Dans ce blog nous voulons vous faire partager notre découverte de l’Inde et nous essayons de vous faire mieux comprendre la réalité indienne (entre autre !). Ceux et celles d’entre vous qui ne connaissent pas l’Inde ou pas Bombay lisent ce que nous écrivons et puis imaginent ce que peut être notre vie à Bombay. Mais ce n’est pas toujours facile car cela reste lointain et donc un peu virtuel.
Alors essayons autre chose.
Et là nous nous adressons plus particulièrement aux parisiens et à ceux qui connaissent Paris ! Voilà, c’est simple posons nous la question de savoir comment serait Paris, si Paris devait ressembler à Bombay ? Bing – bang, nous sentons que vous êtes déjà un peu interloqué ! Vous allez vite comprendre…
Focus donc sur le croisement du Boulevard St-Germain et la rue de Rennes ! Voilà, vous y êtes. Nous voulons dire, imaginez que vous soyez exactement à cet endroit. Il fait beau mais chaud ; 35° ! Normal nous sommes en Inde, avant l’été ! Bon vous cherchez du regard le grand kiosque à journaux prés du Café de Flore. A sa place un vendeur assis par terre à coté de tous les journaux étalés sur le trottoir. Les gros titres sont sur Bertrand Delanoë qui exhorte les hindous de Paris à chasser les hindous de province qui montent à Paris et qui en plus ne parlent pas le parisien.
Puis vous prenez la rue de Rennes, coté droit en remontant vers Montparnasse. Pas de nom de rue, normal ce serait trop simple. Vous voulez traverser le boulevard Saint-Germain ? Bon courage, car pas de feu, pas de passage piéton, bref bonne chance. Heureusement avec les embouteillages vous arrivez à vous faufiler (nous adorons ce mot, depuis que nous sommes en Inde, qui nous fait penser à un faux-filet) entre les voitures. Vous avez mal aux oreilles à cause du bruit des klaxons. Bon, mais que faire ? Et puis il y a un monde fou !
Vous appréciez de vous retrouver à l’ombre de ce grand banian dont le tronc, peint en blanc et rouge, fait bien 4 m. Il y a du reste plein de banians sur le boulevard et cela repose. Le feuillage vous empêche de voir le clocher de l’église Saint-germain des Prés, mais en fait c’est normal que vous ne puissiez le voir car à la place de l’église il y a un temple hindou et des milliers d’hindous font la queue sur le boulevard pour pouvoir entrer dans le temple : ma parole, mais on joue à guiches fermés ! Et tout cela piaille, on se croirait dans un poulailler !
Vous vous dirigez vers le Monoprix du bas de la rue de Rennes ; vous savez ce grand Monoprix au sous-sol duquel se trouvent tous les produits sympas et notamment épicerie, traiteur etc… Hé bien non, pas de Monoprix ! Pas encore inventé en Inde. Au mieux une mini supérette qui vend trois choix de yaourt, deux marques de beurre. Ah pour les tomates, il faudra aller dans une autre mini supérette plus haut. Mais que vous êtes bien dans ce petit magasin ; la clim marche, il fait frais ! Vous prenez donc deux yaourts et une plaquette de beurre. Vous les donnez à un vendeur qui vous accompagne à la caisse ; lui-même les donne à un caissier qui tape l’équivalent de la moitié du Coran pour chaque produit acheté sur sa caisse enregistreuse ; vous payez avec votre carte de crédit d’où un quart d’heure supplémentaire ; à ce moment là, le type derrière vous à la caisse passe devant vous, ni vu ni connu. Le caissier vient de terminer son comptage. Commence l’opération carte de crédit. Bon, on vous demande votre passeport, vous ne savez pas très bien pourquoi mais c’est comme çà. Puis le caissier passe vos articles à un assistant qui va prendre le temps de mettre les articles dans un sac en plastique. Bref, vous avez passé 5 mn à choisir vos produits, et 15 mn à les payer… Normal.
On remonte la rue de Rennes. Là où vous cherchez le magasin Zara pour vous laisser tenter par quelques vêtements sympa, vous trouverez l’enseigne Raymond, le Tati du costume deux-trois pièces, tous quasi identiques les uns aux autres. Vous voulez continuer à marcher sur le trottoir, mais c’est dur ! Le trottoir est encombré de gens, de vendeurs plus ou moins ambulants… A coté de vous un homme assis par terre se fait raser. Là à droite, un cireur de chaussures. Il fait toujours aussi chaud ! La rue de Rennes est maintenant complètement embouteillée, une charrette lourdement chargée de cartons, tirée par un pauvre quidam, s’est arrêtée. Le gros bus rouge n’arrête pas de klaxonner et est coincé derrière un camion d’eau (water tank), car il faut bien livrer de l’eau dans les immeubles, non mais ?
Vous souriez en regardant ces chiens errants tantôt sur le trottoir tantôt sur la rue.
