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Dès l’ouverture de l’album La pluie de Guy Servais, le monde du sensible happe le lecteur, petit ou grand, offrant à cette pluie une dimension artistique à laquelle on ne prend jamais garde.
Ce n’est pas parce que je suis bretonne que j’ai craqué pour ce très bel album « La pluie » chez Mijade!
Ce n’est pas non plus parce que le fil conducteur est une ombre féline.
La bibliothèque du village où j’enseigne cache parfois de petits trésors inattendus: c’est ainsi qu’une de mes collègues est tombée sur « La pluie » et dès qu’elle me l’a fait lire, j’ai succombé au charme poétique non seulement du texte mais aussi des illustrations.
Il n’y a pas vraiment d’histoire mais plutôt une déclinaison des sensations provoquées par la pluie: l’auteur, Catherine Blanc, est parvenue à poser des mots simples d’une grande poésie sur un phénomène météorologique commun, tandis que Guy Servais a réussi le tour de force de créer des illustrations d’une douceur poétique éclatante grâce aux pastels et aux crayons de couleur. La pluie devient le personnage central de l’album au gré des escapades d’un chat de gouttière, ombre délicate se promenant sur les toits des maisons, sur les branches dénudées d’un arbre, dans l’herbe humide d’une campagne où tout le monde s’est mis à l’abri. Les pages en N&B et en couleurs se succèdent ouvrant le regard sur un monde intérieur qui glisse au rythme musical, si particulier d’une pluie sur les carreaux d’une fenêtre, sur une route déserte ou sur le bitume d’un trottoir.
Dès l’ouverture de l’album, le monde du sensible happe le lecteur, petit ou grand, offrant à cette pluie une dimension artistique à laquelle on ne prend jamais garde. Le texte comme l’illustration permettent au jeune lecteur d’appréhender les sentiments engendrés par le temps pluvieux: la mélancolie qui apparaît est normale, le gris évoque une tristesse qui lentement s’écoule au tempo lancinant d’une pluie.
« La pluie descend/Lave les toits/Lisse les chats
La pluie descend/Trempe les champs/Froisse les feuilles »
(….)
« La pluie descend/Et le chagrin/Ce soir revient
Je ne vois plus/Que tout ce gris/Que fait la pluie
(…)
La pluie est la compagne d’une transparence liquide des peines….d’ailleurs ne les emporte-t-elle pas jusqu’à la rivière où elles s’élancent pour un long voyage? « La pluie emporte toutes les peines vers la rivière ».
« La pluie » est un album dont l’atmosphère et l’ambiance feutrée (malgré les gouttes et les ondées) apportent un certain apaisement: la structure poétique du texte oblige à une lecture plus lente et plus intimiste que pour une histoire. D’ailleurs, spontanément, je l’ai lu en classe sotto voce et d’une musicalité proche de l’adagio.
Un très joli album, qui invite au voyage, à mettre entre toutes les mains!
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