Critiques de livres et livres de voyage
Le Rouge et le Noir de Stendhal : Julien Sorel ou les chemins de l’ambition
Le Rouge et le Noir de Stendhal. Un monument de la littérature française du XIXème siècle ou l’histoire d’un jeune homme modeste, prêt à tout pour servir ses ambitions sociales…
“Le rouge et le noir” est une relecture, comme celle du “Lys dans la vallée” de Balzac, une relecture qui m’a emportée dans un univers dont je ne me lasse pas: l’écriture d’un XIXè siècle où les passions amoureuses sont exaltées et délicieusement compliquées, où les personnages sont extrêmement fouillés et complexes, où la société est décortiquée avec subtilités et humour parfois, ironie souvent.
Julien Sorel est un personnage ambigu: entre l’ambition sociale (qu’il enrage d’être issu d’un milieu paysan) et amoureuse (les femmes semblent être un moyen de parvenir au statut désiré), il se perd dans les calculs et les stratégies les plus cyniques jusqu’au jour où il est pris à son propre piège, l’amour le frappe, le tourmente pour le faire succomber et prouver que,malgré ses divers artifices, il est un homme sincère et émouvant (il est épris d’une superbe enquiquineuse, pour ne pas dire ch…se). Quant à Mme de Rênal et Mathilde de la Mole, elles incarnent deux visions de l’amour complémentaires par leurs différences: la première a la tendresse maternelle, la délicatesse des sentiments proche d’une certaine intellectualisation de l’amour; la seconde est l’image de la passion la plus extrême et la plus intransigeante…la terre et le feu, l’alpha et l’oméga du parcours amoureux d’un jeune homme hanté par la peur de n’être rien.
Stendhal explore avec un art consommé, les ficelles d’un déroulement romanesque abouti, complexe tout en opposition (Paris/Province, la noblesse/la roture…) et en symétrie trompeuse: la correspondance amoureuse qui, par deux fois, foudroie l’ascension de Julien, les prémonitions, les répétitions de situations. Les interventions et commentaires du narrateur/auteur omniscient (la frontière est souvent très mince), exprimant des vérités et portant sur le personnage principal un regard à la fois tendre et critique (du coup, l’adhésion du lecteur est largement assurée), les monologues intérieurs des personnages apportent à la structure narrative une dimension réaliste indéniable.
“Le rouge et le noir” est aussi un grand roman d’initiation: le lecteur suit le parcours de Julien du début jusqu’à la fin de son évolution, de son histoire, au gré des rencontres avec ses différents mentors (le vieux médecin militaire, le curé Chélan, l’abbé Pirard) : il vit le conflit entre ses aspirations, ses idées philosophiques, politiques, et les réalités de la société dans laquelle il évolue, provoquant désillusion amertume et désenchantement. La révolte de Julien contre la société, répressive, issue de la Restauration est comme le chemin de la quête de l’amour qui s’achève lorsqu’il renonce à ses ambitions, vaines et stériles, pour affronter sa fin tragique. Son côté égoïste, roué est adouci par sa grande sensibilité, sa passion (ah!!! le portrait de Bonaparte jalousement caché et pieusement regardé!) et la sincérité qui s’en dégage et amène le lecteur à éprouver de l’empathie lors de ses espoirs, ses déboires et ses malheurs.
Lorsqu’on ferme “Le rouge et le noir” c’est un voyage au coeur des passions humaines qui s’achève pour mieux être revécu lors de la prochaine relecture! Un roman de chevet qui repose depuis plus de vingt ans sur les étagères de ma bibliothèque et que j’ai eu un immense plaisir à relire.
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Un petit exercice de lecture comparative que j’ai fait tout à fait para hasard, j’ai lu dans la même période “Le rouge et le noir” et ‘L’histoire d’Henry Esmond” de WM Thackeray”. Etonnant comme on peut dégager des points de convergence entre ses deux oeuvres.