Le voyage peut parfois être intérieur et aussi douloureux qu’incertain… Je sors un peu des articles d’informations pratiques touristiques pour inaugurer une page de souvenirs fugaces et intimes… Une réminiscence. Le Vertige du Silence. Merci aux rares lecteurs qui ouvriront cette porte …
Réminiscence. Les spectres renforçaient leur emprise sur tout mon être. Ils avaient pris possession de ma vie et la transformaient en vestiges. Parmi ces décombres de souvenirs, de connaissances, de mots et de gestes impossibles ou auxquels j’avais renoncé, ces fantômes savouraient leur victoire face à mes espérances. Je sombrais. J’étais seule et pourtant assiégée. Ils occupaient un territoire funeste, déjà peuplé par le vide, la mort du désir et l’absence.
Le silence, son silence, avait été cruel, irréversible. Il n’avait pas été qu’une somme de meurtrissures pour mon corps. Je ne cicatriserai jamais. Face à cette adversité, je répondais par mon habituelle lâcheté et par le déni. Mais ses stigmates n’avaient pas eu raison de ma volonté. Il me torturait à chaque instant. Comme un attentat permanent. En définitive, il ne s’était pas avéré assez dévastateur pour tuer toute aspiration au bonheur ou résolution à la solitude : plutôt que de trancher dans le vif pour abréger mes souffrances et m’aider à me résoudre à la fin de mon illusion, il avait installé un écho assourdissant, agité des ombres impalpables et suscité de violents vertiges. Les rares temps de latence opéraient comme un espoir pervers. Entre mon effort pour m’habituer et la tentative d’endormissement de la douleur, j’errais telle une moribonde.
Munis de couteaux, les fantômes fouillaient sans relâche et trituraient la chair de ma réalité, pendant que le sang des illusions passées s’écoulait, inexorablement, vidant goûte après goûte, mon corps et mon esprit de toute leur substance. Leurs sourires satisfaits ravivaient leur appétit de victoires, ils ne se rassasieraient pas seulement avec mes défaites. Mon échec devait être total et leur triomphe sans appel. L’anéantissement de mon avenir était leur raison d’être. La dépouille de mon passé et de mon présent ne leur suffirait jamais.
Je ne savais même pas ce que je devais chercher ; l’oubli, apparemment impossible, l’indifférence, vraisemblablement inaccessible pour moi, ou la mort, si proche et évidente. Ma survie ne tenait qu’à un choix. Un instant de courage qui me pousserait à croire et poursuivre un idéal dont je savais qu’il m’échapperait toujours, mais me donnerait assez de souffle pour ne pas y croire tout à fait… J’étais la seule à pouvoir me sauver et trouver le chemin pour échapper à ma tombe.
Merci à Loarian