Circuler dans les grandes villes européennes et plus encore dans les capitales est toujours une épreuve… Mais qu’en est-il à Bucarest ? Un des effets de la crise, c’est une raréfaction relative des véhicules dans les rues toujours encombrées de la capitale roumaine.
Ici, c’est bien simple, les heures de pointe, c’est tout le temps. C’est aussi une histoire de mentalités. Conduire, les Roumains ne s’en lassent pas. Au fond, avoir une voiture n’est conjugué de manière démocratique qu’au passé récent. Le covoiturage ? Le mot n’existe même pas, c’est qu’il n’y a pas besoin de le créer en roumain. C’est chacun pour soi dans son véhicule, pour bien se montrer à ses voisins et connaissances notamment. En été, si peu de Roumains partent en vacances, au moins ceux qui conduisaient leurs enfants à l’école n’y vont plus. Les universités sont, elles aussi, fermées. Cela devrait alléger quelque peu le trafic. Or, parfois, il n’en est rien. Car la municipalité fait tous les grands travaux en cette même saison. Et il y a même une explication : le budget d’Etat est voté tard, les appels d’offres, pour autant qu’il y en ait, sont organisés à peine après, et les travaux commencent inévitablement… en été. On ne sait jamais combien ça va durer. Mais comme les étés à Bucarest sont plutôt à 36°, l’envie de travailler des ouvriers décroît à mesure que les températures montent. Les délais sont rarement tenus, d’habitude cela passe par des procès, et pendant ce temps, les travaux sont à l’arrêt. Le trafic, lui, est toujours là, éprouvant durement les nerfs des conducteurs. Et le conducteur roumain, comment est-il ? Portrait-robot.
Le chauffeur à éviter a moins de 25 ans, il conduit un véhicule puissant, dont la cylindrée dépasse les 2000 cmc, et il est titulaire d’un permis de conduire depuis moins de 5 ans. Ce sont les éléments ressortis d’une étude réalisée par le Collège des Psychologues et la Police routière roumaine, disponible depuis quelques jours. Si vous le rencontrez, il est préférable de le laisser passer. Les moins de 25 ans déclarent aimer l’adrénaline au volant, tandis que les possesseurs de bolides estiment que ces derniers permettent des manœuvres risquées, lire des écarts aux règles qui normalement devraient être respectées par tout le monde. Conduire à Bucarest n’est jamais monotone. Cela donne des sueurs froides à tout conducteur de province, depuis des lustres. Il se trouve toujours des propriétaires de véhicules puissants qui font spectacle sur la voie publique : les slaloms à grande vitesse et que l’œil d’un chauffeur rangé peut difficilement suivre sont considérés des épreuves de force. Vous l’aurez compris : la limite légale de déplacement en ville est pour eux un caprice de la Police routière, à violer sans modération. Un chauffeur sur cinq reconnaît qu’il aime la vitesse et plus de la moitié ne trouve pas grave de dépasser la limite légale de 10-20 km-h. Sur les 3900 accidents enregistrés depuis le début de l’année, près de 900 étaient causés par la vitese excessive. « Ce sont les 18-25 ans qui commettent le plus grand nombre d’événements routiers », déclare le commissaire chef Lucian Diniţă, chef de la Police routière. Si un chauffeur sur 7 admet qu’il a un style de conduire assez agressif, plus de trois quarts affirment qu’ils ont été agressés dans le trafic les six derniers mois, ne serait-ce que par des coups de klaxon. Et la moitié – par des gestes menaçants ou obscènes. Un tiers des chauffeurs ont grillé le feu, ont doublé de manière hasardée ou sans clignoter. Plus de la moitié des chauffeurs ne se sentent pas en sécurité sur les routes.
Les Roumains qui prennent le volant entretiennent des rapports de douce amitié avec la dive bouteille. Alors qu’en Roumanie, la tolérance de l’alcool au volant est de 0%, un tiers des sondés considèrent que prendre une bouteille de bière d’abord, et le volant ensuite ne diminue pas leur capacité de conduire en sécurité. Un chauffeur sur quatre a déjà conduit sous l’influence de Bacchus. L’alcool au volant a été la cause de plus d’une centaine d’accidents graves depuis le début de l’année – en baisse d’un quart par rapport à l’année dernière. Et ils se sentent en droit de le faire. Car « la Roumanie est le seul état qui ne sanctionne pas l’état d’ébriété », dit Lucian Diniţă, qui insistera pour faire changer cet état de choses. Les Roumains n’apprécient pas non plus le port de la ceinture de sécurité – obligatoire en Roumanie -, car elle les dérange ! En fait, précise le commissaire, 97% des chauffeurs ne se souviennent des règlementations en vigueur que par ouï-dire ou pour avoir vu des reportages à la télé. Un quart des chauffeurs croient que des sanctions, mais aussi des tests plus sévères suite à une amélioration de l’instruction dans les auto-écoles serait de nature à solutionner les problèmes de trafic. Il faudrait aussi s’assurer que les amendes soient payées. Or 80% ne le sont pas, actuellement, car la législation est permissive.
Un bloggeur roumain qui ne manquait pas d’humour a synthétisé les règles de circulation à Bucarest. La première, c’est qu’il n’y a pas de règles ! Toute portion d’asphalte inoccupée est une place de park idéale, où qu’elle soit, même au sortir d’un garage. En plus, à Bucarest, toute la signalétique routière s’adresse exclusivement aux chauffeurs de province !
Ligia Mihăiescu