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Baguio City ; les guérisseurs aux mains nues

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…Tous les clients de l’hôtel « Villa la Maja » ont fait ce voyage aux Philippines pour rencontrer les guérisseurs. Des tahitiens, venus en charter, ont inclus dans leur « tour », la visite des rizières en terrasses de Banaue – huitième merveille du monde – la plage de La Union, les Cent-Iles et… les guérisseurs psychiques… C’est ainsi qu’on les nomme aussi. L’ambiance dans leur groupe est décontractée, gaie, bruyante : de vieilles tahitiennes aux traits négroïdes, longs cheveux ondulés, parées de robes bariolées, ont piqué de grosses fleurs dans leur chevelure. Comme sur leur île. Groupées autour d’un feu de bois – il fait froid en altitude – elles doivent regretter leurs cocotiers. RENE, le chinois, est responsable du groupe. Il est entouré de Jean, speaker à radio Papeete, de Henri,, séduisant capitaine de bateau qui promène tout le gotha parisien sur les mers du sud, de Georges, pasteur qui n’a pu emmener sa femme en raison du prix élevé de l’avion et enfin quelques filles qui caquètent toute la journée dans le hall de l’hôtel.

A 6 heures du matin, tout ce petit monde est debout, grattant de la guitare, chantant et riant. « Reneeeeeeeee, je ne participerai pas à l’excursion aujourd’hui, j’ai trouvé l’adresse d’un autre guérisseur » – « Reneeeee peux-tu m’arranger un billet d’avion pour NEGROS, on m’a dit qu’il y avait des guérisseurs la-bas » – « Reneeeeee » La folie ! Avec le doux accent chantant des iles du pacifique. 

Les autres clients sont belges et français, venus à Baguio de leurs propres moyens.  Ma gorge se serre à la vue d’une jeune-femme si maigre et fragile, soutenue par son mari. Elle est diaphane, transparente. 24/25 ans tout au plus. Elle sourit courageusement au garçon qui la soutient. J’assisterai plus tard à son « operation » et lui servirai d’interprète. D’autres couples arrivent, épuisés par 30 heures de voyage, perdus dans ce pays inconnu,, ne parlant pas un mot d’anglais et se confiant à qui veut bien les écouter : « Croyez-vous que les guérisseurs vont soigner mon asthme ? Qu’ils vont ôter ma tumeur ? Que je vais remarcher ? ».

La « Villa la Maja » n’est plus un hôtel mais une clinique, une cour des miracles. JESUS (ca ne s’invente pas) – patron de l’hotel – va de l’un à  l’autre, réconforte d’un mot gentil, d’un sourire aimable. Sa femme aide à la toilette des plus handicapés, des plus mal en point. Ambiance étrange, pas triste ni démoralisante. C’est même le contraire. On ressent une réelle fraternité entre malades et surtout leur même espoir insensé. Ils sont venus chercher la guérison sur cette ile du bout du monde. A Baguio, au nord de Luzon ! Leur confiance me bouleverse. Ils ont bravé l’opinion de leur famille, les moqueries de leur entourage, pour saisir à pleines mains cette dernière chance. « On n’a pas le droit de laisser passer le plus petit espoir » me dit la jeune-femme belge. «  J’ai 2 enfants et un mari, je me dois à eux, je DOIS guérir ».

Deux semaines d’espoir quand on se sait condamné. Deux semaines pour faire à nouveau des projets lorsqu’on vous a dit qu’il ne vous restait plus qu’un mois ou  une année…Tout tenter, même ici,  Baguio City, pourquoi pas ?

…. Silence tendu, oppressant dans la chambre d’un malade de la « Villa la Maja ». On attend le guérisseur. Un taxi s’arrête. Trois hommes en descendent. PLACIDO, entouré de ses deux assistants, s’avance vers nous. Petit, mince, 33 ou 35 ans. Habillé à la mode philippine : pantalons étroits, chemise de batik bariolée. Il serre la main au personnel de l’hôtel avec un calme souriant, une assurance un peu timide, puis se dirige dans la chambre d’un vieux paralysé qui a recours à mes connaissances d’anglais, Un flamand du nord de la France. Après quelques questions sur l’origine de sa maladie, PLACIDO se concentre un court instant. Suspens dans la pièce où se masse une dizaine de curieux avides de spectacle.

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Ma main a gauche, celle de l’assistant qui tient le coton hydrophile et les mains de Placido

Le guérisseur pose une serviette blanche sur le corps dénudé du malade, touche du doigt  différentes parties de son corps, comme s’il « voyait » à travers l’étoffe, puis rejette celle-ci et, sans marquer le moindre arrêt, triture le ventre du vieil homme. Du sang – ou ce qui ressemble à du sang – gicle, immédiatement épongé par l’assistant, avec un morceau de coton hydrophile, Je lis l’effort sur le visage de Placido. Des sillons creusent son front, Il tire sur une masse blanchâtre qu’il semble extirper du corps et la jette dans un verre d’eau qui se teinte de rouge. De l’abdomen il passe au front. Ses doigts réunis pétrissent légèrement la peau. A nouveau, il extirpe un caillot de sang. Le liquide rouge coule dans les yeux de l’homme.

