Le festival international de théâtre de Sibiu s’ouvre pour 10 journées. Pas moins de 70 pays participants pour quelques 40000 spectateurs qui devraient vivre leur passion du théâtre autour d’un thème large et plein de promesses : « Interrogations ».
10 journées, 70 pays participants, plusieurs centaines d’événements, une vingtaine de milliers de billets vendus, 40 mille spectateurs par jour et plein d’émotion – voilà en bref le tableau de l’édition 2010 du Festival International de Théâtre de Sibiu. Une édition consacrée, comme d’habitude, à un mot d’ordre, qui fut cette année « Interrogations ». Le festival a réuni bon nombre d’invités spéciaux des quatre coins du monde, autant de messagers des arts du spectacle. Dans les minutes suivantes, nous allons faire la connaissance de quelques-uns d’entre eux et découvrir leurs créations.
Le metteur en scène Mihai Maniuţiu est également professeur à la Faculté de Théâtre et de Télévision de l’Université Babes-Bolyai de Cluj et directeur artistique du Théâtre National de cette même ville du centre de la Roumanie. Il compte à son palmarès plus de 80 spectacles montés dans le pays comme à l’étranger, dont plusieurs distingués de prix importants. Cette année, il a présenté au festival de Cluj deux pièces célèbres : «Electre» et «Les Bacchantes», qu’il avait mises en scène respectivement au Théâtre National «Radu Stanca» de Sibiu et au Théâtre Municipal d’Istanbul. Le spectacle «Electre» figurait, au mois de mai, à l’affiche des manifestations organisées dans la ville hongroise de Pecs, une des capitales européennes de la culture en 2010. Une vision théâtrale inédite mêle harmonieusement tragédie grecque et musique traditionnelle authentique interprétée live par le groupe Iza, de Maramureş, région du nord extrême de la Roumanie. Ecoutons Mihai Maniuţiu :
«Electre essaie de mettre ensemble deux cultures archaïques – celle de la contrée roumaine de Maramureş et celle hellène. Il est de notorité que toutes les cultures anciennes partagent les mêmes racines. L’histoire d’Electre se répète de nos jours aussi, y compris au Maramureş. En ce qui les concerne, les membres du groupe Iza qui interprètent la musique traditionnelle du Maramureş, ont vite saisi l’esprit de vendetta de la trame».
Pour monter son autre pièce «Les Bacchantes», le metteur en scène Mihai Maniuţiu a eu l’embarras du choix, puisqu’il a dû choisir entre les 420 comédiens que compte le Théâtre Municipal d’Istanbul. Voici en raccourci le sujet du spectacle. Mihai Maniuţiu :
««Les Bacchantes» illustrent, en quelque sorte, la naissance d’une religion, un thème provocateur n’importe où dans le monde, donc à Istanbul aussi. Le spectacle a d’ailleurs suscité des réactions extêmes, d’approbation ou de désapprobation, car il s’articule autour de la violence : violence de ton dans l’aproche du thème, naissance violente des religons et religions nées dans la violence».
Aux dires du metteur en scène roumain, pour les comédiens turcs ayant joué dans cette pièce l’enjeu a été encore plus grand d’autant plus que « Les Bacchantes » traitent, entre autres, de la révolte des femmes contre les hommes et de la prise du pouvoir.
La section «Danse» a été très bien représentée cette année au festival de Sibiu. Parmi les artistes invités, il convient de mentionner la célèbre compagnie israélienne de danse contemporaine Kibbutz, venue pour la 2e fois en Roumanie, cette fois – ci avec deux représentations: «Aide Mémoire» – un spectacle sur l’influence de la mémoire de l’Holocauste sur la vie humaine et «Upon Reaching the Sun» (Près du soleil), «une succession d’images grandioses symbolisant l’espoir qui renaît après chaque désillusion». C’est un spectacle inspiré d’un conte appartenant aux frères Grimm, conte que Georg Büchner a également utilisé pour sa pièce «Woyzeck». Le chorégraphe Rami Be’er nous a parlé de son spectacle et de sa vision artistique en général :
«Il s’agit de la recherche de la vie, de l’existence d’un être humain. J’utilise un court fragment du texte, l’essentiel de mon travail consistant en l’utilisation de tous les instruments de la scène. Certes, les danseurs, leurs esprits et leurs corps, sont l’âme du spectacle, mais pour moi, la musique, les costumes, les décors, les lumières sont tout aussi importantes. Mis ensemble, ces éléments créent un tout qui exprime une partie de notre existence ici et maintenant. Je peux dire que j’invite en quelque sorte les spectateurs à faire un voyage, à expérimenter de leurs propres yeux, leurs propres souvenirs, leurs propres associations et leurs propres sentiments. Il ne s’agit pas de comprendre peu ou beaucoup, mais de laisser au public la liberté de s’envoler».
Vous l’avez compris, le Festival International du Théâtre de Sibiu est en fait un festival consacré, plus généralement, aux arts du spectacle. Par conséquent, les représentations de rue n’y ont pas manqué cette année non plus, encouragés également par le temps très favorable. Parmi les invités, citons la compagnie roumaine «Xtreme», formé d’anciens sportifs professionnels, dont certains médaillés aux championnats de gymnastique européens et mondiaux. Récemment rentrés du Festival du Théâtre et des Arts de la Rue de Valladolid, en Espagne, ils ont présenté à Sibiu aussi deux spectacles intitulés «Aérien» et «Vertical», ayant pour scène les façades de deux hôtels parallèles. Les artistes évoluaient à une quarantaine de mètres au-dessus du sol. Dorel Moiş, leader de la troupe Xtreme, nous en parle :
«La compagnie a 5 membres permanents et plusieurs collaborateurs. Nous avons tous fait de la gymnastique de performance à différents niveaux. Et pour cause : un gymnaste n’a pas trop d’options, lorsqu’il fini sa carrière sportive. Il peut notamment devenir entraîneur. Dans le sport de performance, il faut s’arrêter à un certain âge. Toutefois, il est possible de mettre à profit son talent en s’orientant dans une autre direction. Par exemple, vers le théâtre, vers le spectacle. Nous comptons sur 15 ans d’expérience dans un domaine qui donne de très bons résultats en Roumanie».
Pour finir, il faut dire aussi que Xtreme est un projet unique en Roumanie : une troupe à la limite entre l’acrobatie et l’art, créée par Dorel Moiş, collaborateur de la célèbre chorégraphe du Cirque du Soleil, Debra Brown. (Aut. : Luana Pleşea, trad.: Mariana Tudose, Valentina Beleavski)