Aller au contenu

La Transylvanie ; pays de Dracula, des Saxons et des Sicules (Voyage Roumanie)

Votre séjour en Croatie est unique ; notre expertise l’est aussi! Pour mieux préparer vos vacances, consultez le guide voyage Croatie et téléchargez les Ebooks gratuits : conseils pratiques, idées de visites et bonnes adresses.  

 

siculie

Voyage Roumanie, un récit de voyage qui nous entraîne au coeur de la Roumanie, en Transylvanie, le pays de Dracula, des ours, des Saxons et des Sicules. Une région au riche patrimoine culturel et historique, qui est fascinante.

En Hongrois, la Transylvanie s’appelle « Erdély », et c’est une terre qui a une histoire très-longue et très-particulière. Je ne vous en résumerai que le dernier épisode : « le traité de paix de Versailles [dit aussi du Trianon] rattacha [à la Roumanie] non seulement les départements majoritairement peuplés de Roumains, mais aussi la Terre des Sicules ( → Székelyföld ) qui reste à ce jour presque exclusivement de langue hongroise … ainsi, même après que des centaines milliers de personnes eurent quitté la Transylvanie, deux millions de Hongrois furent transformés en citoyens roumains et la Transylvanie devint une sorte d’Atlantide mythique pour les Hongrois.

Ne voulant pas dire de bêtises, et étant assez d’accord avec les lignes qui précèdent, je me suis permis de les reprendre du bon petit livre : « La Hongrie et les Hongrois », de Bart István, paru aux éditions Corvina (1086 Budapest, Dankó utca 4-8) que deux gentilles étudiantes viennent de m’offrir.
Et en effet, voilà belle lurette que Ma Douce me parle de la Transylvanie, avec des étoiles dans les yeux et des sanglots dans la voix qui en disent long sur l’attachement qu’elle lui porte ! Nous avons donc fait nos sacs, avons emprunté une voiture à de bons copains, et sommes partis pour un périple de 11 jours (du vendredi 22 mai au lundi 1er juin) au « pays des origines » …
Chaque soir, ou le matin suivant, ou le soir d’après, nous récapitulions la journée, en nous attachant surtout à fixer des points de repère : lieux visités, gens rencontrés, … Le reste, ce seront les souvenirs, le résultat du travail polissant de la mémoire …
Je vous propose pour la suite un article plus ou moins long pour chaque journée, un genre de « journal », donc. Je me fixe comme contrainte de ne pas y intégrer plus de 3 photos à chaque fois (ça va être dur !) mais comme en même temps nous en avons pris presque 500, je me (et vous) propose de faire un nouvel album avec une sélection de clichés un peu plus large
Je crois avoir tout dit …

Alors, bienvenue en Transylvanie !!!

Voyage Roumanie : Destination Transylvanie, une région fascinante


 

ça, c’est le château de Dracula : ça fout les jetons, hein ?

Transylvanie : on se carapate aux Carpathes !

Voilà une semaine que Ma Douce empile consciencieusement ses petites affaires sur le canapé du bureau … Elle ne pense plus qu’à ça, elle ne parle plus que de ça : la Transylvanie ! On pourrait même en faire un remake de la chanson de Julien Clerc …
Il faut dire que pour Elle comme pour bon nombre de Hongrois-e-s, la Transylvanie, c’est à la fois si loin, dans l’espace (de 400 à 800 kms à partir de Budapest) et dans le temps (enlevée puis redonnée puis ôtée à nouveau au fil des défaites et des « traités » qui s’ensuivaient), et si proche dans l’usage de la langue, le respect des traditions et les histoires familiales, que forcément partir « là-bas » a quelque chose d’un retour aux sources et d’un renouvellement !
Pour moi, nourri de l’imaginaire occidental, c’est beaucoup plus simple : Transylvanie + Carpathes = ours + Dracula.
Puis il a bien fallu que le vendredi 22 mai arrive, jour fixé pour notre départ. Vers 18h, nous chargeons donc nos sacs dans le coffre de la déjà bien rôdée Ford Escort obligeamment prêtée par Norbert, et roulez jeunesse, plein Est vers Debrecen où nous avons prévu de passer la nuit !
Voyage sans grande histoire, agrémenté d’une petite halte à Hatvan où, chez la grand-mère de Norbi, nous récupérons la plage arrière du véhicule, histoire de pouvoir dissimuler nos maigres bagages aux regards pleins de convoitise de tous les rôdeurs de Roumanie … Sympa, la grand-mère, et à peine étonnée de nous voir au volant de la voiture de son petit-fils chéri …
On trouve l’appartement réservé sans difficulté, juste derrière l’Hôtel de Ville. Un grand truc d’au moins 70 m2 avec cuisine et 2 salles de bains, le tout pour 6500 forints la nuit, soit moins de 25 € !