Est-ce que les doigts s’enfoncent réellement dans le corps ? Je ne le crois pas. Pourtant le sang gicle, tachant draps et couverture. Huit fois consécutives, Placido « opère » : aux jambes, à la colonne vertébrale, à la tête… sans jamais s’arrêter. Sans parler. Le verre, à présent, est rempli de tissus sanguinolents, de caillots de sang. Aucune cicatrice, aucune trace n’apparaît sur le corps bien sûr. La peau est lisse, intacte, l’opéré n’a ressenti aucune douleur.

Est-ce de la magie ? Nous sommes une dizaine de spectateurs autour du guérisseur, certains avec des appareils photos, d’autres avec une caméra, tous très proche de lui à  le toucher, ainsi que  du malade, observant attentivement chacun de ses gestes. Impossible de cacher quoique ce soit dans les mains, elles sont nues, à découvert, et Placido ne porte qu’une mince chemise transparente à manches courtes. Le coton hydrophile ? C’est un des assistants qui l’a apporté avec lui et déposé sur la table de la chambre. Je profite d’un moment d’inattention pour me glisser derrière les curieux et m’empare du  paquet. Si ce coton cache un secret, je le saurai. Le premier assistant masse maintenant les jambes du paralysé et Placido lui demande avec une conviction, toute solennelle, de bouger les pieds. C’est « lève-toi et marche de l’évangile ! » mais là, rien, pas le moindre petit mouvement, les membres restent raides, immobiles. La magie n’a pas fonctionné. Le miracle n’a pas eu lieu. Pourtant il doit bien y avoir quelques « guérisons » spontanées ou rémissions pour que tant de malades viennent jusqu’ici. Lourdes n’a plus la cote, alors on vient au Philippines !

Il est presque midi, chaque opération ne dure que quelques minutes. Déjà d’autres personnes sollicitent Placido, d’autres malades l’attendent dans les chambres voisines.

Avant qu’il ne soit happé et ne disparaisse de l’hôtel, je m’empresse de l’inviter à déjeuner à la « Villa » avec ses deux assistants, Nous buvons de la tequila et l’atmosphère se détend. Placido, plutôt laconique au début du repas, se déride et répond gentiment à toutes mes questions. Il me raconte : « la découverte de son don de guérisseur lors de sa prime enfance, son travail dans les tribus montagnarde IGOROTS, ses « opérations » guidées par l’Esprit-saint, les malades qui viennent le consulter du monde entier : des Etats-Unis, du Japon, d’Australie. La construction d’une chapelle, ses devoirs envers les membres de « L’union Espirita Christina Philippina » dont il et le chef… »

J’avais cru qu’il suffirait de demander pour comprendre, de voire pour croire, mais Placido n’explique rien, ne sait rien et se retranche derrière son sempiternel : « C’est l’Esprit qui guide ma main ».

« Des savants, des scientifiques, des médecins vous ont observé, détaillé, filmé… Ils ont assisté à de nombreuses « opérations »… qu’en pensez-vous ? »

Placido me sourit un peu gêné, « Des occidentaux viennent me voir avec toutes sortes d’instruments de mesure ou de contrôle, me posent des questions, assistent aux opérations, font des analyses, puis retournent chez eux écrire un livre ou un article. Malheureusement ils n’ont rien compris car c’est une question de foi et non de technique. Tout est possible quand on a réellement la foi ».

La foi ? Voilà qui  ne doit pas contenter les savants et les médecins ! Placido se soumet de bonne grâce à mon interrogatoire. Son diagnostic ? Il l’établit grâce à la couleur de l’aura. Ses connaissances médicales ? Aucune, c’est l’esprit qui le guide. De quoi il vit ? Des dons. Les gens donnent ce qu’ils veulent. 

Après le repas j’accompagne le guérisseur chez un tahitien qui souffre d’une tumeur à l’estomac. « L’operation » se passe comme les précédentes : les doigts s’enfoncent dans la chair. Une petite rigole se forme dans le creux de l’estomac. Placido  « travaille » derrière ses mains, semble fouiller le corps et en extirpe une boule de chair grosse comme un œuf. L’assistant cherche le coton que j’ai substitué un peu plus tôt. Je lui propose du papier toilette… qu’il accepte, à mon grand étonnement. Avec le papier froissé, il éponge consciencieusement le ventre du tahitien, Une fois dans ma chambre je trempe le coton hydrophile de Placido dans l’eau. Rien. Je le déplie entièrement, rien de suspect. J’en arrache une pincée…et finalement l’utilise pour me nettoyer le visage après l’avoir imbibé de démaquillant.

Mais l’aventure ne s’arrête pas là…

Qui est l’auteur?

michele jullian maleeJe m’appelle Michèle Jullian. J’aime les voyages, la photographie, l’écriture.

Voyager ce n’est pas seulement prendre l’avion ou parcourir la planète, c’est aussi voyager dans les livres, les deux étant l’idéal. Chaque voyage comporte sa part de découvertes et de déconvenues, lesquelles deviennent expériences, à partager ou pas. Voyager est une aventure de chaque instant. Mes repères sont en France et en Thaïlande où je réside « on and off ». J’ai écrit un roman « théâtre d’ombres » qui a pour décor la Malaisie et la Thaïlande …

Découvrez le blog de Michèle, une femme à la croisée des cultures …

1 commentaire pour “Baguio City ; les guérisseurs aux mains nues”

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