Explorer un pays à travers ses romans, ses écrivains… C’est ce que vous propose Denis Billamboz qui vous conduit de la Neretva herzégovine à la Drina … Un voyage littéraire en Bosnie Herzégovine!
Lettres de sang en Bosnie Herzégovine
Notre première rencontre sera réservée au Prix Nobel local, Ivo Andric, grand maître es lettres qui, à coup sûr, trône au panthéon de mes écrivains préférés. Son ouvrage, « Le pont sur la Drina», contient déjà presque toutes les clés nécessaires pour aborder avec de solides arguments l’histoire des Balkans et des conflits qui y ont abondamment fleuri. Nous rejoindrons ensuite deux auteurs, nés tous les deux en 1964, qui ont fuit la Bosnie pendant le dernier conflit pour rejoindre la France pour Velibor Colic et les Etats-Unis pour Aleksandar Hemon. La guerre qui affecta leur pays les a profondément marqués et leur œuvre en témoigne explicitement. Pour accomplir ce voyage, nous prendrons la compagnie d’un écrivain que je n’ai découvert que récemment, Miljenko Jergovic, qui pourrait être considéré comme un digne héritier d’Ivo Andric.
Le palais en noyer de Miljenko Jergovic
Dans Le palais en noyer de Miljenko Jergovic, c’est l’histoire des Balkans que Jergovic veut nous raconter à travers la saga de la famille Delavale-Sikiric et plus précisément la vie des Bosniaques, Herzégoviens et Croates qui se croisaient dans région de Dubrovnik, à cette époque, sous la croix orthodoxe ou catholique, sous le croissant musulman ou sous la kipa juive. C’est le sort de ces communautés qui ont essayé de vivre ensemble et qui n’ont jamais pu maîtriser leur histoire, toujours coincées entre des empires trop puissants pour les laisser en paix.
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Le pont sur la Drina de Ivo Andric
Près de cinquante ans avant la destruction du pont historique de Mostar, Ivo Andric ( 1892 – 1975 ), nous racontait l’histoire des Balkans et rêvait d’un peuple balkanique uni, mais il devait bien imaginer en écrivant son roman que les remous de l’histoire rattraperaient bien un jour ces peuplades périodiquement massacrées par la puissance dominante du moment.
Le Pont sur la Drina est une œuvre magnifique qui permet de comprendre tous les problèmes que cette région connaît régulièrement mais aussi l’histoire d’un peuple multiple où tous les excès et toutes les exactions ont été commis.
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Les Bosniaques de Velibor Colic
Velibor Colic ( 1964 – … ), enrôlé dans l’armée bosniaque, s’est retrouvé militaire au pire moment de l’horrible guerre qui ravagea son pays. Il a connu les tranchées, la purification ethnique, les camps, … avant de s’évader en mai 1992. Après quelques avatars, il a pu se réfugier en France où il vit toujours. C’est sans doute la guerre qui a fait de lui le témoin qui a écrit pour rendre hommage à ceux qui sont morts sans sépulture, victimes comme bourreaux réunis dans la même terre.
Les Bosniaques qu’il décrit dans ce livre, sont ces soldats différents qui ne rejoignent les autres que dans la mort. En trois temps, Hommes, Villes et Barbelés, Colic dépeint toute la violence, l’horreur, et l’absurdité qui ont déferlé sur les Balkans à la fin du dernier millénaire et son témoignage a certainement plus de poids que n’importe quelle analyse car il a vécu ces événements tragiques. Et, peut-être que le poète, avec ses mots, peut ramener un peu d’humanité dans ce monde où elle fit si cruellement défaut en ces instants douloureux.
De l’esprit chez les abrutis de Aleksandar Hemon
Aleksandar Hemon ( 1964 – … ) a, lui aussi, fui la Bosnie en 1992 mais pour poursuivre ses études à Chicago où il apprit à écrire en anglais car il ne parvenait pas à le faire dans sa langue maternelle. A travers ce recueil de nouvelles, il conjugue la douleur qui s’est déversée sur la Bosnie pendant cette horrible guerre avec les fantômes du passé qui ne sont pas forcément innocents devant ce présent si tragique et si cruel. Même sis ces récits conservent un côté burlesque, ils contiennent néanmoins les stigmates de cette affreuse guerre que l’insouciance devant les obus et tous les affres de la guerre ne parvient pas à faire oublier.
Dans ces neuf nouvelles, on voit défiler un proche de Goebbels, une victime des camps staliniens, les snippers qui exercent leurs talents dans les avenues de Sarajevo, Sorge, l’espion préféré de Staline, … des ombres qui toutes pourraient se confondre avec celles qui ont ensanglanté le quotidien de Sarajevo pendant l’abominable guerre de Bosnie. Des textes où l’absurdité est presque aussi évidente que celle qui a présidé au déclenchement des hostilités.