Et le tout dans un immeuble ancien et assez beau : je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je trouve que la beauté du quotidien, ça compte aussi, non ?
Le soir, on va faire un tour jusqu’à la Grrrande Eglise Calviniste de Debrecen, où vient justement de se dérouler un grrrand synode de toutes les congrégations hongroises. On y reste (bien qu’on y soit fichtrement mal assis !) pour écouter un concert d’orgue pas mal improvisé, et assez impressionnant. Ensuite on fait un tour sur les boulevards, où on croise pas mal de gens passablement bourrés … Avant d’aller se coucher, on rencontre une gitane avec un drôle de chapeau mexicain : je lui donne quelques forints en espérant, non, en sachant que ça nous portera chance dans notre voyage …

Transylvanie  : la synagogue de Nagyvárad

Jour 2

Avant de repartir de Debrecen, on s’est un peu promenés au soleil.
On a revu la Grrrande Eglise, d’un beau crémeux. On a vu des architectures curieuses. On a recherché une « pâtisserie française » qu’on nous avait conseillée, et qui s’est révélée n’avoir du « français » que dans son nom. On a parcouru un très joli marché aux fleurs … On a vu le musée Déri (que son fondateur, malgré sa volonté, n’avait pas pu construire à Baja, sa ville natale), en assez mauvais état, et aussi un musée moderne qui avait l’air très beau, et sur le parvis duquel se déroulait un concours de majorettes.
Pendant un moment j’ai tenu compagnie à une statue dont la figure me disait quelque chose …

Avant de franchir la frontière vers 13 h, on a fait quelques achats au Lidl installé au bord du dernier rond-point avant la Roumanie. Le parking était plein de « Dacia » qui sont, comme je l’appris, « les » voitures roumaines ; d’ailleurs c’était pratiquement l’unique modèle fabriqué pendant l’ère Ceaucescu.
Juste après être passés (Ma Douce était un peu tendue, elle se souvient encore des longues files d’attente provoquées par des douaniers méticuleux et moqueurs) il nous faut acheter une « vignette routière » qui donne droit à rouler sur tout le territoire. 3 euros pour 7 jours ! Et on s’étonne après ça que certaines routes soient en si mauvais état !

Maintenant que l’on va parler de lieux, j’aimerais être clair : personnellement je ne suis nationaliste d’aucun bord et surtout pas dans une affaire qui ne me concerne en rien ! Je ne veux pas dire par là que je m’en fiche mais que, comme le dit si bien JPL, « tout ceci ne me regarde pas ». Ainsi, ne pouvant travailler sur deux lignes superposées, j’indiquerai d’abord le nom roumain, qui est « officiel », suivi du nom hongrois que certains, je le sais, jugent plus « authentique ». Qu’ils n’y voient donc là aucune marque de préséance …
Nous sommes arrivés assez vite à Oradea / Nagyvárad et là, à l’entrée de la ville, tout de suite un choc qui allait se renouveler à l’entrée d’autres villes : nous longeons un IMMENSE complexe industriel COMPLETEMENT désaffecté, avec des centaines de fenêtres explosées. Et quelquefois leurs cheminées pointent carrément à l’intérieur de la ville, collées aux habitations !
Nous commençons une longue balade à pied à partir du centre, en direction du fleuve. Je retrouve assez vite l’impression qui m’a bien des fois saisi à Budapest mais aussi en Slovaquie : celle d’un « beau passé », d’une civilisation se situant à la charnière entre noblesse et bourgeoisie (une des figures marquantes en est le comte Széchenyi) et qui devait sombrer dans la 1ère guerre mondiale.

est-ce bien la peine que je vous parle de la météo ?

