Dans la société roumaine et le calendrier de Roumanie, la fête de Noël tient une place très importante et donne lieu à de nombreuses traditions, légendes et festivités, très différentes selon les régions. Comment célèbre-t-on Noel en Roumanie?
Après 40 jours de jeûne, les chrétiens se préparent pour accueillir comme il se doit la grande fête de la Nativité. A en croire les légendes, dans la nuit précédant Noël, les animaux se mettent à parler, les cieux s’ouvrent, les rochers se détachent des monts et les trésors se laissent entrevoir. Partout règne une atmosphère d’attente fiévreuse. Dès la tombée de la nuit, de joyeuses cohortes d’enfants se fraient un chemin par les congères, agitant des grelots et chantant des cantiques qui annoncent la naissance du Christ.
Coiffés de grands bonnets de fourrure ornés de rubans de couleur, portant en bandoulière des sacs décorés de fleurs, armés d’un fouet et d’un tambour, les petits et grands chantent et souhaitent longue vie et bonne santé à leurs voisins. L’arôme des brioches à peine sorties du four, l’odeur des branches de sapin accrochées aux poutres de la maison, les coings joliment rangés dans l’encadrement des fenêtres, la rencontre des proches, voilà qui rajoute à l’enchantement de cette fête.
A la veille de Noël, les cantiques résonnent dans les ruelles des villages jusque tard dans la nuit. L’ethnologue Vera Romaniuc nous parle des us et coutumes spécifiques de la Bucovine, région du nord-est de la Roumanie:
“ Le soir venu, des groupes d’enfants commencent à faire du porte – à – porte pour présenter leurs voeux de Noël. Ensuite, c’est le tour des adultes d’en faire de même. Jadis, il y avait deux groupes distincts: celui des jeunes célibataires et celui des hommes mariés. De nos jours, on y retrouve aussi des femmes. Des anciennes coutumes d’antan, la seule à persister dans quelques villages est celle dite de l’Etoile, ainsi nommée d’après l’étoile en papier ayant au centre l’icône de la Nativité que les enfants portent de maison en maison. Une autre coutume, inspirée des rites catholiques, est celle dite de “la petite église”. Elle tire son nom de la maquette d’une église à l’intérieur de laquelle est représentée la Nativité”.
La veille de Noël, les gens observent un jeûne très strict. En Bucovine l’on mange du blé, du poisson, des champignons et des galettes aux choux, mais il est des villages où l’on ne mange rien avant que le prêtre ne bénisse les vivres. On va au cimetière encenser les tombeaux et allumer des chandelles. Croyant que les âmes des morts descendent sur terre, les villageois leur réservent des places et des couverts à la table du festin de Noël.
Et à propos de ce festin, sachez que les plats spécifiquement roumains préparés pour l’occasion sont à base de porc : saucisse, boudin blanc et boudin noir, sarmale – c’est – à – dire rouleaux de choux farcis -, rôtis. Côté dessert, les brioches aux noix et au cacao sont incontournables.
Dans les villages du département d’Alba, des groupes de jeunes hommes, précédés d’un ménétrier, allaient tout d’abord présenter leurs vœux aux familles avec des filles à marier. Le violoneux entamant sa musique, les jeunes se mettaient à danser.
Le jour de Noël, les gens ne faisaient pas la fête, parce qu’ils se rendaient à la messe. Dans la contrée de Mures, la coutume la plus répandue este celles des dube, sorte de grands tambours dont on joue pendant que l’on chante des cantiques annonçant la Nativité.
“Il y avait les « Hérode », c’est-à-dire les groupes formés d’enfants et adultes qui faisaient le tour du village en chantant des cantiques. De nos jours, il n’y a plus que les enfants pour garder cette coutume. Une autre tradition à l’appellation roumaine suggestive – “ciufurile”, “les chouettes” -, consistait à s’habiller vilainement et à jouer des mauvais tours. Par contre, les groupes de calusari portaient de beaux costumes, aux jolis ornements et aux dentelles. Enfourchant des bâtons en bois imitant les chevaux, ils dansaient en rond devant chaque maison et faisaient aux hôtes des vœux de bonne santé, riche moisson et de nouvelle année prospère. En dehors des cantiques consacrés, il y avait aussi des chants de Noël laïcs pour ainsi dire, telles par exemple les variations de la ballade Miorita ou de celle de Tanase Tudoran. Cette dernière parle d’un vieillard supplicié sur la roue pour avoir refusé de renier sa foi et de rejoindre l’Eglise Uniate. Certes, dans le passé, les coutumes liées à Noël étaient plus nombreuses. En plus, quand il neigeait, les gens avaient l’habitude de se promener, la nuit, dans des traîneaux et de rendre visite à leurs proches. Chemin faisant, ils tombaient sur les cohortes de chanteurs de cantiques qu’ils n’hésitaient pas à récompenser sur place. Bref, c’était tellement beau dans cette période de fête!”
Au Pays de Oas, dans l’extrême nord de la Roumanie, les garçons formulent des vœux en s’accompagnant de deux instruments spécifiques de la région, la cetera et la zongora, respectivement un violon et une guitare à accordage modifié. Un beau cantique ancien que l’on préserve toujours est celle du Viflaim. Cette pièce à caractère profondément religieux évoque des histoires chargées de mystère du temps de la Naissance de Jésus.
Dans certains villages de Moldavie, donc de l’est de la Roumanie, les villageois croient toujours que la nuit de Noël les portes des cieux s’ouvrent et que les vrais fidèles peuvent entendre les coqs ou le tocsin, ce qui présagerait une année prospère et une bonne santé. Enfin, une croyance des bergers dit qu’en cette même nuit il ne faut pas éteindre le feu de l’âtre ni la lumière, pour que tous les errants, y compris la Sainte Famille, puissent trouver un abri.
Teofilia Nistor, Mariana Tudose
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