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Festival Opéra d’Innsbruck: Euridice de Caccini ou l’origine de l’opéra italien

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Grâce à la représentation de l’Euridice de Caccini, le festival de l’Opéra d’Innsbruck a donné l’occasion aux mélomanes de découvrir l’origine de l’opéra italien.

C’est un plaisir rare d’avoir l’occasion d’assister à la représentation de L’Euridice de Caccini, une des oeuvres qui ont participé à la genèse et à l’éclosion de l’opéra italien. Le Festival de musique ancienne d’Innsbruck l’a mise à l’affiche cet été 2013, en invitant des interprètes spécialistes de la musique baroque, rien moins que l’ensemble instrumental et choral du Concerto italiano, placé sous la direction de Rinaldo Alessandrini, également au clavecin.

 
Avec Peri, Caccini  participe à l’invention de deux fondamentaux de l’opéra baroque: le récitatif et l’aria, même si le terme d’opéra n’est pas encore employé à cette époque pour désigner ces premières oeuvres à sujet profane du recitar cantando. Rinaldo Alessandrini relève la ‘pauvreté’ du langage musical de Caccini qui donne une oeuvre monodique encore proche du langage parlé. Il s’agissait, pour cet auteur de madrigaux, de retrouver l’esprit du théâtre antique dont on imaginait alors qu’il pouvait avoir été chanté sur le mode de ce qui allait devenir le récitatif. L’interprétation des musiciens  du Concerto italiano est d’une telle qualité et d’un tel entrain qu’on reste captivé d’un bout à l’autre de l’oeuvre, malgré ses côtés parfois répétitifs. Les chanteurs sont également remarquables, notamment dans l’ornementation de la ligne mélodique par les trilles, et portent l’opéra à l’unisson des instrumentistes, n’était-ce la contre-performance de Silvia Frigato, qui, malgré la joliesse de sa voix, reste  cependant par trop fluette, trop en retrait des deux rôles qu’elle interprète (la salle du  théâtre d’Innsbruck n’est pas grande et il a fallu tendre l’oreille pour entendre la chanteuse). La mise en scène intelligente et amusante de Hinrich Horstkotte contribue aussi d’égale manière à la réussite de la représentation. 
 
Euridice de Caccini
Jeux innocents avant la noce. Euridice (Sivia frigato) dans un colin-maillard. En arrière-plan,
Marie de Médicis et Henri IV assistent à la scène.
Circonstances de la composition
 
L’oeuvre a été composée à l’occasion des noces de Marie de Médicis, la fille du Grand Duc de Toscane Francesco Ier de Médicis,  avec le Roi de France, Henri IV. Le mariage avait été célébré au Dôme de Florence le 5 octobre 1600. L’oeuvre a été écrite dans la mouvance de la Camerata forentina (Camerata Bardi), qui s’attachait notamment à faire revivre la tragédie antique. Ottavio Rinuccini en a écrit le livret dont une première version a été mise en musique par Jacopo Peri. C’est cette première oeuvre qui fut représentée pour la première fois au Palais Pitti le lendemain des noces, soit le 6 octobre. Peri avait intégré dans sa composition deux ‘arias’ de Giulio Caccini, l’aria d’Euridice et celui du berger, ainsi que le choeur  Al canto, al ballo. Presque aussitôt après, Caccini réutilisa le livret pour composer sa propre musique, entre 1600 et 1602. L’Euridice de Caccini fut jouée pour la première fois à Florence en 1602. Caccini en publia la partition, chez Giorgio Marescotti, avant que celle-ci fût exécutée, et avant la publication de celle de Jacopo Peri. Cette rapidité de publication fait de L’Euridice de Caccini le premier opéra publié connu.
 
Synopsis 
 
Comme l’oeuvre a été écrite pour être exécutée pendant les festivités d’un mariage, Rinuccini a adapté le récit mythologique en lui donnant une fin heureuse. Le mariage d’Orphée et d’Euridyce de la première scène évoque celui de Marie de Médicis et d’Henri IV, qui s’est déroulé en l’absence de l’époux qui s’était fait représenter, comme il était concevable à l’époque lors des mariages des puissants. Cette absence peut être mise en parallèle avec l’absence d’ Euridyce qui meurt avant même d’être mariée. La circonstance de l’écriture du livret et le parallèle introduit rendaient une fin tragique impossible.
 
Prologue
 
La personnification de la Tragédie présente le lieu de l’action et le caractère des personnages et s’excuse aussitôt après du public: elle ne pourra jouer son rôle véritable qui est d’évoquer les malheurs et les désastres d’une action qui se termine par une fin malheureuse. Elle invite tous ceux que réjouissent la beauté des corps des jeunes mariés et la sérénité du paysage à écouter le chant d’Orphée.
 
Acte I
 
A l’aube, un mariage se prépare dans un village d’Arcadie. Des bergers et des nymphes (le berger, la nymphe du choeur, Tirsi et Arcetro) se réjouissent de l’harmonie du couple qui va s’unir. Euridyce  se retire avec ses suivantes pour les préparatifs de la noce rituelle, tandis qu’Orphée chante sa joie, et les habitants du village commencent à danser. Mais il est interrrompu par la nymphe Daphné,qui accourt affolée. EuridYce se meurt, piquée par un serpent alors qu’elle traversait une prairie. Avant son dernier soupir, elle prononce le nom de son bien-aimé, Orphée, qu’elle appelle.
 
