La porte de Magda Szabo est un roman de la littérature hongroise qui raconte une histoire d’amitié et de trahison, ainsi que l’incapacité du pardon et le prix des conséquences de certains choix . Une relation très étrange, qui ne manque pas de susciter chez l’auteur, Magda Szabo une remise en cause douloureuse…
La porte ; beau récit qui fit connaître Magda Szabo en France
Emerence Szeredas est une femme de ménage très particulière : elle exige de ses futurs employeurs de sérieuses références, décide elle-même du montant de ses gages, vient travailler aux horaires qui lui conviennent, et fait la pluie et le beau temps chez ses patrons. Pourtant, parce qu’ils ont vraiment besoin de ses services, Magda Szabo et son époux font appel à elle. Entre la romancière et Emerence, les relations, d’abord distantes, deviennent progressivement intenses et houleuses. Leurs personnalités respectives sont telles que la domestique prend très vite le pas sur sa patronne, lui impose ses goûts (discutables) en matière de décoration intérieure et ses jugements à l’emporte-pièce sur tous les sujets. Si son intelligence aiguë fascine Magda, ses façons de voir iconoclastes la rendent souvent perplexe, quand elles ne la mettent pas en colère. Emerence récuse tout intellectualisme, méprise le métier de ses patrons qui ne travaillent pas de leurs mains, et tourne en dérision la politique et la religion. Or, son athéisme vindicatif , loin d’être issu d’une réflexion nourrie, n’a pour origine qu’une vexation endurée à l’église protestante, lors d’une distribution de bienfaisance… Sa conception de la bonté suscite aussi le malaise : elle ira jusqu’à faciliter le suicide d’une amie, en pensant agir au nom de l’amitié.
Cette relation ancillaire hors norme suscite chez la romancière une remise en cause douloureuse. Au contact d’Emerence, ses certitudes vacillent. Ne pèche-t-elle pas par excès d’intellectualisme, et Emerence n’a-t-elle pas fait le choix de la vraie vie, de l’amitié et de la solidarité, alors qu’elle-même est si réservée et si peu sociable ?
Quoi qu’il en soit, c’est un personnage hors pair que cette Emerence. Travailleuse acharnée malgré son âge avancé, en plus de ses engagements chez des particuliers, elle est la concierge de son immeuble. Toujours active, elle vient au secours des malades et des âmes en peine du quartier, recueille les chats errants. Cette femme revêche, qui feint de n’avoir besoin de personne, se rend indispensable aux autres, se posant ainsi au centre de leurs existences. Impossible de garder une distance saine : avec elle, c’est tout ou rien. A l’inverse, cette âme farouche se refuse à rien révéler d’elle-même, et la porte de son appartement de fonction est fermée à tous. Un jour, pourtant, elle ouvre à Magda cette porte d’entrée, et l’invite à entrer chez elle. Elle lui ouvre aussi la porte vers son enfance, et vers un passé bien plus honorable qu’on ne le croirait. Leurs relations deviennent plus confiantes et plus détendues.
Mais, lorsqu’Emerence devient gravement malade, et recluse chez elle, et que Magda n’aura d’autre choix, pour la sauver, que de faire forcer sa porte, son amie ne lui pardonnera pas cette trahison. Longtemps après, l’auteur restera tourmentée par les conséquences de ses actes…
Un très beau récit, personnel et poignant, qui a reçu le prix Fémina, et a permis de faire connaître aux lecteurs français l’oeuvre de Magda Szabo.
Autres avis : Danielle Sallenave (CNL), Pascale Arguedas, Emmanuelle Bal (LMDA),Livres et lectures, Nicole Maion, Critiques libres
La porte de Magda Szabo Editeur : Viviane Hamy – Broché Prix Fémina 2004 – 276 pages ISBN-13: 978-2878582000