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Grytviken, la cité du massacre des baleines en Géorgie du sud

Grytviken port de la capitale de l'ile de Georgie du sud

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Dans la grande et belle et sauvage île isolée de Géorgie du Sud subsistent les vestiges de la capitale du massacre des baleines. Grytviken.

Dans tout voyage, dit-on, il y a l’anticipation, le voyage lui-même et les souvenirs.

Grytviken, station baleinière sur l’Ile de Georgie du Sud en Antarctique

J’ai toujours rêvé d’aller en Géorgie du Sud, dans l’Atlantique sud, non loin des éternels frimas blancs et vides que seul le continent Antarctique semble encore pouvoir conserver pour des lustres. En tapotant « Géorgie du Sud » sur Google, je m’extasie sur les photos de froids blancs, de manchots et de phoques, de lions de mer sur fond de glaciers encerclés par des montagnes bleues métallisées.

fjord de Drygalski

Avant de parvenir à Grytviken, le fjord de Drygalski (Photo Michel Margaria)

Bon sang, irai-je un jour à Grytviken ?

Michel, lui, y est allé. Cet ami virtuel, victime du « syndrome austral » et fidèle lecteur de ce blog enchanteur, m’a envoyé des photos et des extraits  de son carnet de bord qu’  » îles lointaines »  va vous servir en primeur. Parti avec son épouse (mollement enchantée, elle)  et sa fille, il décrit cette ville fantôme des confins qui fut jadis la capitale mondiale du massacre des baleines.

De fil en aiguille, de recherches en quêtes, je tombe sur un certain Carl Anton Larsen, un sacré quidam qui a un lien avec Grytviken.

Né en 1860 dans un bled de Norvège, il a la mer dans le sang, le petit Larsen, anticipant sans doute dans sa tête d’enfant des aventures maritimes peuplées de mers hostiles, de vagues géantes et de matelots austères experts en mines patibulaires. Très tôt, il navigue avec son père, va de temps en temps à l’école, rêve de devenir capitaine.

 

 Ile gerogie du sud

Et comme les rêves nourrissent souvent les destins, il devient capitaine et capture des baleines dans le nord de la Norvège. Le temps passe. Plus tard, son navire Antarctic a la mauvaise idée de se faire broyer par les glaces aux abords de l’île Paulet, à 1500 kilomètres de la Géorgie du Sud*. Il y passe l’hiver 1903, se nourrissant de manchots et de phoques avant d’être sauvé par un navire argentin.

En 1904, Il fonde la Compañia Argentina de Pesca et devient probablement l’homme le plus riche des cinquantièmes rugissants hurlants grâce à la pêche à la baleine.

Pêche ?

Peut-on aujourd’hui qualifier de « pêche », l’exercice systématique consistant à transformer ces majestueux mammifères en huile ? De nos jours, on dit massacre,  carnage, boucherie, extermination.

Mais à l’époque, on disait pêche.

Entre 1906 et 1966, la grande et belle île de la Géorgie du Sud a été le terrain de chasse des baleiniers. Cent septante cinq mille deux cent cinquante (175250) baleines ont été zigouillées, des baleines bleues, des baleines à bosse, des cachalots, des rorquals. Dans la foulée, 498’870 éléphants de mer ont également été massacrés, toujours pour de l’huile que les chasseurs mélangeaient à celle des baleines. 

 

Grytviken en 1925Grytviken en 1925 (Carte postale)

Tout cela à Grytviken et dans sept autres stations baleinières éparpillées dans l’archipel. Les baleines pouvaient être transformées en huile en l’espace de vingt minutes. La baie de Grytviken était parfois couverte de carcasses souvent gonflées d’air compressé pour les faire flotter. Du sang partout. Une puanteur extrême, mélangé de chair broyée, de sang, de fumées, d’huile de baleine et de vidange. Un cinéma, une voie de chemin de fer et une église luthérienne norvégienne viennent agrémenter les baraquements des travailleurs, la plupart Norvégiens. A part le travail et les heures supplémentaires, on ne rigole pas à Grytviken. L’alcool est prohibé, les hommes vivent dans des baraquements sinistres et surpeuplés, le typhus s’y invite en 1912. 

