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Des Vosges jusqu’aux Alpes à vélo en novembre en traversant le Jura par la Suisse

Mont blanc Chamonix

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Comment rejoindre les Vosges jusqu’à Chamonix à vélo en Novembre? Pourquoi ne pas traverser le Jura par la Suisse pour partir un peu à l’aventure à une période où le vélo rime avec surprises autant qu’avec souffrances et parfois quelques galères…

Mon camarade Robert me propose une randonnée pédestre à Chamonix pour le samedi 7 novembre. Nous devons nous retrouver la veille au Chamoniard volant, gîte refuge bien connu des alpinistes et des randonneurs à l’entrée de la ville.

Habitant dans les Vosges, je me pose la question de savoir comment je vais rejoindre notre lieu de rendez-vous. Plusieurs options sont envisageables: prendre le train jusqu’à Paris rejoindre Robert à Fontainebleau et descendre ensemble, ou prendre ma voiture et me rendre directement au pied du mont Blanc. Puis une dernière idée me vient, pourquoi ne pas m’y rendre à vélo en traversant le Jura par la Suisse? Novembre à vélo, selon les cas surtout à travers le Jura et les zones montagneuses des Alpes, on peut y rencontrer des surprises, qui se traduisent par de belles souffrances. En effet, un coup de mauvais temps avec pluie ou neige et le voyage à vélo se transforme en vraie galère, il peut même être interrompu. Les jours précédents mon départ je surveille avec assiduité les bulletins météorologiques.

J’en profite pour faire quelques sorties entre 500 et 1200 mètres d’altitude pour tester mes différents habits, en particulier les pantalons que je compte enfiler par-dessus mon cuissard en cas de froid. En effet, je me souviens d’un trajet Lyon-les Vosges fin octobre 2014. Je comptais passer par les parties hautes du Jura, mais le froid et l’humidité m’avaient repoussé vers des routes plus basses. Le matin les premières heures de la journée je roulais avec les extrémités bien froides et cela piquait. Alors ne vais-je pas avoir encore plus froid en passant par des coins réputés les plus glacials de notre pays, comme la ville de Mouthe.

Puis arrive le mardi 3 novembre, le temps devrait rester couvert seulement ce jour, puis le grand beau pour une semaine devrait m’assurer un aller-retour de plus de 800 kilomètres en tout confort. Donc je ne dois pas hésiter et à 8 heures je me mets en route. J’ai essayé de limiter mes bagages, mais à cette période pour être autonome et être en mesure de bivouaquer il est nécessaire de prendre un minimum de choses. Mes bagages pèsent de l’ordre d’une douzaine de kilogrammes, qui tiennent dans deux sacoches arrière et celle de guidon.

Rejoindre Chamonix depuis les Vosges en 4 étapes

J’espère rejoindre Chamonix en 4 étapes, le trajet aller totalisant un peu moins de 400 kilomètres.  Mon plan consiste après avoir quitté les Vosges traverser le Jura par de petites routes au hasard de ma carte et de descendre en Suisse pour me diriger vers Vevey sur le lac Léman. Longer ce dernier par sa rive nord en direction de l’ouest. Ensuite remonter la vallée du Rhône en Valais jusqu’à Martigny, où je compte m’arrêter pour la nuit chez ma camarade de l’Atacama, Flora. Puis une dernière étape me conduira à Chamonix par les cols de la Forclaz et des Montets.

En ce matin il fait froid, mais pas de brouillard, dans les prés la gelée blanche apporte sa petite touche d’hiver avant l’heure. Sur un rythme alerte je m’engage dans l’escalade de deux petits cols des Vosges, du Ménil et des Croix. Très vite la chaleur de l’effort m’envahit de sa douce irradiation et dans la foulée les épaisseurs d’habits sont enlevées, et j’ai très vite la sensation de pédaler comme en été. Pourtant la température est légèrement négative et le ciel bien gris. Comme toujours, avec les premiers kilomètres d’une nouvelle aventure les doutes s’envolent et l’esprit du voyage me submerge. Pas besoin de partir de l’autre côté de la planète pour se sentir vivre. Rapidement je quitte le département des Vosges pour la Haute-Saône. Par des petites routes à la circulation quasiment inexistante je travers de nombreux village, qui dans cette triste journée sont déserts.

