Si vous visitez le centre ville de Bucarest, vous découvrirez probablement un ensemble architectural digne d’intérêt autour de l’hôpital Coltea (spitatul Coltea) et de son église. de par son passé ancien, cet espace mérite une visite approfondie qui éclaire sur les différentes évolutions de la ville…
La zone centrale de Bucarest, bien que transformée et modernisée ces dernières dizaines d’années, porte encore l’empreinte d’un passé lointain. Dans ce que l’on appelle « le vieux centre-ville », près de l’Université, vous pouvez retrouver différentes zones qui rappellent les étapes de développement de la capitale. L’ensemble Coltea compte parmi elles ; de nos jours, il comporte l’hôpital du même nom et une église, mais dans le passé, il existait aussi une tour d’incendie.
» L’histoire de cet ensemble architectural remonte très loin dans le temps, jusqu’au début du XVIe s. A l’époque, c’était l’extrémité nord de la ville, délimitée par une barrière, au-delà de laquelle s’étendaient potagers, vergers, vignobles et forêts. L’historien Adrian Majuru nous introduit dans l’ambiance de l’époque :
« Ici, à la barrière nord de la ville du XVIe siècle, se trouvaient les domaines de la famille Coltea-Doicescu. Le boyard Coltea-Doicescu édifia d’abord une petite église en bois, car c’était l’habitude du temps. On apportait un calvaire en bois, puis on construisait une petite église en bois et finalement, quand elle était en ruine, on bâtissait une église en brique. Au XVIIe, l’église construite est rénovée par la famille Cantacuzène, qui fit aussi construire dans cette partie de la ville deux pavillons hospitaliers pour ceux qui n’avaient pas les moyens de payer leurs soins médicaux ».
Bâti en 1704, l’Hôpital Coltea de Bucarest fut fondé par le boyard Mihai Cantacuzène, chargé de porter, lors des cérémonies, le sabre et la massue du prince régnant. Sa création marque un moment important dans le développement de la capitale. Jusqu’alords, dans la principauté de Valachie, les abris pour malades étaient à retrouver auprès des monastères. C’est là que se retiraient les vieux moines ou les personnes souffrantes, et aussi les laïcs pauvres. Dans les villages, les paysans se soignaient chez eux ; en ville, ceux qui en avaient les moyens payaient les docteurs pour des soins à domicile. Le besoin d’un hôpital ne s’est fait sentir qu’au début du XVIIIe, lorsque l’on assiste à l’urbanisation de Buca rest et à une intensification de l’activité économique.
Près de l’hôpital qui avait, au début, une immense cour, aussi grande qu’un parc, allait s’élever le premier bâtiment réellement haut de toute la ville.
« La Tour de Coltea apparaît un peu plus tard, au XVIIIe siècle, et elle est est liée par la légende – qui n’est pas réelle, semble-t-il – à la défaite du roi Charles XII de Suède par les Russes à Poltava. Ce roi a fait la guerre aux Russes pendant près d’une décennie et l’a perdue, avec sa couronne d’ailleurs. Quand ses troupes se sont retirées, après la guerre, elles ont traversé la Valachie et ont été cantonnées pendant un certain temps à Bucarest. La Tour de Coltea a été érigée par des maîtres étrangers, des tailleurs de pierre et des mosaïstes d’origine italienne de Dalmatie, car la Dalmatie était encore sous occupation vénitienne. En plus, à cette époque, toute armée avait aussi des techniciens ou des maçons pour aménager les espaces de refuge et de défense. La légende dit que l’armée suédoise qui s’est retirée par Bucarest aurait participé, par ses spécialistes, à la constructionde cette tour. La Tour de Coltea a été, principalement, une tour d’incendie, la première de la ville. Les incendies pouvaient être vus jusqu’aux limites de la ville, qui n’était pas très étendue à cette époque ».
En 1888, lorsqu’elle était très détériorée, la municipalité a décidé de la démolir. Mais avant cela, la tour, l’église et l’hôpital de Coltea s’étaient trouvés au centre de la vie marchande typique pour Bucarest. Adrian Majuru :
« Au voisinage du faubourg de Coltea et de cet hôpital, il y avait – aux XVIe-XVIIe s – des agglomérations villageoises, quelque part dans la zone de l’hôtel Intercontinental et de l’Université. C’étaient des habitats villageois avec des habitants professionnalisés. Il y avait, par exemple, un faubourg des savonniers. A côté se dressait celui des bouchers. La graisse des animaux jetée par les bouchers était utilisée par les savonniers, et les peaux étaient utiles aux tanneurs qui se trouvaient du côté du marais de Cismigiu. Dans la zone de l’Université, entre les Savonniers et les Tanneurs, se trouvait un faubourg des pêcheurs. Le premier faubourg des Tziganes de Bucarest s’étendait devant l’Université actuelle, mais il n’a pas fait long feu là-bas, étant muté plus loin, du côté de l’emplacement du Patriarcat actuel, à côté du faubourg des gueux ».
L’architecture d’aujourd’hui de l’hôpital Coltea date des années 1888 – 1895 ; cet édifice connaît en ce moment un ample processus de restauration.
Aut. : Christine Leşcu, trad. : Ligia Mihăiescu