Et puis, il fait froid en Géorgie du Sud. Le vent, la pluie, la neige, les changements continuels de temps mettent les organismes à rude épreuve. Utile, le cimetière trouve sa place et accueille 62 travailleurs. Y-avait-il un hôpital ? A ce sujet, mes recherches ont été vaines.

Quoi qu’il en soit, les comptables de la Compagnie et ses actionnaires passent leur temps à se frotter continuellement les mains entre 1906 et 1929. Larsen et sa famille installée sur place itou. La Compagnie fait un profit de 309% en 1910 et les actionnaires augmentent de 243% leur mise du début. Puis vient 1929. La Dépression sauve les baleines de l’extermination totale. Les affaires périclitent. Finie la rigolade.

Après, grosso mode, rien ne va plus. A la fin des années 50, l’industrie s’effiloche. Les stations ferment les unes après les autres. Celle de Grytviken ferme le 15 décembre 1965. J’avais sept ans.

J’avais donc l’âge de raison et n’allais pas tarder à lire Moby Dick. Laquelle lecture m’a permis de rêver et donc d’anticiper. Et l’anticipation aurait dû me mener à l’action. Mais l’action a décidé – pour le moment – d’aller voir ailleurs si j’y étais. Et je m’en fus ailleurs. C’était bien aussi.

Mais Michel y est allé, près de 40 ans après la fermeture de la capitale du massacre des baleines. Les visiteurs occasionnels ont remplacé les chasseurs, la nature a repris ses droits, les usines rouillent. Mais le spectacle est grandiose. 

 manchots salisbury plain

Manchots quelque part en Géorgie du Sud (Salisbury Plain). (Photo Michel Margaria). 

L’approche des côtes de la Géorgie du Sud est encore plus fantastique, le soleil a laissé place à la pluie et par moment à la neige qui tombe à l’horizontale. Les îles sont enveloppées d’un brouillard qui leur donne un aspect fantomatique, un air de Jurassic Park ou de l’île de King Kong, version subantarctique.

Le vent cingle les téméraires, dont Michel, qui sont restés sur la passerelle.

Découverte de Grytviken en commençant par le cimetière, nous débarquons juste devant parmi quelques otaries. Il pleut, le site semble triste à mourir, certains l’ont fait visiblement et reposent ici. Les baleines et les phoques sont venus se faire massacrer dans ce lieu sinistre. C’est la tradition chez les British d’aller porter un toast sur la tombe du « boss » (le surnom de Sir Ernest Shackleton) qui repose ici et de verser le contenu du verre au pied de la stèle. Le whisky est de circonstance (…).

 Grytviken os de baleine

Os de baleines (Photo Michel Margaria)

J’ai visité l’installation de l’usine,  seul,  pour m’imprégner de l’ambiance (…). Je suis frappé par l’étendue du site beaucoup plus important que je m’étais imaginé au travers des lectures et des photos. Il aura fallu une sacrée logistique pour transporter ces imposantes machines au bout du monde.

Michel a longuement anticipé ce voyage. Il y est. Il lui restera les souvenirs. Il lui reste les souvenirs

La chapelle Luthérienne est dans un état de conservation remarquable ; je remarque un très joli harmonium. Je sonne un coup de chacune des deux cloches, un grand frisson dans l’échine, l’impression de réveiller bien des fantômes.

 Grytviken chapelle lutherienne

L’Eglise luthérienne de Grytviken (Photo Michel Margaria)

Bien entendu, j’en suis au stade de l’anticipation. Et je me pose une première question. Pourquoi vouloir aller à Grytviken, verser du whisky sur des tombes, fouler des terres abreuvées de sang, sonner les cloches pour réveiller les fantômes, m’imprégner de l’existence torve de ce Larsen qui aura fait fortune en pêchant exterminant des centaines de milliers de baleines ?

Deuxième question : pourquoi ne pas vouloir y aller, malgré tout ?

 Grytviken

La ville fantôme de Grytviken en 2010 (Photo Michel Margaria)

 

 * En fait, dans le texte premier, j’avais mentionné que l’île de Paulet se situait non loin de la Géorgie du Sud. Erreur qui n’a pas échappé à l’oeil de lynx de Michel, qui m’a aimablement informé, moi le géographe, que l’île Paulet se situe en fait à 1500 kilomètres. Comme quoi il faut toujours vérifier. 

 

Le site de Michel, French Polar Team, dans lequel on peut voir des photos de Grytviken.

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