J’avance rapidement. Vers midi je traverse le Doubs à Isle-sur-le-Doubs. Un salon de thé, je m’arrête et déguste un énorme chocolat au lait accompagné d’un gros gâteau plein de crème. Cette belle collation, qui me tient bien au ventre, va me servir de repas de midi.  A la sortie de la ville, sur quelques kilomètres il me faut emprunter la D 683, large route à quatre voies, heureusement le trafic y est faible. Puis une petite route me permet de m’échapper en direction des montagnes du Lomont, que je franchis par le col de Ferrière.

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Quelques gouttes commencent à tomber, juste de quoi m’inquiéter. Mais cela ne va pas s’aggraver. Une jolie descente me conduit au village de Sancey-l’Eglise. Le temps passe vite et en cette période de l’année sous cette couche nuageuse épaisse la pénombre s’intensifie dès 14 heures. Dès à présent je commence à me poser la question du point de chute pour la nuit. En effet, il est vivement conseillé de ne plus rouler après 17 heures, car la nuit est dangereuse pour les cyclistes. Une côte bien raide de quelques 6 kilomètres me ralentit. Vers les 16 heures j’arrive à la petite ville de Pierrefontaine-les-Varans. Deux gendarmes, je leur demande s’il ya un gîte communal. Ils me répondent par la négative, mais m’indiquent un camping et un hôtel. Mon choix me conduit vers cette deuxième option, d’autant plus qu’il se situe juste devant moi à 300 mètres. Joli petit établissement, où l’accueil est très sympathique et les prix doux. Cette première journée s’est bien passée avec 117 kilomètres au compteur et 1526 mètres de dénivelé. Cette première étape n’a pas été aussi plate que je le pensais. En effet, une succession de petites côtes qu’elles aboutissent ou non à un col, une fois cumulées donnent un dénivelé équivalent à celui d’un grand col des Alpes.

Repas du soir agréable, nuit douillette, les prévisions météo sont moins optimistes que prévu quelques jours auparavant. Ce deuxième jour, c’est sous un ciel bas et menaçant que je reprends la route. Par de petites routes de traverse, agrémentées de fortes côtes par de belles forêts je rejoins la ville de Morteau. L’humidité très forte déclenche des bancs de brouillard ténu qui s’accrochent au relief. La pluie n’est pas très loin. Je traverse la ville assez animée. Je me dirige vers la petite ville de Montlebon, porte d’entrée en Suisse. J’y fais une halte afin de prendre du ravitaillement, afin d’éviter de faire des achats en Suisse, car les prix y sont prohibitifs. Le temps de mon arrêt la pluie se met à tomber, elle semble même assez forte. Et dire qu’il n’y a pas même un  café dans cette petite agglomération. Depuis ce matin en une bonne cinquantaine de kilomètres, je n’ai pas vu dans les villages traversés le moindre commerce. La désertification est bien réelle. Je m’abandonne à ces pensées tout en regardant tomber la pluie en m’abritant devant la boulangerie qui m’a vendu deux jolis pains dont l’un de seigle.

Je suis toujours partisan du mouvement et ne pas trop perdre de temps. Donc sans attendre que la pluie cesse j’attaque la côte assez raide qui mène à un petit col. Je passe la frontière quelques kilomètres plus loin.

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En Petite Sibérie suisse

Je traverse une magnifique région, un peu triste et fraîche malgré le vert intense des prés. Elle est dénommée la petite Sibérie suisse. Effectivement, il n’y fait pas très chaud, tout particulièrement dans les descentes. Je dépasse le village de la Brévine. Une descente d’une dizaine de kilomètres me conduit à la bourgade de Fleurier. Imprudemment je ne me suis pas couver en descendant à vive allure et c’est transis de froid que je m’arrête dans une cabane en bordure de village pour casser la croûte. Je grelotte et j’ai du mal à me réchauffer. Pédaler en novembre malgré le réchauffement terrestre  ce ne sera jamais la même chose que pédaler en été. Une fois ma pause terminée, c’est chaudement habillé que je me remets en route, en direction du col des Etroits, qui culmine à 1153 mètres. Très vite je transpire et j’enlève les couches les unes après les autres, pour très rapidement me retrouver en t-shirt. Et malgré tout, je continue à transpirer dans cette côte qui n’en finit pas. En novembre, une fois les habits mouillés de sueur, il est très difficile de les faire sécher si l’on envisage de bivouaquer. Donc c’est torse nu sous une légère pluie que je termine l’ascension du col. Les automobilistes qui me doublent doivent se demander quel étrange cycliste.