 

Arrivés au bord du Körös (rivière, et non pas fleuve, qui prend sa source en Transylvanie) nous remarquons aussitôt la synagogue, une grande bâtisse imposante, et apparemment en assez mauvais état :
Nous nous en approchons, pour faire quelques photos qui ne soient pas traversées de fils électriques, suffisamment près pour être hélés de l’intérieur par un vieux bonhomme qui se présente comme le gardien. Il nous fait pénétrer dans le bâtiment, accompagnés de son chat. Manifestement il est très fier de « sa » synagogue qu’il nous présente tout simplement comme « la plus grande du monde », excusez du peu ! Il nous raconte longuement les dégradations et les pillages dont elle a fait l’objet, principalement du fait de Tsiganes installés dans le terrain vague qui la borde. Et c’est vrai que certains plafonds sont crevés, que des choses indéfinissables pendouillent ici et là … Il n’empêche, elle a encore de beaux restes, la synagogue de Nagyvárad :
Les plaques qui bordent tout le pourtour du balcon portent les noms de celles et ceux qui sont parti-e-s et ne sont jamais revenu-e-s : sur les 20 000 juifs « néologues » d’Oradea/Nagyvád, 5 000 seulement ont survécu … Et nous avons pensé que le vieux gardien, qui se fait bien du souci pour sa succession, était l’un d’eux …
Sur ses indications, nous avons ensuite poussé jusqu’à la synagogue « orthodoxe », qui paraissait toute neuve et en plein état de fonctionnement. D’après ce qu’on a compris, les « orthodoxes » paraissent aujourd’hui beaucoup plus florissants que les « néologues », qui étaient plus ouverts et plus enclins à l’assimilation. Y a-t-il une moralité là-dedans ? Je ne saurais le dire …

Puis, après avoir traversé un parc où de multiples couples de jeunes mariés se faisaient prendre sous toutes les coutures, nous avons continué notre chemin en direction de Cluj-Napoca / Kolozsvár. Sur le bord de la route, quelques « palais » gitans :

ça fait un peu « château en Espagne », non ?

On a ensuite longuement cherché l’église de Monasteri / Magyargyerőmonostor, au splendide plafond peint (dixit Ma Douce, qui en connaît un rayon, en plafonds peints) : on avait beau regarder la carte, et puis le paysage, et encore la carte, on aurait dit que la route indiquée avait disparu, qu’elle s’était tout bonnement volatilisée ! Finalement, après plusieurs essais et de multiples détours, nous y sommes enfin arrivés, à cette fameuse église … pour constater qu’elle était fermée, et que donc on n’y verrait aucun plafond, peint ou pas ! Elle était pourtant bien jolie de l’extérieur, avec quelques bas-reliefs tout à fait intrigants :

vous voyez cette femme, à droite, qui semble allaiter deux serpents ?

L’arrivée à Cluj-Napoca / Kolozsvár fut assez sportive, à cause de travaux de réfection de la route qui interdisaient l’accès à l’hôtel, quel que soit l’itinéraire emprunté ! Après une courte phase d’énervement, on s’est calmés en faisant un tour dans la ville, et en allant dîner de saucisses dans un restaurant … viennois !

