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Voyage Allemagne – Impressions de Francfort

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Il est des lieux qui révèlent souvent beaucoup d’un pays, d’une ville… Des espaces transitoires comme les halls de gare ou d’aéroport dans lesquels on passe un certain temps à observer, à devenir une ville, à l’appréhender … Impressions de voyage de Francfort! Destination Allemagne!

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Dans cette succession d’espaces transitoires, il fallait bien que je présente un aéroport. Je vais d’ailleurs peut-être consacrer plusieurs posts à ces halls d’attente, forums où la perte de temps n’égale aucune autre forme de punition, sinon les “retenues” qu’infligeaient les instituteurs de mon enfance et les refus de permissions des officiers de mon adolescence, exercices du pouvoir d’un plaisir malsain.

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De véritables purgatoires que le diable semble avoir aménagés pour y disposer toutes les tentations possibles. Les plus vaines, cela va de soi : parfums, bagages de luxe, pulls cachemire , jouets Ferrari, alcools de toutes origines, et tabacs inaccessibles – car il faudrait changer de continent pour pouvoir les acheter ou accepter de transgresser le fait que « fumer tue », pour y succomber. Pourtant l’odeur des cigares me donne constamment des regrets ! Encore un détour du diable : le tabac est devenu pour moi un plaisir virtuel ; il constitue alors la tentation éternelle.

L’aéroport de Francfort, comme celui de Munich d’ailleurs, partagent un certain caractère. Je voudrais chercher à le définir. Je veux dire en essayant de saisir les différences avec ceux de Milan ou de Madrid, de Barcelone et d’Amsterdam, de Rome et de Bucarest qui font partie du top-ten de mes purgatoires ordinaires.

Il va de soi que la Lufthansa y occupe l’espace, à la fois par la présence des couleurs bleue et jaune et du cercle dans lequel le sigle mime un pélican en vol. Un pélican ou un cygne ? Je ne veux plus croire à un oiseau de proie. Nous sommes, je l’espère, loin de la lufwaffe conquérante !

Tout y est lisse. Avez-vous remarqué ? Le sol granité, les murs impersonnels, l’emploi du métal ondulé qui borde les comptoirs, encadre les écrans d’affichage et gagne même la ligne de bagages qui sont proposés aux heureux détenteurs de miles. Même le faux plafond, ondule comme un nuage joliment gravé par Dürer.

Lisse et métallisé. Comme si le ménage était plus facile ainsi pour les émigrées coiffées de foulards qui vident régulièrement les accumulations de journaux et de magazines laissés en permanence à la disposition des voyageurs : des tombereaux d’exemplaires des « Die Zeit », « Frankfurter Allgemeine Zeitung » ou de « Die Welt » qui, surtout le dimanche, ou mieux, encore plus le dimanche, accumulent les cahiers : Politik, Wirtschaft, Geld, Sport, Wissen, Kurtur ou Leute.

Pendant plusieurs heures, tandis que la pluie balaie de larges vitres qui offrent comme un écran high-tech aux visiteurs passifs, je tente de m’habituer au fait que je viens de quitter la chaleur de Bucarest.

Je branche mon regard d’errance, celuiqui m’abstrait des enfants turbulents et des dormeurs aux ronflements bruyants, tandis que je peine à lire les courts chapitres de « Viktor Vavitch » de Boris Jitkov. Ce roman fleuve, qui laisse couler la vraie vie, la vie contrastée et complexe qui fait de l’année 1905 une répétition de la révolution soviétique de 1917, m’entraîne dans un état comateux vers les samovars fumants et les vodkas partagées.

Echappé à Staline, comme l’extraordinaire poésie de Ossip Mandelstam, ce livre coule comme la pluie du jour. Un livre rescapé dont le devrais célébrer la rareté. Pourtant les phrases m’en brouillent les yeux, tandis que sur les écrans, la joie de sportifs bien portants et heureux s’écrase sur l’image d’une ville qui fait peu à peu son deuil…Duisbourg dispose des fleurs et des bougies dans le tunnel de la mort !

L’aéroport de Francfort, si lisse, si bien ordonné, où les espaces voyageurs laisseraient s’échapper toutes les armées de voyageurs pressés en quelques minutes, avoue par ses balises multiples guidant vers les toilettes, les comptoirs, les portes, les douanes et les boutiques, l’organisation rationnelle poussée au plus haut point.

A toute organisation excessive, il faut bien un miroir déformant. Duisbourg et son massacre inconcevable est un anti-aéroport !

Gageons qu’il y a quinze jours le diable a eu assez des petites tentations minables qu’il organise ici dans l’accumulation du luxe international pour frapper un grand coup. Depuis, il a couru sans relâche de la Chine à la Russie et de la Pologne au Pakistan.

Les écrans d’aéroports aiment à montrer en boucle les réussites du diable. La nuit est tombée. Il est temps de repartir vers le Luxembourg.

Michel Thomas-Penette

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