Vers les 15 heures j’atteins le col. L’obscurité risque de tomber rapidement ce soir. Mais la pluie s’est arrêtée et tout là-bas à l’ouest les Alpes se dessinent en ombres chinoises. De larges zones de ciel bleu les dominent. A mes pieds la vaste plaine, bordée par les lacs de Neuchâtel  au nord et Léman au sud, s’étire. Elle semble très loin en contre-bas. Le brouillard commence à la recouvrir et elle m’apparaît bien froide et hostile. Il va me falloir me dépêcher de la rejoindre et un peu avant que la nuit tombe trouver un endroit où poser ma tente. Alors que je sens que la course contre la nuit est enclenchée, je prends le temps de ce haut promontoire de m’imprégner de ce spectacle grandiose qui s’étire jusqu’à cette haute barrière de montagnes hérissées de pics acérés. Ces flashes qui m’interpellent de loin en loin en s’égrainant au hasard du chemin, sont l’un des carburants du voyage à vélo. Je sais que cette sensation que j’éprouve entre extase face à la nature et urgence de chercher un lieu pour ériger ma tente tant que la lumière est suffisante, restera l’un des instants forts de cette semaine sur la route.

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Je prends le temps de me rhabiller chaudement avant de me lancer dans une belle descente en direction de cette vallée qui commence à être submergée par une brume s’épaississant au fur et à mesure que la lumière décline et que le froid s’installe.

A ces moments, où il reste moins de deux heures de jour et que la plus grande incertitude règne quant à l’endroit où l’on va pouvoir s’établir pour la nuit, alors tout l’intérêt de l’itinérance à vélo se révèle. L’esprit se met en activité tous sens en éveil. On étudie le type de contrée que l’on traverse. Plutôt des cultures, des prairies ou des forêts, ou pire des zones d’habitations assez denses. Dans des pays comme la Suisse le camping sauvage n’est pas très facile, mais à cette période de l’année il suffit d’attendre la tombée de la nuit pour se poser et généralement personne ne vient vous déloger.

La circulation est assez importante sur les grandes routes sur lesquelles je suis contraint d’utiliser sur une quinzaine de kilomètres. Je contourne la ville de Orbe par son périphérique est. La zone est très industrialisée et fortement habitée. Il me faut au plus vite m’éloigner vers des coins de campagne plus propices au bivouac, mais cette plaine suisse est très peuplée. Une petite route part plein est vers le village de Chavornay, puis cette localité dépassée, elle se dirige vers Corcelles. A la fontaine au centre je remplis mes deux bouteilles d’eau, ce qui me donnera un peu moins de trois litres d’eau pour bivouaquer. Entre les pâtes à faire cuire, le thé du matin et la boisson c’est ce qu’il faut.

Une fois cette tâche  accomplie je me dépêche de me remettre en route à la recherche d’un lieu éloigné des habitations. Je traverse une large zone de culture entrecoupée de bosquets et petits bois. Je devrais trouver le coin idéal discret pour me cacher. Un chemin part sur la droite parmi les arbres. Le sol est tout détrempé de cette humidité qui se condense avec le froid qui s’intensifie. Après quelques centaines de mètres je débouche dans une large clairière où se trouve un champ de maïs. Il vient juste d’être récolté. J’y recherche un emplacement bien plat et je m’installe. Il est plus de 17 heures. Une course contre le temps s’enclenche. Il me faut avoir organisé mon bivouac avant la nuit, qui progresse rapidement. Bien que mon dernier bivouac remonte à plusieurs mois, les réflexes acquis reviennent vite et la couverture de survie étalée, la tente montée, le sac de couchage, le matelas gonflable, le sac à viande et le coussin lui aussi gonflable sont déroulés. Je me change, enlevant mon cuissard le remplaçant par un pantalon chaud, mo t-shirt humide vite remplacé par un sec et plus chaud, par-dessus lequel je rajoute deux épaisseurs dont ma doudoune en plumes d’oie. Me voilà prêt pour une longue nuit d’immobilité de 13 heures. Une dernière photo de mon camp avec les dernières lueurs du jour qui meurent à l’ouest. Je me rends compte que je suis installé  sur une terre bien grasse qui colle aux chaussures. Je rentre dans ma tente, me glisse entre mes trois sacoches, les deux arrières et celle de guidon, mais pas de problème j’ai de quoi m’installer.

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Maintenant vient le moment de préparer mon repas. Une bonne gamelle de vermicelles rehaussée de deux bouillons cubes. Il me faut faire très attention de ne pas mettre le feu au tissu de la tente, d’autant plus que mon réchaud a le pas de vis qui s’est grippé et devient particulièrement instable. Le repas terminé il me faut me laver les dents et puis me mettre en position confortable pour attendre le jour demain matin. Je suis à plusieurs centaines de mètres de la route et encore plus loin de la première habitation, donc  la nuit sera calme.

