Robert a récemment obtenu un diplôme en sciences, une carrière pourrait s’ouvrir à lui mais nous sommes à Leipzig, en RDA, à la fin des années 70 et Robert milite au nom de la liberté d’expression. Une activité qui lui vaut des ennuis et le cantonne à laver des fenêtres jour après jour. Le coeur de Robert bat pour Maria, fichée à la Stasi. Ils font des projets d’exil, de liberté retrouvée ailleurs, jusqu’au jour où Maria disparaît sans laisser de traces. Alors Robert va chercher…
Karsten Dümmel, à travers une galerie de portraits émouvants et de destins brisés, offre au lecteur ce récit tourmenté, composées d’enfermements, de privations, de harcèlement et d’arbitraire. Nous sommes dans les années de plomb, dans un pays où liberté d’expression ne figure pas au dictionnaire; une époque qu’il est utile de rappeler afin de que cela ne se reproduise plus et afin qu’on puisse lutter contre de pareilles discriminations dans d’autres pays.
Une des grandes qualités de plumes de Karsten Dümmel est sa manière implacable et froide de dire les choses, sans débordements, sans feu passionnel, simplement à travers l’histoire d’un couple soudainement brisé par le poids d’un système politique. La révolte est là chez Robert, mais aussi chez le lecteur qui se retrouve imprégné au fil des pages de cette chape étouffante qui s’abat sur un peuple, sur la pensée, sur les plus élémentaires des droits.
Un sujet que Karsten Dümmel connaît sur le bout des doigts, pour être né en Allemagne de l’Est en 1960 et avoir rapidement compris qu’il fallait se taire pour continuer à vivre dans un univers à la liberté étriquée. Cela ne l’empêchera pas, tout comme le héros de son roman, de militer pour la liberté d’expression et les droits de l’homme, ce qui lui vaudra à lui aussi quelques ennuis, notamment les interdictions de sortie du territoire, avant d’être finalement envoyé en Allemagne de l’Ouest en 1988, au milieu d’un groupe de prisonniers politiques échangés contre des denrées et autres marchandises commerciales. Karsten Dümmel découvrira alors le dossier que la Stasi avait monté sur lui; ça dépasse l’entendement tant l’espionnage a été poussé à l’extrême. De quoi mieux comprendre la manière qu’a l’auteur, dans « Le dossier Robert » d’évoquer cette période et les moyens qui étaient alors employés.
L’ouverture des archives de cette police secrète provoqua d’ailleurs un véritable séisme sociologique et politique dans les années 90, lorsque le public découvrit à quel point la surveillance était intense et perverse.
Roman hautement intéressant (et bien écrit !) qui fait froid dans le dos, surtout avec le recul, des années plus tard.
La note: