Le cinéma apaisé d’Apichatpong Weerasethakul tranche avec les évènements qui meurtrissent depuis de longs mois Bangkok, la capitale du pays. Dire que le cinéaste ne rend pas compte de la réalité politique et sociale de la Thaïlande est un fait jusqu’ici pas démenti, mais ça ne l’empêche pas d’être un cinéaste fascinant. Le cinéma qu’offre Apichatpong Weerasethakul est en premier lieu sensoriel, puis métaphorique et poétique. Le cinéaste nous installe dans une ambiance qui nous fait ressentir immédiatement une véritable communion avec la nature. C’est ce cadre là qu’investit le cinéaste, qu’il nous offre et qu’il sublime. La preuve en est donnée avec son film Oncle Boonmee (Lung Boonmee Raluek Chat), récompensé par la palme d’or à Cannes en 2010.
Comme avec ses précédents films, Apichatpong Weerasethakul nous conduit dans la jungle, reste obsédé par les esprits et l’idée de réincarnation. La ballade sauvage est hypnotique tant chaque plan est un miracle dans sa composition. Il se dégage une impression de pureté, sans doute du fait de cette lumière douce et particulière qui affirme le caractère de chaque image. Et c’est d’abord ça que le cinéma d’Apichatpong Weerasethakul propose. Ses films ne sont pas intéressants d’un point de vue narratif mais sondent l’intériorité des spectateurs. La façon poétique dont sont évoquées des thématiques universelles comme la fin de vie et la mort, la réincarnation, permet d’instaurer une connexion avec nos propres représentations.
Apichatpong Weerasethakul invite à une sorte de méditation, selon une démarche singulière dont on conçoit légitimement qu’elle puisse décontenancer. Il faut accepter l’idée d’une expérience de cinéma, qui est contemplative plutôt que narrative mais qui ne manque pas d’avoir une résonance quand même. Il faut accepter la part de mystère, se laisser attraper par l’univers du film, la puissance des images, leur caractère magique et ensorcelant.
Benoît Thevenin
Année de production : 2009
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