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Monument commémoratif de la Résistance à l’Université de Padova : indigne!

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Quand on a quitté la cour à péristyles dorique et ionique superposés du sombre Palazzo Bo, siège originel de l’Université au cœur de Padova où se trouvent une chaire sommaire présentée comme celle de Galilée et surtout le célèbre théâtre anatomique, on a été intrigué en regagnant le corps de bâtiments de style mussolinien qui lui est accolé, par un curieux amoncellement de planches entassées le long d’un mur sous les arcades.

Un débarras de chantier ?

Était-ce le débarras d’un chantier ? L’ensemble paraissait trop bien rangé dans un cadre rectangulaire bien défini.
La moitié inférieure était un empilement contre le mur de pièces de bois mal équarries de toutes tailles, plus ou moins vermoulues, entassées à même la tranche sur des planchettes faisant office d’étagères. La moitié supérieure, au contraire, recouvrait tout ce fourbis sous des lattes usagées certes mais ajustées comme un parquet vertical. Avec des drapeaux italiens pendant dans le coin contre leur hampe, par mise hors-contexte et intericonicité, l’ensemble faisait l’effet tout de même d’un tas de matériaux réformés, entreposés là provisoirement après usage avant d’être jetés à la décharge.
On se heurtait toutefois à un paradoxe : l’emplacement paraissait insolite sous les arceaux qui entourent l’entrée solennelle de l’Université construite de lignes dominantes verticales et horizontales, dans le pur style de l’époque fasciste. La majesté des lieux pouvait-elle tolérer qu’on abandonnât ce fouillis même pour quelques heures, d’autant qu’aucune barrière, aucun cordon n’en interdisait l’accès par simple mesure de sécurité ?

Une énorme bévue

Il a fallu avoir l’œil attiré par une affiche voisine pour mesurer l’énormité de sa bévue. En fait de débarras, on était en présence… du « Monument consacré à la Résistance et à la Liberté ». Il n’y avait pas de doute à avoir : l’Université avait pris soin de joindre au texte explicatif une photo du monument, dès fois que le lecteur perdu chercherait des yeux autour de lui le monument décrit qu’il avait devant lui ! (Voir photo ci-dessous)
On y apprend ainsi que « cette œuvre de J. Kounellis a été inaugurée le 29 mai 1995 lors de la célébration par l’Université du 50ème anniversaire de la Libération. Il est dédié à trois grands maîtres de l’Université de Padova qui ont fait partie des chefs éminents de la Résistance et symbolisent l’unité du projet qui a été réalisé en ces circonstances dramatiques par des hommes d’idées politiques très différentes dans une lutte commune pour la liberté, c’est-à-dire le Recteur Marchesi, un communiste, le vice-recteur Meneghetti, un socialiste libéral et le professeur Franceschini, un catholique. »
L’inscription officielle est la suivante : « À la foi et à l’action citoyennes de Concetto Marchesi, d’ Egidio Meneghetti et d’Ezio Franceschini, et de ceux qui à l’Université furent capables d’apporter ensemble des idéaux et des cultures différents dans une même bataille du peuple pour retrouver la liberté en Italie. »

Une célébration indigne de « celui qui croyait au ciel » et de « celui qui n’y croyait pas »
Ainsi, sauf erreur, cet assortiment de pièces de bois vermoulues, de planches mal équarries plus ou moins ajustées, est-il donné comme la métaphore de ces hommes aux idées politiques différentes et de leur action commune : de même que, réunis, ces matériaux disparates construisent tant bien que mal une sorte de pan de palissade, de même leurs idées différentes se sont-elles associées dans un combat commun en faveur de la liberté italienne…
Pourquoi pas ? Louis Aragon a célébré lui aussi cette union de « celui qui croyait au ciel » et de « celui qui n’y croyait pas » dans un poème célèbre, « La rose et le réséda ». Mais les images, pour simples et même communes qu’elles soient, restent dignes : « Tous deux adoraient la belle / Prisonnière des soldats / Lequel montait à l’échelle / Et lequel guettait en bas / Celui qui croyait au ciel / Celui qui n’y croyait pas / Qu’importe comment s’appelle / Cette clarté sur leur pas / Que l’un fût de la chapelle / Et l’autre s’y dérobât / (…) Quand les blés sont sous la grêle / Fou qui fait le délicat / Fou qui songe à ses querelles / Au coeur du commun combat (…) ».
Retrouve-t-on dans la métaphore de cet amas de planches informe la même dignité que dans celles des vers d’Aragon ? On ne saurait mieux mesurer la régression barbare que fait faire aux esprits un certain art contemporain. On a peine à comprendre qu’en Italie, un pays peuplé des créations artistiques les plus sublimes que compte l’humanité, et qui a appris les Arts à l’Europe, ce soit cet horrible fatras de planches qui ait été choisi pour célébrer, comme le fait Aragon, l’intelligence et le courage de ceux qui, malgré leurs croyances opposées, ont su lutter ensemble contre un régime de servitude. La faute est d’autant plus incompréhensible que cet art, censé magnifier la lutte pour la liberté, est répulsif, et que, par contraste, l’emphase glaciale de l’architecture de l’ennemi fasciste où il se trouve relégué dans un coin, en ressort presque attrayante. Paul Villach

 

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