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En sirotant le « tapaï »… chez les Murut*

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Part II

A propos du débat «  touriste versus voyageur »… je dirais, en relisant ce document vieux de 35 ans, que le voyageur, est plus probablement celui qui ne sait pas où il va dormir lorsqu’il arrive dans un pays – la part d’inattendu, d’imprévu d’aventure nécessaire à tout voyage –  le touriste a prévu :  hôtel et transport… Avec Florent 5 ans et Anh Mei, 3 ans… nous étions voyageurs …

« 4 heures du matin, le propriétaire de l’hôtel soulève son store avec un roulement de ferraille. Avec les premières lueurs de l’aube, la terre humide dégage de longues nappes de brume. La forêt émerge peu à peu de son engourdissement de la nuit. Il fait encore frais sur la terrasse mais bientôt le soleil fera flamber toutes ces couleurs pour animer ce village perdu dans la jungle.

Lorsqu’on se promène en Asie avec de tres jeunes enfants, pas la peine de courir partout pour obtenir des informations, il suffit de s’asseoir sur la place du village et d’attendre. Jamais longtemps. C’est ce que nous avons fait hier soir. Après quelques minutes, nous étions entourés de malais, tous avides de nous connaître et surtout curieux d’élucider le mystère Anh Mei et de sa peau si noire comparée à celle quasiment blanche de son frère. Leur curiosité satisfaite, nous nous enquérons d’un moyen de transport pour le pays Murut. « Lui peut vous conduire » dit aussitôt un jeune malais en pointant du doigt son voisin. « Il a une jeep mais n’osait pas vous le proposer. Et voilà.

Malgré nos craintes de ne pas le voir apparaître le lendemain matin, notre chauffeur-ami nous attend en face de l’hôtel. Dès la sortie du village, la piste de cailloux et de tôle ondulée  serpente à travers l’épaisse végétation. La jeep pique du nez sur les chemins pentus. Eclat insoutenable du soleil, ciel intense, feuilles vernissées séchant leurs dernières gouttes de rosée. De la terre montent des senteurs fortes de végétation en décomposition, de fleurs et d’herbes mouillées, odeurs entêtantes de la terre qui transpire sous le soleil.  Nous pénétrons le monde  mystérieux de la jungle, domaine des animaux et fleurs étranges. « Sabah est un vrai paradis pour botanistes » dit le chauffeur. « On trouve ici les plus grandes fleurs du monde, les plus belles espèces d’orchidées et aussi des plantes carnivores, sorte de fleurs en forme d’urne au fond de laquelle un liquide empoisonné dissout les insectes tombés dans le piège. »

 

                         Blog ota Kinabalu- Sarawak
KK. C’est drole, mais je me rappelais exactement de la robe que je portais ce jour la. En coton bleu ciel. et des sandales a talons compenses (si c’etait la mode en Asie.. deja ou encore..)

 La piste s’arrête brusquement au-dessus d’une rivière limoneuse que nous remontons sur une mince pirogue. Accroupis dans la frêle embarcation de bois, nous glissons lentement sur le fleuve qui reflète de grandes flaques de soleil. C’est le début de l’aventure dans la sombre et secrète forêt équatoriale, domaine des tribus semi nomades qui chassent encore à la sarbacane et vivent dans les maisons communautaires, les « long houses » dans lesquelles s’entassent jusqu’à cent personnes, la population de tout un village.

De l’autre côté de la rive, un village s’anime, des fumées s’élèvent des habitations sur pilotis, des voix montent d’une « long house » en bambou où nous sommes aussitot invités. Le plancher est constitué de minces tiges de cet « arbre à tout faire » disposées à claire-voie au-dessus de la basse-cour où grognent des cochons aux longs poils noirs. Le plancher, mouvant comme un pont de navire est fait de bambou souple et résistant. Des hommes, torses nus, sont accroupis dans un coin de la grande pièce commune, près de grandes jarres en terre cuite, et sirotent le « tapaï » (alcool à base de fleurs de cocotier fermentées) avec de minces tiges de bambou. L’ambiance est  animée et chaleureuse. Des enfants chantonnent, rejoints par les femmes habillées de calicots noirs rehaussés de broderies rouges et parées de boucles d’oreille en argent. Des vieilles femmes sourient de tous leurs chicots, leur poitrine à découvert. Leurs seins vides dégringolent, comme taries par les maternités successives. Elles aimeraient s’approcher, mais intimidées, se contentent de nous regarder en ricanant.

