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Le chat : un animal persécuté au cours des siècles – de l’Inquisition à la poubelle

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Le chat, animal mythique, mais aussi animal longtemps persécuté surtout pendant la période de l’Inquisition…. Si le chat est aujourd’hui considéré comme un animal domestique qui attire la sympathie, force est de constater qu’il n’en fut pas de même au cours des siècles. Le Traité Rustica du chat est une bonne base d’informations à l’adresse des amoureux des chats…

 

Il a beaucoup été question de chats sur la toile ces jours derniers, depuis la diffusion d’une vidéo montrant une certaine Mary Bale, citoyenne britannique de Coventry, jetant sans raison dans une poubelle un chat qui s’était laissé approcher avec confiance, sur la voie publique. Cet acte, d’une cruauté gratuite, a soulevé une légitime indignation, d’autant plus vive qu’Outre-Manche, les animaux domestiques jouissent d’une particulière sympathie. Les Anglais ne voient-ils pas en nous, Français, des « sauvages » capables d’afficher le lapin à nos menus, ce dernier étant, chez eux, considéré comme un animal de compagnie, au même titre que le chat ou le chien ?

L’attitude de Mary Bale, qui, tout en s’étant excusée du bout des lèvres et sous la pression médiatique, ne semble pas trouver son geste si grave (« Je pensais que c’était drôle », a-t-elle même avoué !), appartient à ce que Flaubert appelait « l’imbécilité triomphante ». Les menaces de mort qu’elle a reçues, alors que sa victime, nommée Lola (laquelle ressemble beaucoup à mon chat Kenzo), a heureusement pu être sauvée après avoir passé quinze heures enfermée, en relèvent tout autant. Laissons donc cette «bonne dame» à ses frustrations présumées et à l’enquête que la SPA locale diligente contre elle. Son anonymat lui tenait, jusqu’à présent, lieu de paravent ; sa célébrité soudaine, son entrée dans le cercle assez fermé des « personnes les plus haïes du Royaume-Uni » et une récente vidéo parodique finiront bien par lui faire prendre conscience l’ineptie de son méfait.

Prenons plutôt exemple sur les chats eux-mêmes, qui ne se montrent guère rancuniers envers les humains. Car, si les Egyptiens les célébraient pour leur beauté qu’ils tenaient pour quasi mystique (on a même retrouvé dans des tombeaux des momies de chats), les Européens furent bien près de les faire disparaître du continent, par voie de massacres successifs. La responsabilité en revient en grande partie à l’Eglise et à l’obscurantisme qu’elle entretint durant toute la période médiévale, en voyant dans le chat une incarnation diabolique. La pupille verticale de ses yeux milita peut-être en sa défaveur, puisque cette particularité se rencontre aussi chez la vipère – et l’on sait le rôle que la Bible attribua au serpent dans la Genèse ! Il n’empêche, l’attitude de la Chrétienté du Moyen-Age vis-à-vis de ces bêtes inoffensives relève de l’hystérie la plus irrationnelle, fondée sur la création de bouc-émissaire et la volonté politique de terroriser les fidèles.

C’est par une bulle du pape Grégoire IX, en 1233, que le chat fut déclaré « serviteur du Diable », probablement en raison de son appétit sexuel et de ses longues périodes de sommeil diurne : paresse et luxure, le mélange explosif au regard de la «morale» était tout trouvé ! A la même époque, il lui fut tout naturellement attribué un rôle de premier plan dans les actes prétendus de sorcellerie. Au début du XVe siècle, Innocent VII intensifia la persécution des chats, suivi, en 1484, par Innocent VIII qui imposa que les « sorcières » fussent livrées par l’Inquisition au bûcher avec leurs félins favoris – lesquels faisaient l’objet de très ubuesques procès ! Car, bien entendu, aux yeux de ces hommes d’Eglise, la femme et le chat constituaient deux cibles fâcheusement complémentaires, à diaboliser en priorité… Les chats noirs furent, plus que les autres, assimilés au Malin – à moins que leur robe ne comportât une tache blanche sur le poitrail, appelée « marque de Dieu », détail lourd de signification quant à l’alliance du fanatisme religieux et de la superstition. L’extermination par millions de ces animaux eut une conséquence inattendue selon beaucoup d’historiens : la grande épidémie de peste noire qui ravagea toute l’Europe dès la fin du XIVe siècle eut sans doute été moins importante et moins longue si l’on n’avait pas ainsi fait disparaître les prédateurs naturels du rat.

Il faudra attendre l’Humanisme de la Renaissance pour voir les persécutions de chats s’estomper progressivement, mais ce n’est vraiment qu’à partir du règne de Louis XV que l’on se résolut à accorder à ces animaux charmants la tranquillité qu’ils méritaient. Le XIXe siècle les réhabilita grandement. Certains papes (notamment Léon XII et Pie IX) affichèrent un réel amour des chats ; en outre, on ne compte plus les artistes qui en firent des compagnons et les célébrèrent. Théophile Gautier, qui disait d’eux qu’ils étaient « les tigres des pauvres diables », leur rendit un vibrant hommage dans un beau recueil de textes animaliers, Ménagerie intime. Quant à Baudelaire, qui les adorait, il en laissa un portrait inoubliable dans un sonnet des Fleurs du Mal : « Ils prennent en songeant les nobles attitudes / Des grands sphinx allongés au fond des solitudes, / Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ; / Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques / Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin, / Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques. » On ne peut enfin évoquer les chats des trois derniers siècles sans penser à Chateaubriand, à Mallarmé, à Malraux, à Colette, à Léautaud, à Camus ou à Marcel Aymé. Belle réunion de plumes et de griffes.

A l’attention des lecteurs que le chat intéresse (on compte neuf millions de ces animaux en France aujourd’hui), je recommanderai volontiers Le Traité Rustica du chat (Rustica éditions, 447 pages, 32 €). Cet ouvrage, abondamment illustré, se révèle fort utile, non seulement parce qu’il présente les différentes races félines, mais aussi par son approche pédagogique qui facilitera à tous la compréhension du chat et de sa psychologie. Le mot de la fin ne pouvait toutefois revenir qu’à Jean Cocteau, auteur de ce bel aphorisme : « J’aime les chats parce qu’il n’existe pas de chats policiers. »

Illustrations : Kenzo dans ma bibliothèque, photo T. Savatier.

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