Au matin je guette les premières lueurs du jour dans l’attente du moment où je vais sortir de mon duvet afin de replier au plus vite mes affaires. Je suis toujours étonné par ces bivouacs hivernaux, plus de 12 heures et le temps qui semble avoir filé comme s’il ne s’était agi que de quelques heures. Cette capacité d’adaptation aux éléments même lorsque qu’ils deviennent un peu adverses procure un réel plaisir. Là encore on découvre un autre aspect de la motivation du voyage à vélo.

Dès que la pénombre s’est suffisamment dissipée je plie avec un maximum d’ordre mes affaires dans mes trois sacoches tout en faisant démarrer un thé sur mon réchaud. Une heure plus tard je suis en mesure de repartir. Dans mon champ il y a du brouillard. Pourvu que la route n’en soit pas trop recouverte.

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Le soleil pointe derrière le rideau d’arbres devant moi. Une fois sur le goudron je constate que la visibilité reste assez bonne. Aujourd’hui je compte rejoindre Martigny au pied du col de la Forclaz. Cette plaine entre ces deux grands lacs suisses est loin d’être plate, succession de bosses plus ou moins grosses.

Le temps est redevenu très beau, contrairement aux deux jours précédents, durant lesquels j’ai roulé sous la menace de la pluie, qui heureusement ne s’est jamais vraiment concrétisée.

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Alors que je ne vois pas encore le lac Léman, je distingue très nettement  les montagnes qui se situent sur sa rive sud en France, comme la Dent d’Oche ou les aiguilles du Midi. Je longe le lac de Bret, puis je plonge en direction du Léman à travers les vignes de Vevey. Dans cet automne en son milieu, elles sont d’un jaune éclatant, qui se découpent sur l’eau sombre du lac. Le sol les éclaire de face. Toujours cette féerie de la surprise à vélo, cette immensité toute jaune qui s’étend et s’échelonne sur une large surface. Si par moments on se demande ce que l’on fait à souffrir sur la route, il suffit d’un tel spectacle pour ne plus douter d’avoir pris la route.

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Rapidement je rejoins la rive, que je vais suivre jusqu’à l’entrée de la vallée de Martigny. De très beaux tronçons de piste cyclable me font traverser la ville de Montreux, aux bâtiments imposants, baignés dans une végétation multicolore. Un peu avant le bout du lac je m’installe confortablement sur un banc face au large et je fais un copieux repas à base des nombreuses réserves que je transporte.

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Je vais quitter le bord du lac aux eaux très calmes. Les derniers kilomètres sur cette grève je les fais à vitesse réduite pour fixer un maximum d’images dans ma mémoire. Voilà c’est fini, la vallée se présente devant moi. J’ai de la chance un vent favorable va me pousser sur les trente derniers kilomètres. Je sais que la via Rhodania se cache quelque part à ma droite, mais mes quelques essais pour la rejoindre se soldent par des impasses avec demi-tour dans des culs-de-sac. Vers 15 heures j’arrive à Martigny, et je rejoins en traversant cette petite ville le gymnase où m’a donné rendez-vous  Flora. Pour le moment elle travaille à la piscine et me rejoindra plus tard. Effectivement vers 17 heures elle arrive pour assurer ses cours de gymnastique. Nous allons passer une soirée superbe à se remémorer notre incroyable voyage ensemble à travers le désert de l’Atacama. Cela fait maintenant deux ans.

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Le lendemain matin départ à 8 heures. Elle m’accompagne dans les premiers kilomètres du col de la Forclaz. Au lieu de suivre la route principale à la circulation importante, elle me fait découvrir de petites routes qui serpentent dans les vignes, certes ça monte très raide, mais nous sommes seuls. Le temps aujourd’hui encore est très beau, et la végétation explose en une multitude de couleurs en ce milieu d’automne. Je passe au meilleur moment pour pouvoir jouir de ce spectacle. Dans quelques jours les teintes se seront affadies et les parures d’hiver prendront le dessus.

Vers les 9 heures Flora fait demi-tour car le devoir l’appelle dans son gymnase.

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Je reprends ma route par petites routes et chemins. Il me faut par moments pousser mon vélo tant la piste à travers la forêt est pentue.

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Je débouche sur la grande route pratiquement au sommet du col. Quelques centaines de mètres et j’y suis. Je fais une longue halte.