Notre arrivée, loin de perturber la communauté, lui communique une raison supplémentaire de  de manifester sa joie de vivre. La conversation s’engage entre SARAN, une jeune-fille parlant un peu l’anglais, le chauffeur malais et nous : simples formules de politesse, paroles d’amitié et de bienvenue. Les femmes décident de nous faire une démonstration de « lunsanum », une  danse locale. J’aperçois au milieu de la pièce, un renforcement carré, une sorte de trappe au-dessous du niveau du plancher, sur laquelle femmes et enfants descendent un à un.  J’ai l’impression que la trappe va s’effondrer sous le poids des danseurs qui s’entassent et qui, doucement d’abord, puis de plus en plus fort, se mettent à sauter en cadence. Clac-clac, La trappe rebondit et cogne sur de gros bambous posés eux-mêmes sur des chevalets, produisant ce clac-clac rythmé qui accompagne le chant nasillard et monotone des femmes.

Des formes bizarres se balancent au bout de tiges accrochées aux poutres de la toiture, paquets blancs, informes que des femmes poussent au rythme de la mélopée. Des vagissements, des pleurs s’en échappent. Des bébés dorment, ramassés en boule dans ces berceaux de toile.

Pour les Muruts, aujourd’hui est un jour comme les autres, mais au moment de la moisson, la fête dure plusieurs jours, les hommes boivent encore plus que de coutume tandis que toute la communauté chante de vieilles mélodies en hommage à la nature et aux esprits et danse sur les rythmes enchanteurs de la jungle.

Dans les tribus plus éloignées, à l’intérieur de la sombre forêt, des hommes Muruts chassent encore à la sarbacane empoisonnée et pratiquent la culture sur brûlis. Lorsque la terre s’appauvrit, ils vont ailleurs, défrichent un lopin de forêt et reconstruisent un autre village une autre « maison longue ». Le gouvernement malais s’efforce de moderniser les conditions de vie de ces communautés. Il créé à grand frais, des moyens de communication, ouvre des écoles, établit des structures dans les villages, mais en contrepartie, pousse les Muruts à quitter leurs « long houses » et leur vie sédentaire pour vivre dans les villages, Les femmes des tribus facilement accessibles ne vont plus seins nus, à l’exception des très âgées. Dès qu’une forme de civilisation apparaît, les coutumes peu à peu disparaissent, les Muruts finiront par perdre toute leur originalité.

Nous reprenons la piste à pied, en direction d’un autre village. Plus de passeur ou de pirogue pour traverser le fleuve cette fois, seul un pont de liane se balance mollement au-dessus du courant. Deux planches reliées entre elles par des traverses de bois accrochées à des filins d’acier font office de pont suspendu. J’avance au-dessus du vide avec la grâce d’un ours, agrippée aux filins pour ne pas perdre l’équilibre, les yeux rivés aux planches, et balancée de droite à gauche. Le chauffeur et SARAN ont pris Anh-Mei et Florent dans leurs bras. Je les entends rire, ignorant le vertige. De l’autre côté du fleuve, une pancarte rappelle en malais qu’il ne faut pas traverser le pont à plus de 3 personnes !

SARAN, conquise par la blondeur de Florent qu’elle entoure de mille prévenances et caresses, nous invite à rester chez elle tout le temps qu’il nous plaira. Je regarde Pierre, les yeux plein d’envie. « Rien ne nous empêcher d’accepter ». Je le sens aussi tenté par l’expérience, « Mais comment faire pour retourner demain à Tenom ? « Don’t worry j’ai un ami qui doit faire un chargement au village de l’autre cote du fleuve, je lui demanderai de venir vous prendre… » Alors on reste.

 *The Murut were the last of Sabah’s ethnic groups to renounce headhunting. As with the Iban of Sarawak, collecting heads of enemies traditional served a very important role in Murut spiritual beliefs. For example, a man could only get married after he presented at least one head to the family of the desired girl.

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Qui est l’auteur?

michele jullian maleeJe m’appelle Michèle Jullian. J’aime les voyages, la photographie, l’écriture.

Voyager ce n’est pas seulement prendre l’avion ou parcourir la planète, c’est aussi voyager dans les livres, les deux étant l’idéal. Chaque voyage comporte sa part de découvertes et de déconvenues, lesquelles deviennent expériences, à partager ou pas. Voyager est une aventure de chaque instant. Mes repères sont en France et en Thaïlande où je réside « on and off ». J’ai écrit un roman « théâtre d’ombres » qui a pour décor la Malaisie et la Thaïlande …

Découvrez le blog de Michèle, une femme à la croisée des cultures …

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