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Le commerce en Europe du nord-ouest au haut Moyen Âge

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À partir du VIIe siècle, l’Europe occidentale connaît un essor économique dans ses régions septentrionales,
succédant à la Méditerranée comme centre de gravité économique. C’est ce basculement, du sud vers le nord, que nous explorons ici.


Le commerce en Europe du nord-ouest au haut Moyen AgeDepuis le IIIe siècle, l’économie du monde romain connaissait des difficultés, à commencer par sa régression démographique importante. Les échanges se contractent et, pour ne rien
arranger, une épidémie de peste frappe les régions méditerranéennes au Vie siècle. Enfin, en Europe du nord, la transgression dunkerquienne se traduit par une montée des eaux qui fait
reculer l’habitat côtier. La Méditerranée cesse progressivement d’être le centre économique qu’elle avait été jusqu’alors. La relève est prise par une autre région.

« La chiquenaude initiale tombée du ciel »

La reprise économique a lieu dans le nord-ouest de l’Europe, à partir du VIIe siècle. L’un des éléments d’explication de l’essor
économique de la région tient sans doute à la « chiquenaude initiale tombée du ciel » [1] pour reprendre l’expression de Robert Fossier. En effet, le réchauffement du climat au VIe s
entraîne la fin de la montée des eaux et, donc, la disparition des marais dans les régions du nord de l’Europe, et en particulier en Frise. Cette amélioration climatique favorise les exploitants
agricoles de la région qui font paître leurs troupeaux sur les prés salés.

La Frise, c’est cette région située à l’époque en Belgique actuelle et en Allemagne du nord jusqu’à l’embouchure de la Weser. C’est
le dynamisme des marchands frisons qui explique principalement le basculement du centre économique de l’Europe méridionale à celle du nord. Les Frisons sont un peuple d’origine germanique. Ils se
montrent excellents marins et, d’ailleurs, la mer du nord est appelée à l’époque « mer des Frisons ». Ce sont eux qui dominent le commerce en mer du nord. Un texte datant de 753
mentionne la présence de marchands saxons et frisons dans les foires du royaume franc. Des colonies de marchands frisons existent aussi à York et à Birka, en Suède. Ce sont aussi les Frisons qui
prennent en charge, avec les Saxons, les échanges avec les régions situées à proximité de la Mer Noire.

Un autre élément pouvant expliquer ce dynamisme réside dans la stabilisation, au cours du VIe siècle, des différents royaumes
germaniques, francs et anglo-saxons, qui sont nés de la migration et de l’installation des peuples « barbares » dans l’empire romain. Cette stabilisation a permis d’assurer la paix des
échanges.

Les routes commerciales unissent la Gaule franque, les îles britanniques, la Baltique et la Scandinavie. Sont importés sur le
continent des fourrures et des produits textiles principalement, mais aussi de l’ambre, des métaux – fer et argent – et des esclaves. Les exportations concernent le blé et le vin qui sont
transportés dans des céramiques, des poteries, des jarres et des amphores, ainsi que de la verrerie et des armes. Les Frisons exportent aussi de la laine, leur principale richesse provenant des
ovins paissant sur les prés salés de leur région. Sel et poisson sont également des denrées très prisées.

Quentovic : un passage incontournable

Ce commerce ne se pratique pas seulement sur les mers mais aussi sur les fleuves, en particulier le Rhin. Les établissements
portuaires connaissent une forte activité. On les appelle des « vics », qui vient du latin vicus, qui signifie au départ « quartier de ville » ou « bourg »
et qui prend alors le sens de port, maritime ou fluvial. Cela se traduit dans la toponymie : les noms se terminant en vic, wich ou wik viennent de là :
Quentovic (en France), Hamwich (future Southampton), Sandwich, Ipswich, Fordwich (en Angleterre), Bardowick (sur l’Elbe)… D’autres ports importants animent les échanges : Dorestad et
Duisbourg sur le Rhin, Londres et York en Angleterre, Ribe au Danemark… Et comme le fait remarquer Yann Coz, les « similitudes entre les vics témoignent de la constitution d’un espace
commercial unifié ». [2]

Dans les années 1970, des fouilles archéologiques ont permis de reconstituer, en image numérique, le port de Dorestad. Celui-ci se
caractérisait par ses pontons en bois sur lesquels étaient chargés ou déchargés les navires. Ces pontons étaient prolongés au fur et à mesure que le cours navigable du fleuve s’éloignait de la
rive en raison du phénomène d’alluvionnement, et ce jusque dans les années 870.

Quentovic était le principal vic entre Manche et mer du Nord. Situé dans l’estuaire de la Canche, il doit son développement à la
présence de marchands non pas frisons mais saxons. En outre, la zone, sableuse, était particulièrement adaptée aux navires à faible tirant d’eau utilisés par les Germains. L’essor de ce port en a
fait, de la fin du VIIe au IXe siècles, une étape incontournable du commerce entre Angleterre et continent.

En matière de monnaie, un changement important a lieu. Jusque vers les années 670, les pièces d’or étaient encore en circulation.
Issues de l’empire romain, elles portent, au cours du VIIe siècle, le nom de l’atelier qui les a frappées. Puis, vers la fin du VIIe siècle, la monnaie d’or disparaît. Ce changement traduit aussi
le basculement de l’économie du sud vers le nord. En effet, le commerce des biens de luxe en Méditerranée ayant décliné, et les produits lourds étant privilégiés en Europe septentrionale, l’or
s’adapte mal à la faiblesse de la valeur des transactions. Il est donc remplacé par des monnaies d’argent, en particulier celle frappées par les Frisons dès 650 et appelées sceattas. On
en a retrouvé des quantités auprès des grands ports, tant en Frise qu’en Angleterre ou au Danemark, ce qui témoigne, là encore, de l’existence d’un espace commercial unifié. Dans le royaume des
Francs, Childéric II, vers 670, institue une nouvelle unité monétaire, en argent, le denier, qui constitue la base du système monétaire médiéval.

Déclin du commerce méditerranéen, évolution de la monnaie, nouvelles routes commerciales animées par les Frisons… Ce basculement, à
partir du VIIe siècle, de l’axe des échanges commerciaux du sud vers le nord exprime parfaitement le passage du monde antique au monde médiéval.

Aller plus loin :

COZ, Yann, « Au nord, c’était les marchands », in L’Histoire, avril 2012, n° 374, pp. 28-29.

LEBECQ, Stéphane, Marchands et navigateurs frisons du haut Moyen Âge, Lille, Presses universitaires de Lille, 1983, 2
volumes.

LEBECQ, Stéphane, Hommes, mers et terres du Nord  au début du Moyen Âge, Villeneuve d’Ascq, éditions du Septentrion,
2011, 2 volumes.

La carte illustrant l’article est extraite de L’Histoire, avril 2012, n° 374, p. 29.


[1] Cité par GAUVARD, Claude, La France au Moyen Âge, du Ve au XVe siècle, Paris, PUF, « Quadrige », 2004, p. 24.

[2] COZ, Yann, « Au nord, c’était les marchands », in L’Histoire, avril 2012, n° 374, p. 28.

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