Vous iriez bien chez le coiffeur ; çà tombe bien, voilà son échoppe ! Vous tombez d’admiration devant son unique fauteuil de coiffure : de gros blocs de cuir rouge brillants montés sur un pied en céramique blanche de forme conique ! Et il y a même une pédale ! Et au plafond un grand ventilateur qui joue au cyclone ; pratique pour éviter la formation des épis ! Mais pas le temps aujourd’hui et il fait trop chaud !
Devant vous un homme hurle dans son portable ; c’est marrant ils ont presque tous un portable, quelle modernité ! D’ailleurs vous repensez à votre dernière facture envoyée par votre opérateur : 12 € pour un mois de communication sur votre portable alors que vous l’utilisez tout le temps, çà c’est chouette !
Vous vous arrêtez devant la petite échoppe du serrurier là où hier vous aviez déposé une clef à refaire. Bien sûr elle n’est pas prête. Mais quand sera-t-elle prête, demandez-vous. « Après quelques temps » vous répond-on (ce qui est la traduction du « after some time » que nous entendons ici si souvent….).
Bon, vous avancez quand même. Pendant que vous regardez ces gros corbeaux noirs qui tourbillonnent au-dessus de votre tête, on vous bouscule ; un homme à peine vêtu et portant une grosse bouteille de gaz vous a vraiment bousculé ! Mais il faut bien livrer le gaz dans les étages et ces bouteilles vous font penser aux bouteilles de Butagaz de nos campagnes, oui, sauf que maintenant elles sont rouges !
Sur le trottoir, des marchands vendent des beignets trempés dans l’huile bouillante ; la fumée vous enivre. Les passants se servent avec les mains, normal. Les mêmes passants, ceux-là et les autres, crachent par terre. Bonjour les bactéries, mais c’est normal la rue est un lieu de vie !
Péniblement vous arrivez à la hauteur de la Fnac. Bien sûr pas de Fnac. Une échoppe vous propose des CD et quelques DVD. Mais que de monde sur ce trottoir, on n’avance pas. Et toujours ces klaxons, il fait vraiment chaud et soudain vous vous demandez si vous n’allez pas vous évanouir dans l’indifférence générale. Mais vous ressaisissez ! Un gouru illuminé vous croise ; il tient un bâton et vous remarquez ses yeux brillants ; il est drogué ou quoi ? Il vous fait immédiatement penser à cet illuminé de l’Etoile mystérieuse de Tintin courant dans la rue et annonçant la fin du monde. Derrière lui, une vache bien paisible semble le suivre. On se demande où elle peut aller ? Peut-être pense-t-elle qu’à St-Germain-des-Près, il y a encore des près ?
Vous arrivez maintenant en haut de la rue de Rennes et là vous cherchez la bouche de métro ! Mais le dentiste est passé par là, et il n’y a pas de bouche de métro, car nous sommes à Bombay je vous rappelle ! On n’avance plus sur le trottoir ; là il y a des échafaudages de bambou (car il faut préparer la vieille façade de l’immeuble à la mousson prochaine) et juste à coté on creuse dans le trottoir pour réparer une canalisation.
Tiens c’est bizarre les voitures ne sont pas garées parallèlement au trottoir mais perpendiculairement (dieu que ce mot est long !). Un passant fait apparemment office de gardien de parking du trottoir et encaisse ses sous.
De l’autre coté de la rue votre regard croise cette grande affiche publicitaire ; la pub est sur le beurre Président et on voit un dessin de Nicolas Sarkozy ! Ces pubs de la marque Président vous amusent (référence aux pubs du beurre Amul en Inde, pour ceux qui n’auraient pas bien lu un article précédent sur ce sujet).
Dépité(e), lassé(e), exténué(e), vous vous résignez à prendre un taxi pour rentrer chez vous en pestant car cela va vous coûter 15 euros et que vous allez devoir attendre dix minutes avant de trouver un taxi. Alors là, vous vous trompez complètement : cent petits taxis jaunes sont là, libres immédiatement si affinités, et ils vous prennent sans problème ; et autre bonne nouvelle, vous ne paierez pas 15€ mais entre 1 et 2 € pour aller n’importe où dans Paris. Seul ennui, pour aller de la rue de Rennes dans le 16° ou le 17° vous mettrez une heure… Mais à ce prix là, on peut prendre le temps d’en profiter.
Autre ennui si vous décidiez d’aller dans un endroit aussi peu connu que les Champs Elysées ou la Place de l’Etoile, il faudra alors indiquer l’itinéraire au chauffeur ; normal il vient d’un autre département (au hasard, la Creuse) et ne connaît pas la ville. Vous vous étonnez de la vétusté du taxi dans lequel vous êtes monté(e) et vous vous demandez s’ il faisait partie des taxis de la Marne ?
Nous oublions, si l’envie vous prenait de faire un détour pour aller chez Picard, le Bon Marché, Hermès, le Printemps, Ikéa etc… forget it car rien de tout cela n’existe dans ce nouveau Paris indianisé….
Au terme de cette promenade, vous êtes vraiment fatigué(e) ! Vous voilà avec un visage pâle ! Normal, vous êtes devenu(e) indien (ne) !!!
Bon, vous comprenez mieux maintenant notre vie à Bombay ?