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Le SIDA en Argentine

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sidaLa visite à Buenos Aires du Dr Françoise Barré-Sinoussi, Prix Nobel de Médecine 2008, donne au Trait d’Union l’occasion de faire le point avec une spécialiste, sur la situation de l’épidémie de SIDA en Argentine. Mercedes Weissenbacher est médecin. Directrice de recherches au Conseil National de Recherches Scientifiques et Techniques de Buenos Aires (le CONICET), elle travaille au sein du département de microbiologie de l’Université de Buenos Aires. C’est la seconde femme membre de l’Académie de Médecine argentine. De 1990 à 2000, elle a travaillé sur la question du SIDA pour l’Organisation Panaméricaine de la Santé (une branche de l’OMS) aux Etats-Unis et en Uruguay.

Elle s’oriente d’abord dans les années 70 vers la recherche sur le virus Junin à l’origine de la fièvre hémorragique argentine, transmise par les rongeurs aux travailleurs ruraux. Sans traitement, elle tuait 20% des quelques milliers de personnes qui la contractaient chaque année. Un sérum fabriqué à partir du sang de malades guéris permet alors de diviser la mortalité par dix. Un vaccin est ensuite mis au point, il servira de base au vaccin utilisé à ce jour. Dans les années 1980, le Dr Weissenbacher se consacre à l’étude des infections respiratoires chez l’enfant.

Au même moment, dans le monde, le corps médical est en effervescence : des hommes jeunes dont l’immunité a disparu meurent d’infections opportunistes. Le SIDA est décrit pour la première fois en 1981. En Argentine, le premier cas est recensé en 1982. Le VIH est découvert en 1983 à Paris. Il devient le virus le plus étudié au monde, et dès 1985, des tests de dépistage sont mis à la disposition des médecins.

A Buenos Aires, le Dr Weissenbacher et son équipe se mettent à travailler sur le sujet. Ils envoient à l’étranger des médecins et chercheurs et établissent les premières statistiques au sein des groupes vulnérables. La moitié des malades est alors constituée de drogués par injection, suivis des homosexuels et des prostituées. Les autorités sont peu préoccupées car la maladie n’est pas très visible. Mais l’infection se propage, car les drogués infectés contaminent leurs compagnes, qui mettent au monde des enfants séropositifs.

Le premier bébé argentin séropositif naît en 1986. Très vite, on recommande de faire accoucher ces femmes par césarienne un peu avant terme pour diminuer le risque de transmission de la maladie au nouveau-né. Mais la discrimination fait rage. Le Dr Weissenbacher raconte toutes les difficultés rencontrées par une future maman séropositive pour trouver une maternité qui accepte de procéder à sa césarienne. Une fois le bébé né à l’hôpital Muñiz, aucun service de néonatologie ne consentait à s’en charger au point que le Ministre de la Santé de la Ville de Buenos Aires a fini par emporter lui-même le bébé dans ses bras d’hôpital en hôpital jusqu’à lui trouver un berceau.

A Genève, l’Organisation Mondiale de la Santé crée en 1987 le très efficace programme mondial pour le SIDA qui apporte ses conseils aux pays membres.

La transmission du virus par le biais de la transfusion sanguine est bientôt détectée. Le monde médical argentin met alors en pratique les recommandations venues de l’étranger bien avant qu’elles ne fassent l’objet d’une loi.

En 1996, à l’extérieur, la trithérapie est administrée pour la première fois à des séropositifs. Dès 1997, elle fait l’objet d’une loi en Argentine : les obras sociales et les prepagas doivent la prendre en charge. Si le malade ne dispose pas de couverture sociale, c’est l’Etat argentin qui se substitue.

La maladie touche toutes les classes sociales et tous les niveaux d’éducation. A ce jour, la moitié des Argentins séropositifs (environ 140 000 depuis 2002) ignorent leur contamination. Pourtant le dépistage est vital pour ralentir l’épidémie, puisqu’il permet, outre l’administration de la trithérapie, la prise de conscience et la diminution des comportements à risque ; car le premier mode de contamination aujourd’hui est la voie hétérosexuelle.

Le gros problème du pays se situe au niveau de la prévention, très mauvaise, voire inexistante. Elle ne donne pas de résultats visibles à court terme, d’où le peu d’intérêt montré par le pouvoir politique. Il se borne à des campagnes ponctuelles quand il faudrait lancer de vastes plans ciblés sur les groupes à risque en s’inspirant de ce qui se fait ailleurs.

Anne Delacharlerie
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