En 1855, Victor Hugo, exilé par Napoléon III, débarque sur l’île de Guernesey comme si le Mont Blanc surgissait brusquement dans un petit canton normand ! Les Auxcrinier, paisibles bourgeois du lieu, deviennent la proie d’une dévotion sans cesse grandissante pour le poète. Le père, les trois enfants suivent avec ferveur ses espoirs et ses luttes, épient de loin ses allées et venues, s’efforcent, à leur modeste manière, d’imiter ses initiatives.
Mais quelle mesure ces braves gens, qu’on croirait par instants, issus d’une comédie de Labiche, peuvent-ils prendre ce géant qui, pourtant, occupe tout leur horizon ? Est-ce un esprit puissant doublé d’un découvreur d’âmes ou un monstre d’égoïsme empli de défauts cachés ? Ce n’est pas, en vérité, à ce roman malicieux de conclure; au vent des îles anglo-normandes, il nous promène dans le sillage de cette famille touchante et obstinée, à Jersey, à Sercq, tout au long de Guernesey et, bien sûr, à travers le singulier domaine du poète. Et si ce Victor Hugo de l’exil, sur lequel Frédéric Lenormand s’est minutieusement documenté, constitue le pôle d’attraction du livre, il faut plutôt voir dans ce récit un roman sur la passion d’admirer, avec toutes les conséquences – frustrantes, souvent burlesque, toujours surprenantes – qu’elle peut engendrer.
Après avoir lu le formidable LA JEUNE FILLE ET LE PHILOSOPHE j’ai eu envie de lire un autre livre de Frédéric Lenormand. Et mon amie pfck-cavalier me conseilla fort opportunément ce roman qui lui avait beaucoup plu.
Alors je me suis plongé dans cette nouvelle histoire. Je dois dire que le récit de cette famille, traquant Victor Hugo jusque dans sa propre maison, copiant le moindre geste du grand écrivain, épousant ses idées, se pâmant devant le plus petit fait concernant le « Maître » est à la fois singulier et amusant. Les Auxcrinier, sorte de famille Fenouillard sympathique dans sa dévotion pour le poète exilé et irrésistibles de comique se prend de passion, le mot n’est pas trop fort, pour le grand Victor Hugo. Et quand, par exemple, en visitant une prison dans les pas de Victor Hugo, ces membres exigent qu’on leur serve la même soupe que goûta celui-ci, on imagine bien à quelles extrémités peuvent conduire leur excessive adulation.
Très vite cependant cette admiration obsessionnelle va avoir de graves conséquences. Allant même jusqu’à suivre, pour l’espionner, Victor Hugo dans ses déplacements, à pénétrer par effraction dans sa demeure pour lui dérober quelques menus objets, nos pitoyables héros vont basculer dans une sorte de maladie mentale qui ruinera leurs individualités ainsi que les finances de la famille. Quand Monsieur Hugo décide de verser dans l’œuvre sociale, il est évident que M. Auxcrinier ne peut faire moins que de dilapider ses biens pour l’imiter
Et la farce tourne vite au cauchemar, Toulouse, le fils, sombrera dans la folie, Engadine gâchera son talent d’écrivain et je ne parle pas du destin d’Estrelle…
Mais ce roman est drôle de bout en bout, il nous fait souvent partager l’ordinaire de Hauteville House, la maison de Victor Hugo, nous plonge dans le quotidien de cette époque et nous propose une superbe étude de mœurs tout en nous distrayant par le comique des situations.
Un livre, hautement recommandable qui nous offre, comme LA JEUNE FILLE ET LE PHILOSOPHE , un formidable moment de lecture.
Editeur Robert Laffont
Etes-vous bien l’auteur du livre en question?
Oh, je suis désolé, il aura fallu un an et demi pour que je voie votre question !
Oui, je suis bien l’auteur – j’imagine que la réponse ne vous importe plus guère après tout ce temps.
Vous pouvez me retrouver sur ma page Facebook si vous le désirez.
Bien cordialement.
F. L. (l’auteur des Fous de Guernesey)
Eh bien merci encore, ça va faire ma journée ça !