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Un couple de Chinois viennent me parler, lui parle anglais et elle très bien français. Très vite notre conversation se dirige vers la politique internationale. Ils sont sévères avec la France dont ils trouvent la politique internationale molle et sans cap.

Après ce moment très intéressant, je me lance dans une longue descente afin de rejoindre le pied du dernier col celui des Montets. Il fait froid et humide. La route est mouillée ans ce grand pan de montagne à l’ombre, et pourtant il est midi. Je pense à après-demain lorsque je vais faire ce trajet dans l’autre sens tôt le matin. Je risque d’avoir beaucoup plus froid. Chaque chose en son temps, il sera toujours temps de voir le moment venu. Le col des Montets est vite enlevé.

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Apparaît alors le massif montagneux mythique de Chamonix, d’abord l’aiguille Vertes et les Drus. Ces derniers sont une vieille connaissance, constituant l’une des plus mémorables ascensions que j’ai effectuées, il y a déjà bien longtemps Il ne me reste plus qu’à me laisser entraîner dans une dernière descente pour rejoindre Chamonix, à la recherche du Chamoniard Volant, où je rejoins un groupe d’amis afin de faire une randonnée en montagne demain. J’ai parcouru 368 kilomètres en 4 jours.

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Ce samedi est mon jour de repos avant de reprendre la direction des Vosges. Nous prenons le train à crémaillère du Montenvert. Le décor que je connais bien est absolument extraordinaire, d’abord la face ouest des Drus qui s’élance de mille mètres de verticalité et qui culmine à un peu moins de 3800 mètres, et la face nord du plan qui nous domine de sa paroi froide et glacée, et puis tout au bout de la mer de glace et du glacier de Leschaux la face nord des Grandes Jorasses dresse son mur de roche et de glace qui monte dans le ciel jusqu’à plus de 4000 mètres. La mer de glace par contre donne un spectacle inquiétant, surtout en fin de saison avant les premières chutes de neige. Elle est entièrement noire couverte de caillasses et elle s’enfonce toujours plus perdant en épaisseur des quantités importantes. Sur un an elle vient de perdre 3,5 mètres en épaisseur, ce qui est particulièrement important.

Jusqu’à présent on était sur une moyenne annuelle de 2 mètres. Elle est encore épaisse d’une centaine de mètres. Une division simple permet de réaliser quelle est la durée de vie de ce symbole de nos Alpes à ce rythme de fonte. La hauteur des échelles pour la rejoindre est deux à trois fois plus haute que ce qu’elle était il y a trente ans. D’ailleurs il n’y a pas que la glace qui disparaît, les parois de granit s’éboulent. La glace interne, qui colmate les fissures et tient lieu de ciment entre ces immenses plaques qui supportent l’architecture de ces magnifiques parois d’escalade,  eh bien cette glace fond et les rochers s’écroulent. Les écroulements peuvent atteindre des dimensions gigantesques. Toutes les aiguilles de Chamonix arborent d’immenses balafres claires qui jurent sur la belle couleur fauve du granit. Les Drus sont particulièrement touchés avec sur plus de 700 mètres. De toute évidence il se passe quelque chose dans nos montagnes, et l’augmentation de la température est toute désignée comme coupable.

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 On ne se croirait pas au mois de novembre à 2000 mètres. En effet afin d’économiser mes habits pour le retour, je me déplace torse nu, même à l’ombre des montagnes. Bien évidemment le beau temps y est aussi pour quelque chose, mais je ne peux m’empêcher de penser à certaines promenades dans ce coin par mauvais temps en été où la température était nettement moins clémente.

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Dimanche matin, après un copieux petit déjeuner dans notre sympathique refuge le Chamoniard volant je vais reprendre la route. J’ai un entretien intéressant avec le propriétaire, qui m’explique qu’avec le durcissement des réglementations en matière de sécurité, de nombreux établissements comme le sien, n’auront pas les moyens financiers de se mettre aux normes. Il faut donc s’attendre à voir disparaître ces chalets de montagne chargés d’histoire qui nous rappellent la longue tradition montagnarde de ces régions. Je me souviens aussi du refuge de l’Aigle au pied de la Meije à plus de  3000 mètre qui a été remplacé par une structure moderne. On peut le regretter, mais il est vrai qu’un incendie de nuit dans un lieu qui accueille du public a souvent des conséquences dramatiques.

Il est 8 heures, il fait froid dans le fond de la vallée de Chamonix, un au revoir à mes amis qui vont repartir de leur côté et je prends la direction du col des Montets.

