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L’École du plaisir : jeux interdits ; regard sur le système éducatif nippon

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plaisirsinterditsplaisirsinterdits1Avec L’École du plaisir : jeux interdits, film qui s’inscrit déjà dans le crépuscule d’un genre qu’il a peu à peu fini par délaisser pour s’inscrire dans un cinéma plus mainstreambien que tout aussi personnel – à l’orée des années 80, Kumashiro abandonne les quartiers de la prostitution chers à Sayuri Strip-teaseuse (Ichijo sayuri : nureta yokujo, 1972) ou les milieux ouvriers de La femme aux cheveux rouges (Akai kami no onna, 1979), pour une incursion dans le système éducatif nippon…

L’école du vice.

Si l’on consacre unanimement Kumashiro comme un cinéaste hors catégorie dans l’univers polymorphe du roman porno Nikkatsu, c’est avant tout en raison des qualités “auteuriales” de sa mise en scène, lui conférant une filiation non usurpée avec la nouvelle vague française. Hideo Nakata le compare même volontiers à Renoir, dans son approche de la direction d’acteurs [1], élément primordial de sa singularité. Mais si l’auteur, préférant le naturel du plan-séquence à l’esthétisme du gros plan, est souvent admiré pour sa description naturaliste et vériste des rapports intimes, il n’est que plus rarement distingué pour son humour et sa veine satirique anti-conformiste.

Avec L’École du plaisir : jeux interdits, film qui s’inscrit déjà dans le crépuscule d’un genre qu’il a peu à peu fini par délaisser pour s’inscrire dans un cinéma plus mainstreambien que tout aussi personnel – à l’orée des années 80, Kumashiro abandonne les quartiers de la prostitution chers à Sayuri Strip-teaseuse (Ichijo sayuri : nureta yokujo, 1972) ou les milieux ouvriers de La femme aux cheveux rouges (Akai kami no onna, 1979), pour une incursion dans le système éducatif nippon si prompt à dresser l’étendard de ses qualités pédagogiques et morales aux yeux de la nation. Comme souvent chez Kumashiro s’entrechoquent plusieurs personnages et tranches de vies, qui tout en créant des correspondances, se complètent dans l’illustration du propos de cette gauloiserie ; même si le métrage se concentre sur le parcours de sa jeune héroïne, une lycéenne modèle issue d’une famille bourgeoise.

A travers les péripéties vécues par Sachiko (Ayako Ôta), jeune ingénue qui découvrira de façon brutale l’éveil d’une sexualité bourgeonnante, c’est de l’innocence pervertie que l’auteur nous parle sous couvert d’une rocambolesque farce, dont l’humour rabelaisien dissimule une charge satirique envers les valeurs traditionnelles de l’éducation. On l’oublie parfois, mais le cinéma de Kumashiro a toujours été d’une subtilité subversive manifeste. Anti-moraliste et anti-autorité, Kumashiro embrasse avec conviction ces deux valeurs issues d’un profond rejet pour la tyrannie paternelle et le milieu traditionnel dont il est issu. Même dans une comédie truculente d’aspect anodin telle que L’homme-femme (Monzetsu !! donden gaeshi, 1977), avec laquelle ce film partage un sens de l’outrage burlesque inouï, il tourne en ridicule un fils à papa fraîchement sorti de Tôdai  devenant l’amant proxénète et travestit d’un yakuza après s’être fait violer par celui-ci. Pour ces êtres privilégiés préservés des affres de la dure réalité sociale, Kumashiro, s’il n’éprouve aucune animosité, se moque souvent avec ironie de leur sort, à l’image de la cruelle désillusion vécue par le jeune efféminé à la fin de L’homme-femme.

Adaptant un manga pour adultes de Michio Hisauchi, Kumashiro fait de nouveau appel au brillant scénariste de La femme aux cheveux rouges, Haruhiko Arai. Ici, ce sont manifestement les valeurs éducatives et familiales, servant d’alibi aux penchants lubriques d’hommes prompts à se satisfaire en toute situation, qui trinquent. Alors qu’une classe entière moque le salut traditionnel de rigueur, la punition de la jolie Sachiko, aux lèvres délicieusement rondes comme des joues d’abricot, se transforme en viol doublé de châtiments corporels faisant un usage inventif d’accessoires du laboratoire de chimie, où celle-ci est consignée. Dans la séquence la plus exagérément outrancière et comique du film, Kumashiro use d’un humour de situation devenant particulièrement corrosif et cruel, infligeant les pires sévices à sa sujette, sous le seul prétexte qu’elle a eu des pensées licencieuses. Il y a cependant une légèreté, tant dans la narration que dans la description des personnages, qui confère au métrage un côté récréatif, empêchant l’attribution au film d’une place de choix dans la filmographie de Kumashiro ; à l’instar d’œuvres à l’intériorité plus développée. Mais celui-ci n’en oublie pas pour autant de traduire la faiblesse et l’hypocrisie des hommes, récurrente chez l’auteur, qui demeurent esclaves de leurs pulsions. Qu’ils soient ouvriers ou respectables pères de famille, l’homme reste “unidimensionnellement” aliéné par son désir primal chez Kumashiro. Loin de l’épaisseur, du détachement et de l’intensité émotionnelle d’un Renji Ishibashi dans La femme aux cheveux rouges, les hommes de L’École du plaisir : jeux interdits ne sont au fond que de misérables pervers, à l’image de l’époux de Sumiko (Junko Yamashita), demandant à un homme de se déguiser en cambrioleur masqué pour violer sa femme et vérifier si elle jouit autant qu’avec lui. Le malheureux se faisant finalement prendre à son propre jeu.

