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Le Portugal à travers ses auteurs : Lectures lusitaniennes

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drapeau portugal

Découvrir le Portugal à travers ses auteurs, sa littérature, une belle invitation pour un voyage qui allie saveurs et contrastes, et parfois même une certaine âpreté. José Saramago, prix Nobel de Littérature en 1998,sera le point de départ de ce voyage littéraire au Portugal…

 

D’Espagne, nous ne ferons qu’un pas pour nous retrouver au Portugal à la rencontre d’une littérature qui m’a posé souvent bien des soucis et qu’il faut mériter pour en apprécier toute la saveur. En effet, les auteurs portugais sont souvent hermétiques, compliqués à lire, âpres, arides, baroques parfois mais rarement simples à pénétrer. Et, nous en ferons l’expérience avec José Saramago qui a obtenu le Prix Nobel de littérature en 1998, au grand dam de Lobo Antunes, même s’il ne l’a pas crié trop fort, dont nous présenterons le livre emblématique qui est un énorme roman qui peut égarer le lecteur inattentif ou pas assez motivé.

Nous poursuivrons notre voyage littéraire en allant à la rencontre d’Agustina Bessa-Luis, la grande dame des lettres portugaises dont nous extrairons un livre de l’imposante production, un roman qui égarera aussi ceux qui n’ont pas compris l’esprit de la saudade, mais qui peut comprendre ce sentiment s’il n’est pas né là-bas sur les terres lusitaniennes. Pour terminer notre périple, nous affronterons une œuvre, elle aussi, bien complexe, mais tellement enthousiasmante, du grand écrivain qui mériterait bien, à son tour, le Nobel, Antonio Lobo-Antunes qui nous évoque les stigmates de la guerre en Angola chez les combattants qui y ont participé. Et, pour accomplir ce périple, nous prendrons la compagnie de Wanda Ramos, une femme de lettre portugaise née en Angola, qui nous propose une œuvre bien dans la tradition portugaise où il faut démêler les fils pour bien comprendre le cheminement de l’auteur et de sa pensée.

Littoral de Wanda Ramos (1948 – 1998)

« … j’ai été amené à digresser au long de ces dernières pages jusqu’à perdre le fil de l’écheveau.» Pour ma part, j’ai eu le sentiment que les digressions fleurissaient à longueur de récit et j’ai eu beaucoup de difficulté à suivre cette histoire qui, par ailleurs, aurait pu être fort intéressante si le suspens que l’auteur suggère, avait été maintenu avec plus d’adresse.

L’auteur raconte en fait la quête qu’elle a menée après avoir hérité d’un lointain cousin, Miguel Cê, un Portugais qui a bourlingué autour du monde pendant plusieurs années et qui a fini ses jours brutalement, là où finit la terre d’Europe, dans sa maison du Cap Finisterra en Galice espagnole. Quand elle apprend qu’elle hérite de ce lointain cousin disparu de son horizon depuis un long temps déjà, elle part pour la Galice faire l’inventaire de son héritage et essayer de comprendre comment ce cousin est décédé et pourquoi il l’a désigné comme légataire universelle.

Elle entreprend alors une enquête pas forcément très méthodique mais plutôt intuitive et affective en essayant de faire revivre le défunt à travers sa maison, ses écrits, les objets qui l’entouraient et les amis qu’ils fréquentaient. Elles essaient de faire parler les gens et les choses pour comprendre la vie que menait ce cousin énigmatique dont elle tente de faire revivre le souvenir. C’est à une véritable quête de l’identité de son cousin, et de sa propre identité, à laquelle elle se livre à travers cette recherche qui remonte jusqu’à ses origines. Elle fait ainsi revivre un être qui n’est pas forcément celui que les autres ont connu mais celui qui apparaît à travers ses actes, ses goûts et ses fréquentations. Et, on rejoint ainsi le débat entre l’apparence de l’être et l’être réel qui n’est pas visible mais qui réside au fond de chacun. Celui qu’on est et celui que les autres pense qu’on est.