Acte II
 
Orphée veut répondre à cet appel.  Guidé par Vénus, il descend aux enfers et demande à Pluton de lui restituer sa bien-aimée Mais  Pluton est d’abord inébranlable: la loi est la loi, dura lex sed lex,  et est la même pour tous. Proserpine implore sa clémence. Mais Orphée continue de chanter et, aidé des divinités infernales, parvient à faire fléchir l’infernal souverain. 
 
Acte III
 
L'Euridice und Orpheo Euridice de Caccini
Le pouvoir de la musique et du chant orphiques (Furio Zanasi en Orphée)  ressuscite la morte
A la fin de la journée,  Orphée n’est pas revenu au village. Tous sont tristes et déplorent tristement sa décision de descendre aux Enfers. mais Arcetro paraît et se met à faire le récit de l’impensable. Orphée aurait réussi! Les habitants du village ne parviennent pas à le croire. Orphée paraît enfin, avec Euridyce vivante marchant à ses côtés. Tous se remettent à préparer le festin de la noce tout en célébrant le pouvoir de la musique et la magie du chant qui ressuscite les morts.
euridice de Caccini
La scène des Enfers: Sara Mingardo (Proserpine), Antonio Abete (Pluton)
et Furio zanasi (Orphée)
La mise en scène de Hinrich Horstkotte et les décors de Nicolas Bovey contribuent largement à la réussite de la soirée. Le metteur en scène prend au mot le personnage de la Tragédie qui annonce que le spectacle ne sera pas tragique, il traite le sujet avec une fluidité et une légèreté très vivantes en introduisant de nombreux éléments comiques: une gestuelle accentuée dans la ligne de la commedia dell’arte, parfois jusqu’à la caricature, et des éléments empruntés à son expérience de la mise en scène du théâtre de marionnettes. Au prologue, un caisson miniature est placé en avant-scène, comme une boîte miniature (un théâtre de marionnettes?) par lequel les bergers et les nymphes peuvent assister au spectacle auquel ils participent. Le caisson est reproduit en grand et devient une salle où viennent prendre place Henri IV et Marie de Médicis qui assistent eux aussi au spectacle depuis cette loge royale. C’est là une bonne lecture du livret: Horstkotte a bien relevé que l’action est tout autant relatée dans la narration des bergers que jouée en direct. Par les décors et le truchement de la boîte à spectacles, il matérialise le procédé du récit rapporté. Ainsi ne voit-on par exemple pas Euridyce mourir, l’épisode de sa mort est expliqué par un berger. La vie devient ainsi un théâtre mis en abyme par le procédé de la poupée russe: nous assistons au spectacle du Roi et de la Reine regardant le spectacle de bergers rapportant un spectacle qu’ils vont à leur tour regarder dans une boîte à spectacle. Tout cela dans les décors efficaces de Nicolas Bovey, avec par exemple ses herbes géantes pour figurer la prairie où Euridyce trouvera la mort ou encore les cyprès de la scène finale qui descendent des cieux pour évoquer tant le paysage toscan que la mythologie de la renaissance de tout ce qui meurt. Les costumes de Horstkotte jouent sur l’opposition blanc et noir (on dit que Marie de Médicis est la première à s’être mariée en blanc, en crème tout au moins, et que sa tenue nuptiale serait à l’origine de l’actuelle robe de mariage): blanc de la noce, pureté des lys portés par la future mariée, blanc du voile de la mariée, noir du deuil et de la mort, gris du costume d’Orphée qui voyage entre les deux mondes. les dieux sont plus colorés, comme Vénus qui apparaît en dea en machina, ou Pluton (excellent Antonio Abete) et Proserpine, ces dieux cornus porteurs de lune et de bident, présentés comme des poupées surdimentionnées aux longues jupes bordeau qui s’agitent, surtout Pluton, avec des mimiques de Grand Guignol. La scène des enfers est des plus réussies.

C’est un spectacle d’une rare qualité que nous a offert le festival d’Innsbruck, avec la superbe interprétation du Concerto italiano, d’excellents chanteurs, et le regard à la fois intelligent et amusé d’un metteur en scène accompli qui a su garder une âme d’enfant. et la mettre au service d’une musique qui a gardé  la jeunesse des grands débuts. On en sort avec l’impression d’avoir pu goûter aux prémices de l’opéra. Quel privilège!


L’Euridice
Composta in Musica in Stile Rappresentativo de Giulio Caccini (1551–1618)
Libretto d’ Ottavio Rinuccin
 
avec 
 

 

Euridice, Tragedia Silvia Frigato (Soprano)
Orfeo Furio Zanasi (Baryton)
Dafne, Proserpina Sara Mingardo (Contrealto)
Venere Monica Piccinini (Soprano)
Arcetro Giampaolo Fagotto (Ténor)
Plutone Antonio Abete (Basse)
Aminta, Tirsi Luca Dordolo (Ténor)
Caronte Mauro Borgioni (Baryton)
Radamanto Matteo Bellotto (Basse)

Choeur et ensemble instrumentral Concerto Italiano
Direction musicale et clavecin Rinaldo Alessandrini
Mise en scène et costumes Hinrich Horstkotte
Décors Nicolas Bovey

 

Crédit photographique: Innsbrucker Festwoche/Ruppert Larl 

 
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