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Je m’attends à avoir froid mais tout de suite la montée me réchauffe et je me déshabille. La descente en direction du pied d la Forclaz est sèche et se passe bien. A bonne vitesse je franchis les 500 mètres de dénivelé qui me conduisent au col. En ce dimanche de novembre, le beau temps a motivé de nombreux randonneurs à profiter des beautés de la montagne. Je fais une dernière pause et je jette un dernier long coup d’œil à ce massif magique, dans lequel j’ai vécu tant d’aventures.

Je plonge vers Martigny dans une descente d’une vingtaine de kilomètres et plus de 1000 mètres de dénivelé. Les vignes ont perdu en moins de 48 heures leur jaune éclatant et tirent sur un brun plus terne. Une fois en fond de vallée je me trompe dans la ville et pars dans la mauvaise direction, car la vallée fait un coude à 90 degrés. Rapidement je me rends compte de mon erreur et reprends la direction du lac Léman. Aujourd’hui encore les éléments sont avec moi. Une petite brise me pousse et la moyenne s’en ressent. Vers 14 heures je quitte la Suisse en passant le poste frontière de Saint Gingolph. Le lac est d’un calme plat comme un miroir, pas une ride. Ce n’est pas toujours le cas, il peut parfois sous le coup de boutoir des tempêtes se mettre en colère. Je pense en particulier aux récits d’Ella Maillart cette grande aventurière valaisanne qui a arpenté le monde dans les années 30. Elle avait vécu ses premières grandes émotions de jeunesse en pratiquant la voile ici. 

Les montagnes qui me dominent cachent le soleil qui descend rapidement. La température s’en ressent rapidement. Sur mon vélo il me faut jongler avec les couches de vêtements pour jongler entre coup de chaud, coup de froid et tee-shirt mouillé de sueur, sans parler des bouts de doigts et de pieds.

Je traverse la ville d’Evian, qui en cet après-midi de dimanche est envahie de piéton qui viennent profiter de cet été indien dans ce décor immense au milieu des montagnes. La densité de population est importante sur cette rive. Je ne pense pas pouvoir trouver un coin tranquille pour bivouaquer. En arrivant à Thon-les-Bains je recherche un hôtel ; Un passant en centre-ville un piéton me donne le bon renseignement et à quelques centaines de mètres sur les hauteurs un hôtel tranquille à l’accueil très sympathique et au prix modéré. En ce jour j’ai effectué 117 kilomètres et la fatigue me tombe dessus au moment de la douche. Comme la restauration de l’hôtel est fermée en ce jour férié, je ne vais pas trouver le courage d’aller me promener en ville à la recherche d’un restaurant. J’ai de nombreuses réserves que je transporte maintenant depuis 500 kilomètres. Je vais donc mettre en route mon camping gaz dans la douche et me faire une ration de riz précuit. C’est extrêmement   pratique, le temps de chauffe se limite à deux minutes. La contrepartie, comme le riz est déjà imprégné d’eau, les provisions sont donc plus lourdes. Ce que l’on gagne en économie de gaz on le perd en poids de riz.

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Lundi matin, après une bonne nuit et un excellent et gargantuesque  petit déjeuner je suis sur mon vélo à 8h15. Heureusement pas de brouillard, très fréquent à cette époque et qui constitue un vrai danger pour le cycliste. Contrairement à ce que je ne pensais pas de piste cyclable sur cette rive du lac. La route qui suit la grève, pas toujours au plus près, est particulière encombrée en ce début de semaine, et de plus de nombreux camions. Au plus vite j’essaie de m’échapper vers des routes moins importantes. A plusieurs reprises je me fourvoie dans des impasses. A l’aide de plusieurs personnes qui me renseignent fort aimablement je réussis à me faufiler par des routes et des chemins  à travers bois agréables pour le cycliste.

Dans le lointain je vois le grand jet d’eau symbole de la ville de Genève. Je pénètre en Suisse et comme par enchantement les pistes cyclables font leur apparition. Plus je rentre en ville et plus le déplacement à vélo est facile. Au cœur de la capitale suisse c’est un vrai plaisir de suivre le bord du lac. Je fais ma pause casse-croûte au plus près du jet.

