Brasov, cette vieille cité saxonne du centre de la Roumanie, est renommée entre autres par la fête des Juni, qui a lieu chaque année dans le quartier de Schei. Un quartier peuplé par des Roumains et situé au delà des murs de la cité germanique.
Aux alentours de Pâques, plus précisément le Dimanche de Thomas, habitants et touristes assistent à un véritable spectacle combinant le mythe, le rite du cérémonial et la magie – le défilé des Juni. Réminiscence de l’époque païenne, cette fête très ancienne du printemps, célèbre le renouveau de la nature, le début d’une nouvelle vie. On la retrouve aussi chez les populations pré-grecques, les peuples d’origine romane et nord-germaniques, chez les peuples indo-européens dans leur ensemble.
Les « Juni », ça veut dire les hommes. Les célibataires. Après le mariage, ils deviennent de vieux Juni. Il y a, au total, sept groupes de Juni, organisés d’après le modèle militaire. Les processions des Juni arpentent la ville. Le premier dimanche après Pâques, ils arrivent des montagnes sur leurs chevaux, vêtus tels des chevaliers avec leur monture parée à l’antique, massues à la main, arborant leurs drapeaux de lutte, affirme notre interlocuteur Vasile Oltean prêtre de paroisse, à l’Eglise Saint Nicolas de Brasov : «On dirait des lutteurs défendant la justice et la vérité. Leur arme- une massue – qu’ils lancent au-dessus de la plus haute branche d’un arbre ou encore lors de la « hora », sorte de ronde. Cette coutume était déjà connue du temps de nos ancêtres, les Daces. Après avoir élu leurs chefs, les Juni se réunissent dans un jardin, pendant la nuit. Là, ils se mettent torse nu et se battent avec des bâtons. C’est un jeu initiatique, une sorte de test de vaillance, pareil à celui que devaient subir, jadis, les futurs guerriers».
Dans la nuit de l’équinoxe de printemps, les Juni remontent le vieux chemin menant à l’endroit appelé « Les Pierres de Salomon », où il y aurait existé une cité dace. Le Père Vasile Oltean poursuit l’historique des Juni :
«Au début il n’y avait que le groupe des jeunes Juni. L’expression roumaine semble aujourd’hui pléonastique, june signifiant « jeune ». Mais dans ce contexte précis, le terme désignait tout homme, fût-il jeune ou moins jeune. Plus tard, d’autres groupes allaient se constituer, tel les Vieux Juni, en fait les Juni mariés, les Juni Rosiori, ainsi nommés d’après un bataillon de combattants pendant la Guerre d’Indépendance de 1877, enfin les Juni Albiori. Le bonnet de fourrure et l’étendard portant le portrait du voïvode Michel le Brave, figure de proue de notre histoire nationale, c’étaient les deux signes distinctifs des Juni Albiori».
Ajoutons à cette liste le groupe des Juni dits Brasovecheni, c’est -à-dire du quartier Brasovul vechi, le vieux Brasov, habité par les Roumains venant de Schei, l’autre quartier déjà mentionné.
Les processions des Juni organisées le premier dimanche après Pâques sont, sans doute, les plus connues, mais d’autres coutumes aussi sont liées à ces groupes, précise le prêtre Vasile Oltean :
«Tous les dimanches, ils se rendent à l’un des 64 calvaires que compte le quartier de Schei. Puisqu’ils ont l’air de petites églises, ces monuments ont un saint patron. Alors, le jour du saint patron de tel calvaire, les Juni s’y rencontrent. C’est alors le moment du jeu ancestral- la hora des Juni, sorte de ronde, et du lancement de la massue».
A part cela, les Juni de Brasov respectent les rituels d’un calendrier qu‘ils établissent eux-mêmes, avec, chaque dimanche, un moment de fête.
Aut. Christine Leşcu ; trad. : Mariana Tudose