La Transylvanie  : chez les Saxons


 

Le matin, on a fait une longue promenade dans Cluj-Napoca / Kolozsvár : des églises, des Dacia, des statues, des Dacia … Des portails Renaissance aussi, cachés dans des arrière-cours :


Puisque c’est dimanche, et que c’est plein d’églises, Ma Douce va à la messe. J’en profite pour boire un café tout en sondant la météo, qui me paraît bizarre et incertaine. D’ailleurs il y a une drôle d’ambiance dans cette ville, où beaucoup de gens d’origines, d’histoires et de religions diverses se côtoient mais où chacun semble rester sur son quant-à-soi.
Après la messe, petit tour dans un marché de brocante sympa, installé dans la cour de l’ancien palais Bánffy …

Puis la route devient de plus en plus spectaculaire, de plus en plus « dramatique », avec des failles, des gorges et des défilés, et la chaussée de moins en moins bonne. Nous pique-niquons (quand enfin nous trouvons un espace libre !) au bord d’un mignon petit ruisseau qui court entre ce qu’on ne peut plus appeler des collines mais pas encore tout à fait des montagnes. Bien qu’il y ait beaucoup de monde, et beaucoup de familles, pas une radio ne hurle le dernier tube du moment, pas de cris non plus, l’ambiance générale est calme, détendue …
Un peu plus loin, nous nous arrêtons à Rimatea / Torockó, village saxon classé au patrimoine mondial de l’Unesco … sans que cela soit indiqué quelque part ! (Je dirais que, d’une manière générale, les Roumains semblent plutôt embêtés avec ce « patrimoine » non-roumain qu’il faudrait protéger, certes, et quelques travaux sont là pour montrer que c’est bien le cas, mais qu’il serait tellement plus commode d’oublier, voire de faire disparaître …)

une maison saxonne typique, avec la « jupe » qui borde le toit, et la cave au rez-de-chaussée

Puis nous prenons une stoppeuse au milieu de nulle part. Il faut savoir qu’en Roumanie, l’auto-stop est une pratique courante : à chaque sortie de chaque ville, des gens de tous les âges sont là, qui attendent que quelqu’un s’arrête pour les emmener plus loin. C’est d’ailleurs plutôt une forme de taxi « au noir » puisqu’il est courant, et même attendu, que les gens paient quelques leis pour ce service.
Après avoir déposé notre passagère à Aiud / Nagyenyed, nous poursuivons jusqu’à Valea Viilor / Nagybaromlak. C’est toujours dimanche, et c’est la fête au village. Au moment où nous arrivons près de l’église fortifiée, une foule est rassemblée, applaudissant à une remise de coupes ; au moment où nous constatons que la porte de ladite église est close, un escogriffe surgit, dont le regard trouble et brillant montre assez qu’il n’en est pas à sa première pálinka! Avec un air exagérément responsable, et un peu faraud, il montre une grosse clé et nous comprenons que nous avons affaire au gardien de l’édifice …Il est bientôt rejoint par un acolyte à peu près dans le même état : ce qui nous rassure un peu, c’est que celui-ci tient un petit enfant dans les bras ! Finalement ils se révèlent très gentils, très contents de parler de « leur » histoire, le tout dans un allemand un peu hésitant auquel Ma Douce s’efforce de répondre. Il s’avère en effet que nous sommes en présence de 2 authentiques descendants des anciens Saxons, sur les 6 que le village compte désormais ! Ils furent jusqu’à 2 000 …


Le principe de l’église fortifiée (la fondation de celle-ci remonte au XIII ème siècle) est simple : quand il y avait du grabuge, tout le monde se mettait à l’intérieur ! On a en vu d’autres, une en particulier du côté de Brasov / Brassó (voir J7) où tout était prévu pour vivre !

En partant, on a découvert qu’un tournoi de ping-pong se déroulait le long de l’enceinte de l’église, et sur le chemin de la voiture on a croisé une dame qui portait un nouveau plateau de coupes ! Ma parole, mais c’est qu’il s’en passait des choses, dans ce petit village perdu au bout de la route ! Et quel contraste avec la « ville » située à 20 kms de là : coupée en deux par une route rapide, d’un côté un énorme agglomérat d’usines, qui semblaient toutes plus mortelle l’une que l’autre, et de l’autre des habitations presque neuves, et peintes aux couleurs les plus pimpantes !!! Complètement mortifère …

Le soir, on a mangé (assez mal) et dormi (assez bien) à une adresse qu’on nous avait conseillée. Son grand atout : située au sommet d’une côte, juste au-dessus de Medias / Medgyes, elle offre un point de vue magnifique sur le pays environnant, au fond duquel on peut deviner le pays sicule … où l’on devait aller le lendemain …
vous les voyez, les Carpathes enneigé-e-s ?

