Je l’avoue, pour moi non plus, le titre du film n’était pas très engageant. Mademoiselle Chambon ? Mouais… Certes, il s’agit du titre du roman d’Eric Holder dont ce film est l’adaptation mais, de toutes les façons, un titre n’a jamais fait complètement une histoire. Et pour cette fois-ci au moins, vous aurez tord de vous en détourner si l’occasion se présente à vous de le voir.
Stéphane Brizé est l’auteur de Je ne suis pas là pour être aimé, succès surprise de l’automne 2005 (un peu plus de deux millions d’entrées) qui réunissait Patrick Chesnais et Anne Consigny. Il est également l’auteur d’un long-métrage moins glam’ que ce que laisse imaginer son affiche, Entre Adultes, dans lequel il brassait avec une certaine justesse pas mal de questions de couple…
C’est encore quelque peu ce champs là que le cinéaste explore avec Mademoiselle Chambon. Le synopsis en lui-même n’est pas extraordinaire, une classique histoire d’adultère entre un homme simple (Vincent Lindon), ouvrier en maçonnerie, marié à une épouse aimante et papa d’un petit garçon, et l’institutrice de son fils (Sandrine Kiberlain), désespérément seule et qu’il rencontre par l’entremise d’un très commun concours de circonstances.
Le cinéma, français en particulier, regorge d’histoires de ce type mais Stéphane Brizé fait preuve d’assez de délicatesse et dispose d’acteurs tellement extraordinaires, que son film nous touche véritablement, simplement, sans jamais tricher. Le cinéaste a convoqué un couple célèbre du cinéma français, Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain. La singularité de leur réunion tient au fait que ce couple, parents à la ville d’un enfant, se retrouve pour la première fois ensemble à l’écran depuis leur séparation. Cela n’a valeur que d’anecdote. Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain sont juste deux des acteurs les plus talentueux de leur génération, souvent profonds et toujours justes.
Le film entier tient sur les épaules des acteurs, non pas que Stéphane Brizé ne se distingue pas lui même, mais justement parce qu’il s’agit là de son choix. Par sa mise en scène, il mise tout sur eux, sur le couple Lindon/Kiberlain, mais aussi sur Aure Atika et Jean-Marc Thibault. Le cinéaste fait preuve d’une extrême pudeur, d’une grande délicatesse (les même qualités reconnues à Eric Holder..). Sa caméra s’attarde longtemps sur les visages de ces comédiens, est attentive au moindre détail, au moindre geste. C’est la très grande force du film, d’autant que nos quatre acteurs sont effectivement bouleversants par leurs jeux, tout entier contenu. Les émotions passent malgré tout, les non-dit nous atteignent, parce que leurs visages, leurs regards, expriment tout ce que les mots rendraient compte maladroitement.
Le film tient ainsi sur un équilibre fragile mais rassurant. Fragile à l’image du couple d’époux, Lindon/Atika, que l’on voit soudain menacé, à moins qu’il ne s’agisse plutôt de la fragilité de cette passion interdite. Rassurant car on sait que les acteurs ne nous abandonneront pas en chemin, qu’ils sont dans leurs rôles et qu’ils les vivent passionnément. Stéphane Brizé trouve lui-même le ton juste, toujours, jusque dans ce final assez étourdissant sur un quai de gare et qui par exemple arracha quelques larmes à la jeune spectatrice inconnue à côté de moi pendant la projection. Le film n’est pas larmoyant pour un sou, c’est l’absolu contraire, mais il peut effectivement émouvoir ses spectateurs tant l’histoire est belle, sensible, et peut rappeler nos propres petites histoires sentimentales.
Benoît Thevenin
Mademoiselle Chambon – Note pour ce film :
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Je viens pour ma part d’écrire un billet sur ce film sur mon blog. Je trouve votre analyse très juste et très belle. Je n’ai pas apprécié ce film comme il mérite de l’être parce qu’il ressemble trop à mon histoire personnelle et qu’il m’a « dérangée »… Mais, oui, assurément c’est un film à voir. Sandrine Kiberlain et Vincent Lindon font merveille.
En réponse à Bernard, je cherche le livre…
Magnifique compte-rendu de ce film. Cela donne envie d’aller le voir. Aviez-vous lu le livre dont il est tiré ?