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Je continue à suivre le lac en direction de Nyon. La piste est cyclable est continue, à part quelques travaux qui me forcent à la quitter ponctuellement. Les 25 kilomètres qui mènent à cette ville sont parcourus rapidement. Pour le moment les conditions sont clémentes,  d’après les conditions météo elles devraient continuer à être favorables, voire très favorables pour la saison.  Une fois à l’entrée de Nyon je me dirige vers le col de la Grivine.  Les premiers kilomètres en m’éloignant de la grève du lac sont très raides. Depuis une centaine de kilomètres j’avais pris l’habitude du plat, il va falloir me remettre aux côtes. Une succession d’épingles à cheveux me conduit au village de Saint-Cergue. Encore 5 kilomètres et j’atteins le col.

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Le temps passe mais la station des Rousses n’est plus qu’à quelques kilomètres et je décide de ne pas m’y arrêter et de continuer, quitte à devoir bivouaquer à la tombée de la nuit. Rapidement je suis à Bois-d’Amont. J’ai le choix entre partir par la vallée de Joux en Suisse ou partir plein est par une minuscule route en direction de Bellefontaine. J’opte pour cette deuxième solution. Ça monte dur, mais heureusement la circulation est nulle. J’ai l’impression de ne jamais sortir de cette forêt d’altitude, des bosses qui n’en finissent pas, et le jour décline. Enfin une descente franche et à belle vitesse je rejoins le village précité. Il va falloir que je commence à me poser la question de mon lieu de station pour la nuit. Ce village est désert, je me dirige vers le suivant, Chapelle-des-Bois. Le plateau du Jura est magnifique dans son immensité dépouillée, de grandes prairies encore bien vertes. Je sais que dans quelques semaines voire quelques jours ces espaces auront perdu leur couleur verte pour une livrée blanche, sur laquelle les fondeurs se livreront à leur sport.

Une fois au centre, il y a deux hôtels, mais à cette époque de l’année, juste l’entre saison, aucun des deux n’est ouvert. Cependant j’essaie de contacter le propriétaire à partir d’un numéro de portable affiché sur la porte. Personne ne répond. Un passant, le seul que je verrai ne me laisse pas grand espoir de trouver un toit. Il ne me reste plus qu’à remplir mes deux bouteilles d’eau à la fontaine toute proche et partir à la recherche d’un endroit confortable pour m’installer pour la longue nuit qui arrive rapide. Une fois en mouvement, plus que la route je scrute les  environs à la recherche du coin  adapté. Des vaches paissent tranquillement. Sur ma droite un indice, il n’y a plus de clôture, je vais donc pouvoir partir à la recherche d’un emplacement plat. Je roule dans l’herbe en direction de quelques sapins. Entre deux d’entre eux, une place plate me convient. Rapidement je monte mon camp talonné par la nuit qui tombe rapidement. Je me suis arrêté juste à temps. Le plus difficile n’est pas de monter sa tente de nuit, ni d’organiser son matériel de bivouac à l’intérieur, mais de trouver un endroit plat dans la nuit. En effet, le halo de la lampe ne porte qu’à quelques mètres  et là trouver un emplacement convenable relève de l’aiguille dans la botte de foin.

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Une fois bien installé dans mon duvet, il ne me reste plus qu’à faire chauffer ma soupe aux vermicelles. Un petit problème sur le pas de vis trop oxydé de mon réchaud entraîne la chute de ma gamelle et de son contenu. Pas de problème pour récupérer les pâtes, mais l’eau il me faut en remettre. Mes réserves sont limitées, deux bouteilles, l’une de 1,25 l et l’autre de 1,50, donc un peu moins de trois litres. Je ne peux pas me permettre une seconde mauvaise manipulation si je ne veux pas souffrir de la soif durant la nuit. Pour ce deuxième essai tout se passe pour le mieux et ma platée  rehaussée de deux bouillons cube est un vrai régal. Quelques petites sucreries en guise de dessert et je suis en mesure d’affronter la longue nuit sur ce magnifique plateau à plus de mille mètres d’altitude. Je vais entendre la vie nocturne bruire. Certains cris d’animaux me sont complètement inconnus. C’est plein de curiosité que j’écoute la nuit bruisser,. Le bivouac seul permet une telle proximité de la nature. Les sacrifices d’inconfort sont nettement remboursés par cette osmose avec la nature que l’on vit, seulement séparé par une toile de tente de ce monde sauvage mais discret et fragile.