Transylvanie : des bas et puis des hauts !

Jour 4

Après un petit déjeuner frugal, balade dans Medias / Medgyes : comme presque partout, de beaux bâtiments ayant connu des jours meilleurs, une belle église (gâchée par une « gardienne » qui nous parla la bouche pleine…) et, à la sortie de la ville, soudain le flash ! soudain tout, la route et ses trous, les véhicules, de la Dacia hors d’âge à la motobylette pourrie en passant par les charrettes hippomobiles, la poussière, les gens de poussière, bruns, basanés, cuivrés qui attendent (cf J3) un véhicule, tout est semblable … au Maroc ! Et nous sommes en Europe, ne l’oublions pas ! Ben oui, c’est ça l’Europe, aussi …
Puis la route est belle jusqu’à Biertan / Berethalom. A nouveau la visite d’une très imposante (et parfaitement entretenue) église fortifiée

combien de murailles ? 3 ? 4 ? plus ? allez savoir !

à l’issue de laquelle nous rencontrons, en explorant le village, une charmante vieille dame qui se met à nous entretenir. Elle nous explique qu’elle est née là, et qu’elle est bien seule depuis que ses six enfants sont partis ailleurs pour gagner un peu d’argent. Mais elle ne se plaint pas, et ses yeux rient toujours :

Elle nous accompagne tout au long de la muraille et nous comprenons tout à coup qu’elle nous ramène à la porte d’entrée, croyant sans doute que nous n’avions pas encore visité ! Et en effet, parvenus devant la porte, nous dûmes essayer de lui expliquer que ce n’était pas le cas. Cela se passait plutôt bien, gentiment, quand une voix sèche est intervenue en roumain : « Fous-leur la paix, grand-mère ! Laisse-les tranquilles ! » Cela parvenait d’une espèce de transatlantique sur lequel une femme déjà mûrissante était étalée, la bouche et les yeux durs. Elle vendait  des souvenirs. Apparemment elle en vendait très peu. D’ailleurs qui voudrait en acheter un à une femme comme celle-là ? Nous remerciâmes grandement la mère-grand, qui s’en fut son bonhomme de chemin. Après son départ, la marchande nous expliqua que « la vielle était un peu zinzin », ce qu’en notre for intérieur nous contestâmes absolument et sans recours, et nous ne pipâmes mot.

Puis encore une église à Malancrav / Almakerék. Pour visiter il faut aller chercher une dame en bas, dans le village, ce qui n’a pas l’air de l’enchanter. Elle monte toute la côte sans dire un mot, sa petite fille silencieuse sur les talons. A l’entrée nous retrouvons un groupe déjà côtoyé lors de la visite précédente. Nous suivons donc un même parcours. Il s’agit d’un couple, vraisemblablement des Allemands à la retraite, conduit par un de ces personnages comme on en découvre régulièrement quand on vit à l’étranger. D’une certaine manière ce sont des guides « locaux », encore que souvent ils viennent d’ailleurs. Métisses dans l’âme (et quelquefois dans la chair) leur principal souci semble être d’établir un pont entre les visiteurs et leur pays, un pont dont ils ont besoin pour être en paix. Quand on est touriste, on les voit autrement, peut-être comme des gens sympas, à qui un « coup de main » ne ferait pas de mal ? Quant à moi je m’interroge : sont-ils des petits malins qui s’en sortent plutôt bien, ou des losers qui peinent pour survivre ? Peut-être bien les deux, suivant le moment …

