ozone = pollution de lieux et de populations forcément victimes). Un baroudeur tanné et misanthrope, farouchement indépendant, un peu mystérieux et troublant, dont parlent les médias dans leurs pages « week-end » ou « voyages, destinations lointaines, exotisme ». Et surtout pendant l’été.

Il y a un peu de ça.

Toutefois, l’écrivain-voyageur doit posséder de bonnes connaissances de culture générale, à commencer par des notions plus qu’élémentaires en géographie, en sociologie et en anthropologie. Sans oublier un savoir minimum sur nos amis les missionnaires (théologie, Histoire), sur nos amis les écologistes (sciences de l’environnement, océanographie, biologie), sur nos amis les politiciens (relations internationales, bonne gouvernance), sur nos amis les peuples opprimés, autochtones, dépendants (Economie, Développement Nord-Sud), sur nos amis les bêtes (Zoologie, entomologie), sur nos amis les journalistes et écrivains (Ecole de journalisme, connaissance de la jungle des Editeurs, Economie, Finances) et sur tous nos amis les blogueurs, ingérables, qui ont tous un avis différent, autre, original.

La description de poste inclut des qualités physiques. Etre en bonne condition, savoir marcher, suer, marchander, attendre, plonger, coudre, recoudre, cuisiner, compter, garder son calme. Manger et éviter les diarrhées fâcheuses, propices aux visites inopinées à des toilettes publiques ingrates.

Il faut parler des langues étrangères. Etre organisé, flexible, débrouillard, patient, flegmatique, respectueux, diplomate; accepter de patienter des heures dans les aéroports, sur les quais de gare, dans les ports, dans les stations de bus.

Il faut gérer les arnaques et les corruptibles — chauffeurs de taxi, douaniers, politiciens locaux, faux amis (« Hello, my friend, cheap hotel, cheap girl, you want? »), spécialistes locaux de bons plans.

Accepter le Damien, content d’être là; composer avec le Damien, grognon, fatigué, rabat-joie, constituent deux incontournables du quotidien du voyageur-écrivain qui est le mien.

En annexe, écrite en tout petit en bas de la page des qualifications requises, il semble judicieux d’ouvrir l’oeil afin d’éviter les mauvaises surprises — les bandits, les moustiques, les germes, les vols, les agressions de toutes sortes, les cafards, les problèmes d’assurance, les retards, la fatigue, le découragement, la solitude, l’épuisement.

Il faut savoir se remettre en question, tous les jours, constamment; c’est fatiguant. Il faut aller à la rencontre de l’Autre, tous les jours, constamment, et pour le timide, c’est épuisant. Il faut écrire, simplement, tous les jours, sur la complexité du monde et de ses choses; et c’est exténuant. Il faut aussi revenir, s’adapter de nouveau à la vie quotidienne, ressusciter le réseau des amis, réapprendre à dire « allo? », fôlatrer avec les factures, appeler le plombier, payer la facture du plombier, s’il est venu.

Ensuite, il faut écrire, écrire, écrire. Publier. Se faire connaître. Gérer la gloire éphémère. Réfléchir sur la notion de notoriété, et surtout de son contraire.

Selon Randall, il faut aussi être rigolo.

– Et vous aimez…euh…votre job? demande Randall.
– J’adore. Franchement, est-ce que j’ai à me plaindre? C’est une vie de rêve, non?

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