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Le jour arrive tardivement en ce 10 novembre. Je guette le moment où la lumière sera suffisante pour commencer à plier mes affaires et me faire chauffer du thé pour bouger. Ça y est le top est donné. Bien que ma tente soit petite, les sacoches sont dedans et rapidement chaque chose prend sa place pendant que le thé chauffe. Il ne fait pas froid, vers les degrés. Une brume ténue baigne flotte aux alentours. L’effet est superbe, encore une raison de se laisser aller au bivouac à cette époque. Je prendrais presque mon temps tant je me trouve à ma place dans ce matin calme plein de mystère, où les formes apparaissent de manière floue à travers un léger voile qui se répand horizontalement, laissant le ciel d’un bleu uniforme. Encore une magnifique journée en perspective. Je me couvre de façon adaptée pour partir dans cet air frais et humide, tout en dosant bien le nombre d’épaisseurs pour ne pas avoir froid ni me retrouver en sudation au bout de quelques minutes.

La route prend des airs fantastiques dans ce jeu de lumières entre brumes, ombres et soleil montant lentement, tout en étant toujours caché par le relief à l’est. Je m’arrête à plusieurs reprises pour photographier ce spectacle qui évolue au rythme du soleil qui se fait toujours plus présent.

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Une fois à Mouthe, arrêt dans un bar très accueillant. J’y fais un petit déjeuner copieux tout en discutant avec le propriétaire. Bien calé je reprends la route en direction de Pontarlier en passant le long du lac de Saint-Pons. Encore une journée que l’on peut qualifier d’été indien. Quand je pense que je me demandais s’il était raisonnable de partir à vélo pour un périple de plus de 800 kilomètres à cette époque. La preuve est faite qu’il faut toujours tenter.

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Une fois Pontarlier traversée je tombe sur la piste cyclable qui se dirige vers Gilley. Une vingtaine de kilomètres de plaisir dans un décor d’automne finissant, les teintes perdant leur éclat, les feuilles au sol commençant à s’accumuler par endroits, tout espace encore à l’ombre étant détrempé. De toute évidence les dernières résistances de l’automne cèdent rapidement aux parures de l’hiver que les prévisions météorologiques prévoient pour la semaine à venir. J’ai un peu l’impression de voler une dernière magnifique chevauchée à vélo au cycle des saisons. Cette incertitude  face aux éléments qu’il s’agisse d’intempéries ou du cycle des saisons, le vélo permet d’en ressentir toutes les vibrations et les émotions. Je ne suis jamais tant attentif à l’évolution du temps que lorsque je suis en voyage à vélo. Une sortie à la journée ne permet pas d’éprouver ce lien fort au climat. En effet, il n’y a que l’engagement qui vous pousse à essayer d’anticiper les choix en fonction de l’évolution du temps. Lors d’une sortie de la journée, il est toujours possible de rebrousser chemin ou de forcer sous la pluie pour finir au chaud à la maison, où des habits propres et secs vous attendent. Mais quand l’on sait que la prochaine nuit risque d’être sous tente avec les vêtements que l’on porte, alors les sens se mettent très éveil et les stratégies s’élaborent.

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Oui le voyage à vélo donne une vraie dimension d’aventure  à cette activité. Mais aujourd’hui de toute évidence le temps reste au beau fixe et pas de souci du côté d’une quelconque dégradation à venir. Je traverse de longues zones au relief de moins en moins montagneux, bien que les dénivelés se succèdent de bosse en bosse. La montagne laisse la place à la campagne. Je traverse la ville de Pierrefontaine-les-Varans, lieu d’arrêt lors de la première étape de mon périple. L’horaire me permet de pousser plus loin et j’atteins le village de Sancey-l’Eglise, où je vais trouver un hébergement pour la nuit.

Le dernier jour de mon escapade arrive en une centaine de kilomètres à travers la Haute-Saône je vais rentrer dans les Vosges. Le temps est toujours aussi beau, seuls quelques bancs de brouillard matinaux me donnent quelques sueurs froides pour des raisons de sécurité, malgré mon éclairage assez efficace. Mais en ce 11novmenbre la circulation n’est pas très importante. Rapidement cependant, le soleil réchauffant le sol la visibilité va devenir très convenable. En une belle étape au dénivelé conséquent à travers cette pleine toutes de bosses je vais rejoindre le département des Vosges. Sans perdre de temps après un pique-nique au bord de la rivière l’Ognon, je vais à bonne vitesse gravir les deux cols, des Croix et du Ménil, que le commence à bien connaître.  Vers les 15 heures je suis à Cornimont, après une belle chevauchée de 8 jours sur la route, un jour de randonnée à Chamonix et un cumul de 825 kilomètres et 10500 mètres de dénivelé. La pratique des sorties de ce type avant les froideurs de l’hiver me procure un vif plaisir et je crois bien que je vais repartir dès que possible.

 

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