Tout en roulant, nous cherchons vainement un endroit adéquat pour pique-niquer. La faim commence à monter … Autant je trouve agréable de se réveiller en ayant faim, autant au-delà d’un certain seuil, on devient hargneux et bougon, et on se déteste … La faim au ventre donc, nous arrivons brutalement à Sighisoara / Segesvár. Et là c’est le sketch du parking, bien connu de tous les voyageurs du « tiers-monde ». Nous nous garons, chance, à l’ombre. Nous avisons un homme assez jeune, vêtu d’une tenue d’un jaune éclatant, qui court à tout véhicule arrivant. Nous nous disons que c’est le gardien, et nous attendons qu’il coure à nous également. Mais, même désoeuvré un court instant, il néglige ostensiblement notre présence. Je m’avance un peu, jusqu’à la hauteur du coffre arrière à peu près, comme pour lui signifier notre attente. Aucune réaction, il semble même s’éloigner un peu. Nous décidons alors de chercher quelque chose à manger, et nous partons. Quand nous sommes arrivés au bout du parking le gars me hèle dans le dos. Il me montre son carnet de tickets. Je reviens vers lui en mettant la main à la poche. Ses explications sont confuses, incompréhensibles, tellement il serre les dents. Pourquoi est-il aussi hargneux ? Aurait-il faim, lui aussi ? Et sera-ce si diffcile de trouver à se nourrir dans cette satanée ville ? Ou bien maudit-il ses parents de l’avoir enlevé de l’école à douze ans, ce qui l’a empêché d’apprendre l’anglais ? Devient-il fou en voyant tout le fric qu’il encaisse, comparé à la misère qu’il gagne ? Quoi qu’il en soit je raque, car quand il s’agit de payer on finit toujours par se comprendre.

D’ailleurs à Segesvár, il faut payer partout, pour visiter et pour prendre des photos. Je ne suis pas bien certain d’être d’accord avec cette politique : quel « droit d’image » peut-on avoir sur un monument ? De toutes façons, on n’était pas de bonne humeur, du coup on a pas payé et on a pas de photos, na ! ou alors pas beaucoup …

une des seules : celle de la sortie !

 

La Transylvanie, pays des Sicules


 

Puis c’est l’entrée au pays sicule, ou des Sicules, du nom de ces fiers guerriers chargés de défendre les marches du royaume de Hongrie contre toutes les tentatives d’invasion, et il y en eut ! Du coup les puissants du pays ne payaient pas d’impôt mais ils devaient lever et entretenir une armée. Leur grand héros est le roi Ladislas qui, lui-même, ne faisait pas dans la dentelle …

Or doncques, tel que vous pouvez le comprendre par la Très Véridique histoire qui vous est contée ci-dessus, il advint qu’au royaume de Ladislas un barbare, un malpoli, un rustre enlevât une jeune vierge qui n’était pas d’accord. N’écoutant que son devoir sacré (ou ses testostérones, les versions ici varient) Ladislas enfourcha sa monture et s’en fut à la poursuite de l’ignoble, qu’il rattrapa bientôt près d’un château en train de s’écrouler, à moins que ce ne fût symboliquement celui de l’ignoble ? Ladislas l’escagassa, l’épastrouilla, bien aidé en cela par la jeune vierge qui maniait fort bien la hachette, ma foi. A l’arrière-plan les deux chevaux, même celui de son maître, riaient beaucoup. Pour la remercier, Ladislas lui offrit la gorge de l’ennemi, qu’elle trancha d’un coup ferme et sans arrière-pensée.
Edifiant, n’est-ce pas ? D’autant que c’est sur le mur d’une église, celle de Mugeni / Bögöz, qu’on trouve cela, sur le mur nord pour être précis, celui qui restait toujours aveugle car dédié au diable. Hardi les petits ! Sus à l’infidèle ! Dieu reconnaîtra les siens ! Saint Ladislas aussi ! toujours la même vieille ritournelle … the same old story …
Le curé est très gentil et un peu coquin. Il n’arrête pas de sortir des blagues un peu salées (je veille à ce que Ma Douce me les traduise toutes) et je crois qu’émoustillé par cette belle présence féminine, il en rajoute un peu. C’est un homme simple, que nous avons trouvé en train de tirer une charrette pleine d’herbe en arrivant, un homme qui aime la vie, ça se voit, et qui veille débonnairement sur un petit trésor :

balcons peints du 18ème siècle

et un plafond entièrement peint, de la même époque  …
heureusement, il n’est pas seul pour veiller sur tout ça !

