Dans la série « j’ai besoin de moins d’une journée pour visiter une ville », je vous présente aujourd’hui Munich, capitale de la Bavière.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que je ne suis pas un fin connaisseur de l’Allemagne. Je n’y avais déjà passé en tout et pour tout que moins de 24 heures il y a quelques années, à Saarbrücken, la plus française des villes allemandes. Mais samedi dernier, c’est dans une des grandes métropoles du pays que j’allais avoir l’occasion de faire sauter ou de confirmer certains préjugés que l’on peut avoir sur l’Allemagne et les allemands.
Pour la première fois depuis 1994 j’ai donc embarqué à bord d’un avion de la Lufthansa pour un vol Shanghai – Munich qui dura 12 heures. De la Lufthansa, je n’avais que le souvenir de quelques hôtesses teutones grosses et méchantes et d’un programme musical plutôt bien choisi. La Lufthansa de 2008 a bien changé depuis toutes ces années, puisque les hôtesses allemandes ont dorénavant une silhouette beaucoup plus présentable, et que la seule grosse de l’équipe était en fait une chinoise bilingue. Une copie encore plus conforme au modèle que l’original!
A côté de moi, un italien tout aussi enrobé que l’hôtesse chinoise allait se charger de grignoter mon espace vital tandis que pendant presque tout le vol, des bébés hurleurs se chargèrent d’empêcher les passagers innocents de s’endormir. Hélas, la mise hors service au bout de deux heures de vol du système audio et vidéo allait m’empêcher de couvrir ce vacarme.
Bref, au bout de ces 12 heures de vol, j’étais plutôt content de voir se profiler la chaîne des Alpes tandis que l’avion obliquait sa trajectoire au-dessus de la bucolique Bavière pour enfin plonger vers l’aéroport Franz J. Strauss.
Rien à dire sur cet aéroport très ergonomique, où la grimace et les mimiques agressives des agents de l’immigration ne font que peu d’ombrage à l’efficacité et à la rapidité du contrôle des passeports. Que faire à Munich à 6 heures du matin? Il y a quelque chose que j’aime beaucoup faire, où que j’aille, c’est poser des questions difficiles aux agents des compagnies aériennes afin de savourer les situations absurdes dans lesquelles j’excelle à me retrouver. J’ai notamment acquis un certain savoir-faire pour faire tourner en bourrique hôtesses de l’air et personnel au sol des compagnies aériennes de Chine et d’autres pays où le choc des cultures se prête bien à ce jeu. En Allemagne, cela allait certainement être plus difficile de mettre à mal la fameuse rigueur et la fameuse efficacité allemandes. Mais la grosse Berta qui m’accueillit avec le sourire au comptoir de la Lufthansa ne savait pas à qui elle avait affaire:
– bonjour, je souhaiterais modifier ma date de retour et la décaler un jour plus tard, est-ce possible avec ce billet?
– oui, mais il faut payer, c’est 100 euros.
– c’est cher mais s’il n’y a pas le choix… Y a-t-il encore des places?
– laissez moi voir… ah non, désolé, c’est complet, vous aurez peut-être plus de chance en réessayant plus tard.
– je vois. Et si je fais un retour via Munich au lieu de Frankfort, c’est possible?
– vous avez eu une très bonne idée.
– merci merci, donc c’est possible?
– ah je ne sais pas.
– comment ça vous ne savez pas? Vous n’êtes pas le service des billets de la Lufthansa?
– si si, mais je ne peux pas vous dire si vous avez le droit de changer de billet.
– mais alors comment je fais pour savoir?
– vous devez demander à une agence de voyage.
– laquelle?
– n’importe laquelle.
– vous êtes donc en train de me dire que n’importe quelle agence de voyage en France ou en Allemagne pourra me renseigner sur mon billet d’avion, mais vous, agence Lufthansa de l’aéroport de Munich en êtes incapable?
– oui voilà c’est ça
(j’ai failli dire « ne seriez-vous pas chinoise par hasard? » mais je me suis retenu)
– c’est quand même bizarre, je pensais que la Lufthansa auprès de qui j’ai directement acheté mon billet saurait me dire si je peux le changer.
– non nous ne pouvons pas, je n’ai pas cette information dans mon ordinateur.
– je vois, merci au revoir.
J’étais plutôt satisfait de ce premier contact avec la rigoureuse Allemagne. Il semblerait que mon talent pour dénicher l’ubuesque et l’inattendu ne se soit pas estompé, bien au contraire, quelques milliers de kilomètres à l’ouest de mon terrain de prédilection.
