La plume me démange dès que vient l’heure du petit déjeuner, surtout lorsque je retrouve mes marques avec leurs douces habitudes mêlant fruits tropicaux, sourires discrets des serveurs et retrouvailles avec James, l’écrivain anglais et Clive, le scientifique australien.
Au tout début de mon arrivée en Thaïlande alors que j’enseignais le français a Udon Thani, (assistante de deux profs de français en fait, mais dès que je rentrais en cours, elles s’effaçaient pour me laisser prendre les rênes), je logeais au Napahai hotel où je louais une chambre au mois. M’était venue alors l’idée de faire une petite vidéo destinée à ma fille, adoptive originaire de la région d’Udon Thani. J’avais la tête pleine d’histoires démoralisantes que prenait plaisir à me raconter ma copine thaïe Ti, alors j’avais envie de démontrer qu’il y avait de belles histoires à Udon. J’intitulais cette vidéo « J’ai même rencontré – non pas des tziganes – mais des farangs heureux ».
Je croisais chaque matin un couple « farang-thaïe ». La fille n’avait rien d’un top- model : visage
plat, ultra rond et peau grêlée, lui : la cinquantaine blanchissante et bedonnante. Et belge, je l’appris très vite à son accent.
Avant de filmer, je ne voulais rien savoir des couples que je me proposais d’interroger, mon choix s’étant fait sur des apparences de bonheur ! Ce couple était presque toujours accompagné d’une femme, blonde et replète, du même âge que (je vais l’appeler) Tony. Ne sachant rien de leur histoire, je pensais qu’il s’agissait d’une amie proche, ou d’une sœur… Je commence à shooter et à poser des questions. Tony a rencontré Noy dans un salon de massages à Pattaya et ils ont l’intention de se marier. Pour le moment ils sont en train de surveiller les derniers travaux d’une jolie maison dans un « Mou Baan » des environs. Période excitante de préparation, aussi bien chez l’avocat, Tony a mis la maison au nom de Noy (mais pas seulement, il lui lègue tous ses biens car il n’a pas de descendants) et Chris est plongée dans la décoration : cuisine dernier cri, marbre etc… Au fur et à mesure de l’interview, je comprends que Tony a déjà été marié à une autre jeune-femme Isan mais l’histoire a mal tourné, aujourd’hui il a rencontré une « merveille » en la personne de Noy et sa femme a donné son accord pour ce second mariage. Sa femme ? « Quelle femme ? » je demande… « Chris » me répond Tony. Sans rire, je leur souhaite tout le bonheur du monde et garde l’interview.
Quelques semaines plus tard, je retrouve le couple par hasard. Ils sont « installés » dans la nouvelle maison. Tout appartient à Noy, laquelle, dès l’installation a commencé à montrer son véritable visage. Je reçois les doléances de Chris et de Tony… à ce point de l’histoire je dois dire qu’ils partagent tous les trois la même chambre et le même lit (ils m’ont fait visiter la maison). Je ne suis pas bégueule et si tout le monde est content pourquoi pas ? mais tout le monde n’est pas content, en fait personne n’est content. Noy se plaint que Tony est un trop « chaud lapin », Chris se plaint qu’elle est la bonne à tout faire : ménage, courses, cuisine, que madame deuxième femme ne fout rien de la journée et Tony lui est juste un peu déçu que son bonheur ne corresponde plus tout à fait à celui qu’il imaginait etc. etc… pourtant il a bien donné l’argent à la famille au village pour la cérémonie de mariage, (Kha nam nom : le prix du lait de la mer.. c’est le nom de la dot), il a offert de l’or a sa nouvelle femme, elle en est couverte, poignets, doigts, cou… et les moines ont accompli tous les rites du mariage (cool les bouddhistes !)
Je me dis : ce n’est plus l’histoire de gens heureux que je vais raconter, mais peut-être une histoire policière, car, curieuse, je suis le couple de loin, je suis même devenue la confidente des trois, chacun ayant des récriminations à l’encontre de l’autre ou des deux autres. Un jour Tony me montre les marques de menottes à ses poignets. Ce qui lui est arrivé ? Madame deuxième épouse est allée se plaindre de sévices corporels (faux bien sûr) auprès de policiers amis, et au milieu de la nuit, Tony a été emmené au poste de police et « interrogé ». A-t-il viré pour autant deuxième épouse ? Que nenni…il doit être maso car elle est là, triomphante, essayant de décrypter ce que l’un et l’autre sont en train de me raconter.
J’ai pris mes distances, ma position au milieu de ces scènes de ménage devenant… dangereuse,
inconfortable et malsaine…
De nombreuses années se sont écoulées, et je raconte cette histoire assise dans ma coffee shop préférée, quand arrivent Clive l’australien et James l’anglais… Je leur résume l’histoire. Ils rigolent.
« Ils étaient belges ?… c’est ahurissant la candeur de ce couple, tout comme celle de beaucoup d’américains vraiment naïfs. Probable que ce couple a été « lessivé » et si tu retournais la-bas, tu y
retrouverais sans doute Noy dans la maison avec un mari thaïlandais. Et sa famille.»
Je n’invente des histoires que dans mes romans, mon blog est le reflet « éclaté » de la vraie vie. En conclusion, je lisais hier dans le fil des actualités de FB, sur lequel j’ai des amis de toutes nationalités, dont quelques thaïlandais, le dicton suivant (traduction approximative) : « Si tu as beaucoup d’or sur la tête, tu n’as pas besoin de mari »
Je m’appelle Michèle Jullian. J’aime les voyages, la photographie, l’écriture.
Voyager ce n’est pas seulement prendre l’avion ou parcourir la planète, c’est aussi voyager dans les livres, les deux étant l’idéal. Chaque voyage comporte sa part de découvertes et de déconvenues, lesquelles deviennent expériences, à partager ou pas. Voyager est une aventure de chaque instant. Mes repères sont en France et en Thaïlande où je réside « on and off ». J’ai écrit un roman « théâtre d’ombres » qui a pour décor la Malaisie et la Thaïlande …
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