Entrons maintenant dans le vif de notre dossier du jour sur la perméabilité de l’Europe face aux ressortissants d’autres régions du monde. Restons tout d’abord en Europe de l’Est, puisque la Roumanie se prépare justement à intégrer l’espace Schengen en mars 2011. Bucarest est, pour ainsi dire, sur la dernière ligne droite pour biffer cet objectif – la priorité politique la plus importante après son adhésion à l’UE et à l’OTAN, comme l’avait dit le premier ministre roumain, Emil Boc. Il s’exprimait samedi dernier, lors de l’inauguration du service d’immigration du département de Cluj, dans l’ouest de la Roumanie. La responsabilité des autorités de Bucarest est, en ce sens, immense – avait-il ajouté – puisque, à compter de l’année prochaine, le pays devient la frontière orientale de l’espace Schengen.
Une frontière d’ailleurs sensible, car c’est par ici qu’arrivent nombre de futurs demandeurs d’asile dans l’UE et notamment en Roumanie. En ce sens, la tranche commune avec la République de Moldova est un des cas les plus intéressants. Pour Bucarest, les Moldaves ex-soviétiques qui souhaitent voyager dans l’UE ne devraient pas être mis dans le même pot que les autres ressortissants extracommunautaires, encore plus à l’Est. Pourquoi…?
Même langue, même histoire – la Roumanie estime qu’il est de son devoir d’épauler les ambitions d’intégration européenne de la République de Moldova voisine. Le côté sentimental n’y est pas pour rien. Le petit pays ex-soviétique englobe aussi une partie de l’ancienne province roumaine de Bessarabie, annexée par Staline en 1940. Assez enflammés au début des années ’90, les discours unionistes ont été depuis longtemps oubliés des deux côtés. L’histoire a traité les deux pays différemment, chacun ayant des choix de politique intérieure et extérieure très différents. Aujourd’hui, la République de Moldova peine à gérer son passé post-communiste, de même que la situation de l’enclave séparatiste de Transdniestrie se trouvant sur son territoire. Côté politique, les relations entre les deux pays n’ont pas toujours été des plus tendres – elles sont justement en train de sortir de la période glaciale où les avaient plongées les anciennes autorités communistes moldaves. Celles-ci avaient maintes fois accusé la Roumanie d’ambitions révisionnistes et même d’avoir fomenté les protestations violentes ayant contesté la victoire du Parti Communiste de Moldova aux élections législatives d’avril dernier. Pour leur part, les Moldaves qui veulent quitter leur pays, le plus pauvre d’Europe, considèrent, eux, le rapprochement avec la Roumanie voisine comme la porte d’entrée dans l’UE et surtout dans l’Europe Occidentale. Le nombre de demandes de recouvrer la nationalité roumaine est monté en flèche, tandis que la Roumanie simplifie les procédures d’octroi pour faire face à cette affluence. Toutefois, cette situation sans précédent – le fait que les jeunes Moldaves s’empressent de quitter leur pays – témoigne du fait que ce dernier est à bout de souffle ; d’autres chiffres lèvent davantage le voile sur la réalité.
En 2008, la République de Moldova était la dernière au top des 10 principaux pays sources de demandeurs d’asile en Roumanie, avec 15 personnes ; le classement était dominé par le Pakistan, selon un rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. En 2009, sur la toile de fond de la crise politique de Chisinau, le pays s’était installé sur la première place, avec 136 personnes, loin devant le Pakistan.
La Roumanie fait dûment ses devoirs pour rejoindre l’espace Schengen en mars 2011 – les inspections des experts communautaires ont confirmé qu’elle était bonne élève en la matière. Les critères d’accès seront encore plus draconiens pour les ressortissants non communautaires, donc aussi pour les Moldaves. C’est pourquoi Bucarest tente de maintenir la cohérence avec ses décisions antérieures.
La semaine dernière, le premier ministre roumain Emil Boc et son homologue moldave, Vlad Filat, ont remis les premiers permis de petit trafic frontalier aux habitants des régions avoisinant la Roumanie.
Ces permis sont délivrés aux termes d’un accord qui permet à plus d’un million 200 mille Moldaves qui habitent à moins de 50 kilomètres de la frontière commune d’entrer en Roumanie, munis d’un simple laissez-passer, donc dispensés de visa.
Bucarest souhaite également conclure avec Chisinau un accord portant sur la suppression des visas pour les Moldaves. D’ici là, il doit non seulement tester la réaction des autres membres de l’UE face à ce projet, mais surtout s’assurer que son voisin applique scrupuleusement ledit accord sur le petit trafic frontalier.
L’Europe allège ses visas
Nous l’avons vu, l’Europe est convoitée… Les deux facettes de la médaille – y entrer, mais aussi la protéger – sont tout aussi compliquées. L’UE en est consciente. Elle s’engage à simplifier et accélérer les procédures pour la délivrance des visas de courte durée dans l’espace Schengen. D’autant plus que les vacances d’été sont pour bientôt et les touristes vont affluer.
Les problèmes d’immigration ne sont jamais simple à résoudre, l’actualité nous le montre bien…