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Prolifération des « magasins de rêves » en Roumanie et notamment à Bucarest

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Depuis un an, tant à Bucarest que dans d’autres villes roumaines, certaines boutiques ouvertes au rez-de-chaussée des bâtiments ou dans les campus estudiantins, ainsi qu’au centre-ville ou en ligne, offraient aux clients des substances calmantes à base de plantes appelées ethnobotaniques. De petites choses inoffensives, en apparence, purement écologiques, voire bio.

Mais à regarder de plus près, on s’apercevait que ces magasins vendaient bel et bien des stupéfiants – et ce de manière tout à fait légale et à la vue de tous. Se trouvant sous couverture légale, le phénomène a proliféré jusqu’à ce que la presse et la société civile eurent tiré la sonnette d’alarme sur le nombre croissant de consommateurs de ces substances.
En fait, ces substances n’ont rien de naturel ou d’ethnobotanique – nous dit le psychiatre Eugen Hriscu:
« Il s’agit principalement de substances chimiques, de drogues de synthèse nouvellement créées, à partir de la structure de drogues très connues – telles le cannabis ou l’amphétamine. Légèrement modifiées, pour ne pas se retrouver sur la liste des substances interdites, elles ont pu être vendues légalement. »

La substance appelée “Special Gold” compte parmi ces nouvelles drogues. Vendue comme “sel de bain”, elle pouvait être procurée dans n’importe quelle boutique ou sur Internet. Combien elle coûte et quels en sont les effets? Adrian, un jeune homme dépendant de l’héroïne et qui l’a essayée aussi, nous le dit:
«Au début, un sachet de 25 grammes coûtait 50 lei – soit 12 euros et demi. Ensuite, le prix a commencé à baisser. Si j’ai bien compris, à présent, un sachet coûte 30 lei – soit 7 euros et demi. Après en avoir pris, on a envie de parler, de se promener – mais il faut avoir de la compagnie. Tout seul, ce n’est pas amusant. Pourtant, cet état ne durait que très peu: 15 à 20 minutes. Après quoi j’éprouvais un état d’irritation et j’étais déprimé. Je devais chercher vite de l’argent pour me procurer une nouvelle dose. »

Afin de surmonter ses difficultés, Adrian s’est adressé au Centre d’Aide aux personnes dépendantes de l’Hôpital “Obregia” de Bucarest – où travaille notre invité d’aujourd’hui, le psychiatre Eugen Hriscu. Adrian y subit un traitement à la méthadone pour échapper aux effets dévastateurs de la drogue.
«La dépendance est encore plus grande que celle de l’héroïne. Plus pernicieuse. Il y en a eu qui ont renoncé à l’héroïne, qu’ils prenaient depuis une dizaine d’années, par exemple. Lorsque “Special Gold” est apparu, ils ont renoncé à l’héroïne pour prendre “Special Gold”, qu’ils disaient meilleure… Moi, je ne sais quoi dire: je prenais les deux ensemble. »

Parmi les 200 personnes dépendantes de la drogue qui se sont adressées au Centre ouvert à l’hôpital Obregia, plus de la moitié ont déclaré avoir pris de telles substances – séparément ou en même temps que d’autres drogues. Les effets constatés par le médecin confirment la description donnée par Adrian. Nous écoutons le psychiatre Eugen Hriscu:
«Ces dérivés de l’amphétamine provoquent une accélération du métabolisme, suite à laquelle la personne se sent fortement énergisée, elle vit un état d’euphorie intense, elle a le sentiment de pouvoir faire un tas de choses et se sent proche des autres. Le problème, c’est que ces états durent une heure, une heure et demie, après quoi l’effet cesse de manière très brusque. Par conséquent, le consommateur se sent poussé à en prendre à nouveau, pour ne pas vivre l’état de dépression profonde qui s’installe une fois l’effet passé. Sur le moyen terme, le consommateur perd du poids; l’anxiété et la dépression s’installent, éventuellement doublées d’hallucinations. Etant donné que ces drogues sont trop récentes, nous ignorons ce qui peut arriver sur le long terme à ceux qui en prennent. »

Il n’est pas exclu que mort s’ensuive. L’on a déjà enregistré un certain nombre de décès à l’origine desquels pourraient se trouver les substances ethnobotaniques. Pourtant, du point de vue de la médecine légale, en ce moment on ne peut avoir en Roumanie une documentation à ce sujet.

Comment des substances aussi dangereuses ont-elles pu être vendues légalement? Selon les autorités et les spécialistes, la production de drogues de synthèse est un phénomène presque impossible à enrayer sur le marché des stupéfiants. Robert Ancuceanu, vice-président de l’Agence Nationale du Médicament, nous explique:
« C’est un phénomène qui se produit partout dans le monde. Une liste de substances interdites a été adoptée pour la dernière fois en 2005, en conformité avec les conventions en vigueur à ce moment-là. Evidemment, les producteurs se sont orientés vers les substances qui ne figuraient pas sur cette liste. Beaucoup d’entre elles proviennent de l’étranger et n’étaient pas importées en Roumanie à l’époque où cette liste avait été élaborée. »

La liste des substances interdites n’a donc plus été actualisée depuis 2005. Les explications ne font pas défaut. Robert Ancuceanu:
« La loi de 2005 prévoyait que cette actualisation soit réalisée sur la recommandation des organismes européens et internationaux. Dernièrement, nous avons été confrontés à des phénomènes locaux, qui ne pouvaient faire d’objet d’une recommandation internationale. C’est pourquoi nous avons amendé la loi, introduisant une disposition en vertu de laquelle la liste pouvait être modifiée sur la recommandation du Ministère roumain de l’lntérieur, en l’absence des recommandations européennes. »

Mais le mal était déjà fait. Pour remédier à la situation, le gouvernement de Bucarest a adopté la semaine dernière une ordonnance interdisant 36 substances et plantes ethnobotaniques, qui ont été assimilées aux drogues. Par conséquent, 27 substances et 9 plantes à effets hallucinogènes ne pourront plus être stockées et commercialisées. Cela arrive un peu tard. Les magasins de rêves – comme on les appelle – disposent déjà de clients fidèles qui satisferont leur dépendance illégalement – au marché noir, comme le disait Adrian.

Auteur : Chistine Lescu ; trad. : Dominique

Radio Romania International

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