Le déchet en plastique envahit les rivages des îles les plus isolées de la planète. Une matière première gratuite pour certains artistes. Des tonnes de plastique jonchent les plages des îles les plus reculées du monde. De Midway à Clipperton dans le Pacifique nord, de l’île de l’Ascension à celle de Sainte-Hélène, j’ai pu observer ce phénomène inquiétant et en témoigner ici .
Déchets de plastique sur l’atoll de Clipperton. (Photo Damien Personnaz/2005)
Les scientifiques et les conservateurs de la nature s’en émeuvent, à juste titre. Ces plastiques détruisent la faune de ces îles fragiles. A mon sens, ce sont des cochonneries. Mais pour une artiste comme Cecile Williams, ces déchets constituent son inspiration et son gagne-pain. Lors d’une visite sur l’île de Christmas, l’artiste australienne a découvert que la petite plage de Greta beach était, elle aussi et malgré son éloignement des continents, truffée de plastique, comme des brosses à dents, des sacs en plastique, des tongs, des croc’s, des poupées démembrées, des câbles. Un jour par an, des volontaires scouts participent à une journée nationale de nettoyage qui voit des hordes de « beachcombers » sillonner les 320’000 kilomètres de plages australiennes pour les débarrasser de ces ordures. Pour elle, ces déchets deviennent une matière première. « J’aime aller à l’encontre de l’idée reçue selon laquelle les déchets ne sont… que des déchets. En fait, c’est notre perception qui nous dit que ce sont des déchets, juste par le fait qu’ils ont été utilisés une fois et qu’une fois usagés, ils deviennent encombrants, sales et inutiles », explique-t-elle dans un article publié dans le Western Australian.
Excavate — Diorama fait à partir de plastique récupéré sur une plage de l’île de Christmas, dans l’océan indien.
Elle en fait notamment des dioramas, sorte de mini-scènes de théâtre. Lors d’une fête sur l’île de Christmas, qui fêtait 50 ans de quelque chose, une procession réunissant les 1500 habitants de l’île a paradé en arborant toutes sortes de créations de l’artiste, allant du sac en plastique rose, au masque de cordages récupérées chez Greta. « Utiliser les déchets – quelque chose que l’on trouve partout dans ce monde – titille ma fibre créatrice. Je préfère cela que de devoir acheter des matériaux », lance-t-elle.
Cette démarche et le résultat lui assurent désormais une certaine renommée. Ses créations sont exposées notamment à la Fondation Christoph Merian à Bâle, à l’université Murdoch à Perth, en Australie, et ailleurs.
Pas mal d’artistes ont exploité les rebuts de la société pour créer des œuvres qualifiées d’originales, que l’on n’a pas forcément envie d’avoir dans notre jardin ou en bas de l’escalier. Mais le plastique, cet as mondial du déchet ou l’ordure à abattre, n’a été que peu employé pour créer des œuvres nouvelles. En cela, la démarche de Cecile Williams est intéressante. Les déchets en plastique qui dénaturent les rivages des îles des confins sont en plus une matière première gratuite.