 

Pour la nuit, et sur le conseil du malicieux curé, nous nous sommes arrêtés un peu plus loin, à Taureni / Bikafalva, dans une panzió « agroturistica » toute rose, et un peu chère …
Allongé sur le lit, j’ai jeté quelques notes sur le papier, j’ai fait le compte deux fois et j’ai dit à Ma Douce : « Ecoute, Bébé, si je ne me trompe pas, on a visité pas moins de 6 églises aujourd’hui, je ne suis pas sûr de tenir longtemps à ce rythme-là ! » Elle m’a promis de faire un effort et c’est pourquoi  vous verrez (un peu) moins d’églises dans les pages suivantes …

En pleine Siculie …

Jour 5.

Peut-être parce que la pension était toute rose, nous nous sommes levés assez tard le lendemain. Nous sommes retournés à Odorheiu Seculiesc / Székelyudvarhely (le roumain, c’est quand même vachement plus facile !) où nous avions dîné la veille au soir d’un généreux kebab. Précisons qu’il s’agit du lieu de naissance du grand-père de Ma Douce, tout de même ! Nous y avons tiré un peu d’argent et sommes partis sur la route des portails …


Ces portails sont une des spécialités du pays sicule qui, je l’appris par la suite, en comporte bien d’autres. Comme vous pouvez le constater à l’extrême droite de la photo, ils se fabriquent toujours, et toujours sur le même modèle général, bien que la partie supérieure, sous le petit toit, serve de moins en moins de pigeonnier :


D’un portail à l’autre tout est identique ou presque, et pourtant tout est divers. Cela est probablement dû en partie aux variations induites par le degré d’usure du bois employé, qui noircit assez vite avec le temps.
Ces portails et les barrières qui les réunissent semblent montrer qu’en pays sicule « charbonnier est maître chez lui ». D’ailleurs certaines inscriptions « personnalisées » sur les portails le disent clairement « Ami, si tu ne viens pas avec de bonnes intentions, tu peux passer ton chemin! » Est-il besoin de préciser que toutes ces inscriptions sont écrites en hongrois ? Et dans un hongrois peut-être plus « pur », plus « authentique » que le hongrois moderne parlé à Budapest ? En effet, il semble y avoir entre le hongrois de Siculie et le français de Montréal quelques similtudes, notamment dans la conservation vivante de tournures et de mots anciens, apparaissant comme des archaïsmes dans la langue originelle. Mais la situation géopolitique ne fut-elle pas à chaque fois celle d’une minorité très attachée à la représentation identitaire de sa langue ? Ajoutez à cela la réputation qu’a le Sicule de parler peu, et de ne pas « user » les mots pour ne rien dire …
Nous arrivons ensuite dans un endroit comme j’en ai connu au Maroc et, dans une moindre mesure, à Madagascar. Il s’agit d’une station thermale abandonnée répondant au doux nom de Homoródfürdő. Dans un sous bois ombreux et humide, où c’est l’automne toute l’année, s’étagent de beaux chalets désertés, qui tombent lentement en ruines. Auprès de la source qui se trouve en contrebas, c’est une autre affaire : des hommes vigoureux, au teint fleuri, remplissent à la chaîne des bouteilles en plastique d’un litre et demi, en quantités industrielles. A nous qui en tenons chacun-e une, ils consentent à laisser la place pour une minute, ce dont nous les remercions. Cette eau est vraiment spéciale, et pas du tout appétissante avec sa couleur de rouille pâle et sa forte odeur de soufre. Mais il faut surmonter sa légère répugnance et la boire car elle semble souveraine contre les foies un peu chargés.
A nouveau nous pique niquons au bord d’un ruisseau, juste avant Lueta / Lövéte, mais seuls cette fois puisque ce n’est plus dimanche. Nous jouons à imaginer ce que nous ferions si un ours sortait de la forêt pour se désaltérer en cette chaude journée de mai …