Cette quête de l’être réel, de ce qu’il fût et de comment il a disparu de la surface de la terre aurait été intéressante, pour moi, si j’avais pu maintenir mon attention à un niveau suffisant. Mais, comme souvent dans la littérature lusitanienne, j’ai eu une réelle difficulté à ne pas laisser gambader mon attention derrière l’auteur qui s’évade souvent, trop souvent, s’égare même parfois, dans de vagues considérations contextuelles qui n’apportent pas grand-chose au récit et n’enrichissent pas la réflexion. Dans ces conditions, il est bien difficile de rester dans le récit et de ne pas laisser son esprit batifoler sur les sentiers que l’auteur explore comme pour étoffer son histoire.

J’aurais aimé arpenter avec elle le chemin qui sinue entre l’impossible et le réel car s’il semble que tout soit inscrit dans une marge indéfinie, quelque part entre le réel et l’impossible. L’impossible, ce que nous nous refusons à affronter, alors même que c’est déjà consommé ; le réel, ce que nous voyons et connaissons tous » il serait très intéressant de comprendre ce qui passe effectivement dans cet espace indéfini.

Le dieu manchot de José Saramago ( 1922 – … )

Certains présentent ce vaste roman baroque comme le chef d’œuvre du titulaire du Prix Nobel de littérature 1998. Un roman complexe qui oscille entre réel et fantastique, qui est peuplé de sorcières et d’alchimistes, de soudards et d’inquisiteurs, qui nous plonge au cœur de Lisbonne au XXVIII° siècle au temps où l’inquisition sévissait encore. Ce roman raconte les aléas de la construction d’un couvent dans la ville de Mafra, un projet prétentieux, vaniteux, qui provoque la mort de très nombreux ouvriers. Ce sont Baltazar et Blimunda, un couple extravagant, étonnant, qui racontent l’histoire des pauvres hères qui ont construit, avec leur sueur et leur sang, cet édifice démentiel qui pourrait être le symbole du pouvoir de droit divin qui ne connaîtrait aucune limite. Cette interprétation du roman vaudra à Saramago quelques inimitiés au sein de l’église portugaise.

Un roman qu’il faut aborder avec beaucoup de patience et de détermination pour aller jusqu’au bout et en tirer toute la saveur.

La cour du Nord de Agustina Bessa Luis ( 1922 – … )

Celle que l’on considère comme la grande dame des lettres lusitaniennes, propose avec ce roman l’histoire d’une femme qui aurait connu la grande impératrice Sissi quand elle est venue prendre quelque repos sur l’île de Madère et qu’elle serait devenue son amie. Mais cette rencontre bouleverse cette femme qui disparaît sans laisser de traces donnant naissance à une énigme qui va préoccuper quatre générations qui vont essayer d’élucider ce mystère. Coincés dans leur insularité, les descendants de cette femme vont tourner en rond dans une île en plein déclin économique.

Dans un texte Agustina Bessa-Luis précise : « Mon intention est de montrer comment le sentiment d’insularité s’installe quand on cultive la saudade ; comment il envahit et immobilise tout, telle une forme civilisatrice et précaire à la fois. »

Fado Alexandrino de Antonio Lobo Antunes ( 1942 – … )

Quatre vétérans de la guerre conduite par le Portugal en Angola se retrouvent dix ans après, lors d’un banquet d’anciens combattants, et racontent chacun leur histoire. Ils ont participé aux mêmes événements, se côtoyant parfois, ils ont rencontré les mêmes femmes et leurs histoires trajectoires s’emmêlent au fur et à mesure du récit et de la beuverie qui rend cette histoire de plus en plus complexe et de plus en plus aléatoire. Ils cherchent manifestement à évacuer les démons qui les poursuivent depuis cette sale guerre qui les a marqués à jamais et qui les conduit encore sur le chemin de la violence qui explosera à la fin du récit.

Un grand roman que j’ai beaucoup aimé mais encore un livre qui se mérite et qu’il faut lire avec beaucoup d’attention car le récit passe d’une histoire à l’autre sans aucune transition, même, au cœur d’un paragraphe. Il faut être très vigilant pour démêler les quatre trajectoires qui se déroulent en plusieurs temps chacune. Mais quelle jouissance à l’arrivée.

Denis Billamboz

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