La matinée, j’ai donc joué au touriste à Munich, avant de retrouver mon point de rendez-vous à 12.30. Plusieurs de mes anciens collègues allemands de Shanghai étaient en effet rentrés en Allemagne en 2005 et 2006 et il me faisait très plaisir de les revoir après ces années. Avec M, C et B, nous avions en effet l’habitude tous les jeudi d’aller manger au restaurant allemand Paulhaner à deux pas de notre bureau de Pudong. On y mangeait et on y buvait bien au Paulhaner, c’était une vraie enclave européenne en plein coeur du quartier financier de Shanghai. Et puis les repas y dégénéraient parfois en sympathiques concours de gloutonnerie où il s’agissait de dévorer le plus de viande possible. En général, et cela n’étonnera pas ceux qui me connaissent, je m’en sortais de manière très honorable. Bref, je me réjouissais à l’idée d’entretenir ma réputation, cette fois à Munich, là où l’histoire du Paulhaner avait commencé.
Mes anciens collègues ont donc proposé un typique restaurant bavarois, dont certaines serveuses en tenue traditionnelle avaient un décolleté des plus… photogéniques, et dont la brasserie et les plats de viande en sauce semblaient recueillir les suffrages des connaisseurs. Exactement ce qu’il me fallait pour faire exploser ma panse!
Les bières descendirent très rapidement, la matinée à jouer au touriste m’ayant donné très soif. Et il faut reconnaître qu’elles sont délicieuses ces bières bavaroises. Mes anciens collègues furent d’ailleurs incapables de me répondre lorsque je leur demandais combien il y avait de brasseries dans la région. Une bonne cinquantaine? Une centaine? Allez savoir!
Mais il était temps de passer aux choses sérieuses: la viande. Après avoir longuement hésité, je me décidais pour une escalope (schnitzel) de porc aux spätzles, aux champignons et au lard, ce à quoi j’ai ajouté une assiette de chou. Je regrettais de ne pas avoir choisi le jambonneau qui avait l’air de faire le délice de nos voisins de table, mais mes collègues commençaient à sourire en se demandant si j’allais pouvoir finir mon assiette. Les cons! Ils avaient oublié qui j’étais! C’est qu’au bout de cet énorme plat de viande, j’avais encore très faim moi! Je crois que quand j’ai demandé le menu, ils pensaient encore que je plaisantais, mais il a bien fallu qu’ils reconnaissent la supériorité de mon estomac lorsque j’ai passé commande d’un plat de boeuf encore plus gros que le premier. Et oui, je l’ai fini en plus! M, C et B ont donc bien dû admettre que je méritais toujours ma réputation de gros mangeur. Même à la descente de bière ils n’ont pas réussi à me ridiculiser, contrairement à cette mémorable soirée shanghaienne où l’orgie de bière aboutit à une gueule de bois les plus carabinées.
Mais j’avais la forme samedi dernier, et nous avons fini par nous lever sans mal, pour la suite des festivités.
Munich était désormais rouge de monde. C’était la dernière journée du championnat de foot, et Munich était championne cette année. Des milliers et des milliers de supporters de tous ages avaient endossé le maillot du Bayern de Munich pour faire la fête dans la rue, autour de la Marienplatz. Et on dira que les allemands sont ennuyeux et ne savent pas s’amuser? J’ai beau détester le foot et les fêtes populaires, je dois avouer que cette expérience était de plus intéressantes. Mes anciens collègues proposèrent d’aller regarder le match Munich – Berlin dans un gigantesque bar où un bon millier de supporters étaient entassés, hurlant et trinquant. J’ai demandé à mes amis comment on disait « allez Berlin » en allemand, mais ils me répondirent que ce ne serait pas une très bonne idée de crier ça, et le gabarit et l’état d’ébriété des supporters munichois autour de nous plaidèrent pour leur prudence. Je me suis donc contenté de vider encore un litre de bière.
Finalement, l’heure tourna, et il fut temps de prendre congé de mes amis, pour rejoindre l’aéroport où m’attendait mon avion pour Nice. Mon estomac digérant péniblement la viande et la bière de l’après-midi ralentit certes mon rythme, mais je suis finalement arrivé dans les temps. J’ai bien failli m’assoupir dans l’avion, davantage en raison de la digestion que des 40 heures sans sommeil que j’avais derrière moi. Nom de dieu, qu’est ce que j’ai pu boire et manger!
Une fois arrivé à Nice, mes parents m’attendirent:
« on t’attendait pour manger: soupe, pâtes et pissaladière, ça t’ira? »
Et moi, tel Daladier descendant de son avion de Munich en 1938, j’ai bien failli grommeler « les cons! »
Pour visiter Munich en un jour, retrouvez sur le guide voyage Munich de nombreux conseils, bonnes adresses et idées de visites.
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