Puis nouvelle visite d’une église, unitarienne cette fois, à Craciunel / Homoródkarácsonyfalva (no comment !). Et voilà encore une « spécialité » de Transylvanie, l’église unitarienne (qui réunit des chrétiens refusant d’adorer la sainte Trinité) y ayant vu le jour officiellement vers 1570, à la suite de différents schismes … non-violents, il est bon de le préciser alors qu’à l’autre bout de l’Europe se déroulait le massacre de la Saint Barthélémy … Là encore des trésors, petits ou plus grands, sans grande valeur marchande, certes, mais d’autant plus précieux qu’il faut se donner la peine de les découvrir …

un « sondage » sur un banc fait apparaître les décorations du 18ème …

 

 

La visite est conduite par une femme vive et très gentille, qui n’est autre que la ministre de cette église. Mais bientôt elle doit nous quitter car elle attend un groupe d’Américains … chez qui la religion unitarienne est très présente !
Nous avons donc tout notre temps pour admirer encore une fois les fresques de Ladislas chevauchant, bataillant, épistrouillant et épastrouillant …  (voir J4) Epatant !
Puis nous nous tournons vers des manoirs Renaissance, pour changer un peu : las ! le premier, Daniel-kastély, a été racheté par la ville d’Esztergom et il est fermé au public. Un vieux bonhomme, assez ravagé, passe par là et nous propose de nous mettre en contact avec le gars qui s’occupe du jardin de la propriété … encore une espèce de « guide » ! Le second est moitié en travaux et moitié en location, et il n’est pas possible d’y entrer non plus. Tout le monde en effet n’est pas le prince Charles, qui y fut reçu la veille de notre passage ! Un grand moment de calme pourtant dans le parc ombragé et un peu frais, où deux forts chevaux noirs nous suivaient à quelques pas …
Dans le soir naissant, ce fut une longue et magnifique route (avec un long arrêt à un passage à niveau perdu au milieu de nulle part, sans plus aucun des repères habituels, et c’est pour des moments comme ça que l’on voyage, évidemment !) jusqu’à Sfantu Gheorghe / Sepsiszentgyörgy (j’ai rien dit !) où Réka, une collègue « excentrée » de Ma Douce, et Alpár, son artiste de mari, nous avaient réservé une chambre dans une panzió et nous attendaient pour dîner.

La suite très bientôt…
Jean-Luc Desjardins
Étiquettes:

1 commentaire pour “La Transylvanie ; pays de Dracula, des Saxons et des Sicules (Voyage Roumanie)”

  1. j’ai aussi aprecier cette region entre sibiu et sighisoara ou l’on vous regarde de travers l’orsque l’on parle roumain. j’y ai emmener en excursion des amis de mon village d’oltenie.en traversant un bourg je fut attirer par ce qui me semblais un chateau je m’arrete descend de voiture avec les enfants de mes amis et me dirige vers l’entree une femme me presente un carnet de tiquet et me reclame 3 lei par personnes et nous suis pas a pas au cours de la visite.ce que je prenais en faite pour un chateau etait une eglise fortifiee en penetrant dans ce lieu j’ai trouver beaucoups de similitude avec mon temple de ma jeunesse.la petite dame ne nous ayant pas quitter vue qu’elle nous avais interdit de prendre des photos et que je me promenais avec mon appareil en bandouillere.je lui demande de quelle confession est cette eglise .lutheriene me repondit elle,je me mis a lui raconter mes jeunes annees eleve dans un orphelinat luterien a paris ,mon temple rue titon.le visage de cette femme c’est eclaire d’un grand sourir ,et m’a donner toute les information sur la liturgie,les heures de culte nous a meme fait visiter le temple d’hiver fermer au publique et j’ai pu prendre des photos mes amis n’en revenais pas et me posais plein de questions sur cette religion qu’ils ignorais .peut etre regarderons t’il les sas(roumains d’origines allemand) sous un autre oeil maintenent.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

 

  1. Accueil
  2. /
  3. Derniers articles
  4. /
  5. ROUMANIE
  6. /
  7. Transylvanie
  8. /
  9. La Transylvanie ; pays de Dracula, des Saxons et des Sicules (Voyage Roumanie)