Unis sous le signe du mensonge, les hommes trouvent alors les prétextes les plus fallacieux pour pervertir l’innocence de l’adolescente Sachiko. De ses professeurs prétextant un besoin urgent pour l’assaillir de leur turpitudes, en passant par son propre paternel vérifiant sa virginité (d’une façon fort cocasse) sous les yeux de son épouse par souci de transparence, au charlatan hypnotiseur l’entraînant à se dévêtir pour finir par s’offrir à lui devant un parterre d’inconnus ; les protagonistes de cette farce ironique offrent un spectacle cynique et immoral de la nature humaine. Kumashiro s’amuse de façon décousue à nous livrer des tranches de vie, certaines jubilatoires (le viol répété de Sachiko par ses professeurs) et d’autres plus convenues. On regrettera par ailleurs que le fidèle chef opérateur et alter ego, Shinsaku Himeda ayant quitté le maître après Dan no ura, battaille sur l’oreiller (Da no ura, yomakura kassenki, 1977), soit parti monnayer son talent auprès d’Imamura (La vengeance est à moi, Eijanaika) ou du nabab des années 80 Haruki Kadokawa (Proof of the Man, Never Give Up). En effet, la mise en scène se fait moins percutante. Minoru Yoneda semble avoir des difficultés à chausser les pas de son prédécesseur, même s’il tente pourtant de prolonger l’usage du plan-séquence cher au maître, mais manque ici parfois de constance. L’on retrouve également l’utilisation des intertitres, fréquents chez l’auteur, alors que l’emploi de la musique habituellement brillante chez le cinéaste, est ici malheureusement des plus banale.

Loin d’être une œuvre majeure de Kumashiro, L’École du plaisir : jeux interdits n’en reste pas moins, à l’image de l’hypnotiseur de foire qui se joue de l’héroïne, une pantalonnade impure mais délectable. Il témoigne de l’évolution d’un cinéaste face à l’éprouvant virage des années 80 que tant de ses contemporains auront peine à digérer. Tout à la fois frondeuse, paillarde, séditieuse et divertissante, cette amusante parenthèse dans la filmographie de l’auteur fait tantôt preuve d’une hardiesse réjouissante, qui montre que le cinéaste, même s’il a perdu la verve caustique de L’Homme-femme, sait pourtant toujours se moquer de façon croustillante des bastions de la bienséance et de l’hypocrisie des êtres.

L’École du plaisir : jeux interdits est disponible en DVD Japonais non sous-titré chez l’éditeur Geneon (réf. GNBD-1339).

Voir le supplément « Tatsumi Kumashiro par Nakata » du DVD de Sayuri Stip-Teaseuse (éditions Ciné Malta).

Aîné d’une famille de pharmaciens à la descendance de samouraï, le père de Tatsumi souhaitait qu’il reprenne l’entreprise pharmaceutique familiale.

L’Université de Tokyo, appelée Tôdai, est l’université la plus prestigieuse du Japon et destinée à former l’élite dirigeante du pays.

Figure anti-conformiste du gekiga (une catégorie de manga destinés aux adultes) Michio Hisauchi est également essayiste, occasionnellement acteur et personnalité du paysage audiovisuel nippon. Il débute dans le milieu du manga au début des années 80, avec sa série Perspective Kid publiée dans le magazine underground Garo. A noter également l’adaptation réussie par Ryuichi Hiroki d’une autre de ses œuvres : Barber’s Sorrow (2002).

Ayant étudié auprès du grand scénariste Yôzo Tanaka, il scénarise de nombreux roman porno pour la Nikkatsu, devenant collaborateur régulier de cinéastes tels que Chûsei Sone ou Tatsumi Kumashiro pour qui il travaillera à partir de La femme aux cheveux rouges (1979). Militant de gauche au début des années 70 il co-signe certaines productions Wakamatsu sous le nom de plume collectif Deguchi De. Il sera également l’un des responsables de la « troupe de projection du bus rouge » (lire l’entretien avec Kôji Wakamatsu). Il signe ses débuts à la réalisation en 1997 avec Body and Soul (Karada mo kokoro mo). A noter qu’il est également l’éditeur de la revue Eiga Geijutsu.

aka Pleasure Campus : Secret Games, Forbidden Games, Kairakugakuen : Kinjirareta asobi, 快楽学園 禁じられた遊び | Japon | 1980 | Un film de Tatsumi Kumashiro | D’après un manga de Michio Hisauchi | Avec Ayako Ôta, Rie Kitahara, Junko Miyashita, Asami Ogawa, Yuri Yamashina, Kazuo Satake, Aoi Nakajima, Masayoshi Nogami, Akira Takahashi


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