Tokyo Sanpo est ce que l’on pourrait appeler une bande dessinée alternative. Un guide dessiné qui propose une promenade insolite au coeur de Tokyo. De l’humour, de la tendresse, un graphisme séduisant et un regard original sur la capitale japonaise…
Florent Chavouet se retrouve à Tokyo, à la suite de sa compagne, pour six mois, durée du stage de cette dernière. Dans son introduction, il explique pourquoi il s’est mis à dessiner ce qu’il voyait, au gré de ses promenades, on se prend à être piqué par la curiosité et, vite, on se cale, confortablement installé, dans un fauteuil pour suivre le séjour du narrateur. Il paraîtrait que Tokyo soit « la plus belle ville moche du monde » et, ma foi, c’est ce que Florent Chavouet fait découvrir à son lecteur: l’architecture est épouvantable, les petits quartiers typiques, portions congrues, les buildings foisonnent, la circulation est pénible, les gens pressés, les rues éclairées par les multiples vitrines et cependant, le narrateur trouve toujours le petit détail qui fait oublier la grisaille de l’environnement, le petit détail émouvant, amusant, étonnant, parfois surréaliste, offrant une touche de Beau dans la mocheté généralisée. Un policeman arrosant une plante en pot ou aidant une mamie à traverser la rue, un building illuminé la nuit, une façade de maison collective disparaissant derrière la verdure d’un balcon, une minuscule échoppe perdue au pied d’un immense immeuble, des passants aux looks impossibles, une discussion improvisée avec des passants curieux de voir un européen croquer ce qu’il voit….tous les instants minuscules, insignifiants qui font que la vie urbaine possède ses couleurs si particulières.
La vie quotidienne d’un Tokyo se déroule sous le crayons de Florent Chavouet qui sait « éterniser » les vélos, les mères de familles, les policemen placés à chaque carrefour, parfois devant chaque immeuble d’affaires. Ces photos de crayons de couleurs sont des diapositives où l’humour se cache sous chaque traits: on ne peut s’empêcher de sourire devant les portraits croqués de passants anonymes (tant japonais qu’occidentaux) et on est loin d’une impression « Lost in translation », le narrateur, même s’il ne comprend pas la langue, parvient à tisser des liens, éphémères certes, avec les gens qu’il croise. Du coup, Tokyo apparaît comme une réunion de multitudes de petits villages perdus dans l’immensité une mégapole où l’urbanisation moderne se voit démentie par les câbles innombrables pendouillant le long des maisons et immeubles, détail surréaliste au coeur d’une modernité japonaise toujours en avance sur son temps. C’est ce décalage savoureux, fil (c’est le cas de le dire) conducteur, avec le policier de base incontournable, de ce carnet de voyage souriant, joyeux, même si c’est une véritable aventure que de trouver un toit pour dormir, et poétique: en effet, la poésie est présente au détour d’un parc, d’une rue, sur une publicité ou un ticket de caisse.