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Répétition, ou l’achèvement d’un idéal

statue d'un cimetière

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Retour sur une chimère. Achèvement d’un idéal
Dans toute relation, quand une porte entrouverte se referme soudain, l’espoir du lien désormais moribond bute sur une double question de la confiance en soi et en autrui … Initier, tisser, entretenir un lien a beau être une entreprise précaire à toujours remettre sur l’ouvrage, comment trouver le courage de recommencer ce qui a déjà été si éprouvant et compliqué? Donner sa confiance n’induit pas que le risque de souffrir si l’autre n’en fait pas ce qu’on imagine. C’est comme une faille dans ses croyances originelles. Qu’on l’ait pressenti par intuition, deviné par réflexion ou qu’on se retrouve face à une réponse qui ne nous convient pas ou un silence tout aussi éloquent, des émotions et sentiments divers, parfois brutaux ou violents, parfois plus sournois ou insidieux, taraudent, s’agitent simultanément puis alternativement. Ils sèment le trouble dans nos certitudes, reconsidèrent nos désirs et nos possibles, donnent aussi l’affreuse impression qu’il n’y aura plus de perspectives et que quelque chose en nous, de l’ordre de la confiance intime, est un peu mort… Chacun ouvre de nouvelles failles ou les creuse plus profondément encore …


Je devrais employer la première personne pour dire mes désirs et mes possibles, mais dans ma vie, le je mute en nous inévitablement. Je ne suis jamais tout à fait seule tout en l’étant depuis si longtemps et cultivant cette permanence… En lui parlant, j’avais trouvé le courage de confier un peu de moi et d’avoir conscience enfin un peu de ma valeur et de certains de mes désirs pour oser regarder vers un ailleurs qui me semblait si inaccessible jusqu’à peu. N’y a-t-il en moi que de la vacuité, maintenant que le présent des émotions cède le pas aux souvenirs de mes mots et de mes aspirations?


Même si elle opère parfois comme un leurre, la circonstance de la révélation ne change en réalité qu’à la marge la perception que l’on s’en fait de soi-même. Certes, il est bien difficile dans ces instants de faire le tri entre les vérités et les mensonges, les illusions et les réalités et la part de chacun dans cette fin de relation. Il est tout aussi difficile de ne pas céder aux mauvais esprits de la colère, aux tentations du dépit et de l’amertume, aux appels du mépris. Mais la déception et la blessure que l’Autre nous inspire par ses choix, son indifférence, son manque de discernement ou son rejet volontaire est un alibi pratique pour éluder tout ce qui nous appartient intimement…

J’ai toujours su que le combat contre mes propres fantômes n’aurait jamais de fin. Les failles qu’il ont ouvert en moi laissent des cicatrices qui ne peuvent se refermer, tandis que le couteau fouille sans relâche et triture la chair de la réalité et que le sang des illusions s’écoule, vidant goûte après goûte, mon corps et mon esprit de toute sa substance.


Aussi traîtres soient-elles, mes attentes comme mes actions et mes réactions me rappellent à quel point se sont joués en moi des objectifs contradictoires qui m’ont menée par un étrange paradoxe au fracas de mes espérances… Pourtant, pour une fois, j’avais refusé l’esquive. J’ai fait un pas, comme si j’avais tendu une main à une personne que je voyais en face de moi en lui signifiant tout ce que cela représente sans qu’elle le soupçonne… J’ai ouvert une porte sur ma vie (ou m’en suis-je persuadée?), alors que cela me semblait impossible, car trop risqué et effrayant… Puis-je parler de rupture, alors qu’il n’y a pas même de réelle relation et qu’il n’a été qu’un fugace passager dans ma vie mentale? Puis-je parler d’abandon, alors qu’en l’absence de tout engagement, il n’y a aucune obligation de réciprocité, ni de support ? Et si j’avais moi-même créé les conditions de l’échec alors qu’il serait si rassurant de les lui attribuer et de lui prêter une forme de lâcheté?
Savoir qu’Il ne partage pas mes aspirations d’échanges mutuels et qu’Il ne comprend pas ce que j’essaie de lui exprimer est-ce moins douloureux ou décevant que la distance ou peut-être la fuite qu’il semble avoir choisies comme modus operandi?… Il n’a pas besoin de moi dans sa vie si pleine et épanouissante alors que la mienne me parait si futile et insignifiante : suis-je en droit de lui en vouloir?

 
Au-delà des limites de ma zone de confort et de l’achèvement d’une perspective, le renoncement à mes attentes me ramène à ma propre capacité de rupture avec mon existence … Il serait si pratique de trouver des sauveurs pour m’aider à me réparer…Suis-je différente parce que j’ai osé désirer quelque chose (à mon sens infime) qui n’a même pas existé si ce n’est pour moi et j’ai affronté mes peurs pour me l’autoriser? Suis-je nourrie voire enrichie par mon échec au point que ma douleur en devienne sublime ? Me suis-je finalement transformée en résistante pour me lancer durablement dans ma bataille pour vivre ce que je mérite et triompher de mes limites et de mes blocages si invisibles et si prégnants pourtant? J’affirmais il y a peu mon désir de devenir enfin l’aventurière de ma vie au lieu d’en être l’observatrice complaisante …


Finalement, je me suis lancée sans devenir une fugitive et projetée vers un objectif désirable en acceptant de rompre avec mes habitudes si rassurantes même si je les trouve bien souvent pesantes … Je me rêverais en funambule intrépide capable de sentir mes capacités et mon courage croître sur le fil, pour apprivoiser le vide et voir mes horizons s’élargir et s’affermir sous la solidité de mes pas. Je suis plutôt comme une enfant qui tente de faire ses premiers pas, vacille et se relève sans tout comprendre ni appréhender de ce qui se joue pour toujours…


Sauf que l’adulte a déjà repris ses droits et sa lucidité ne compose pas avec les espoirs de l’attente… Mes pas me donnent toujours le vertige. Je revis continûment le traumatisme du tournoiement si déstabilisant ; ma marche est ébranlée à la moindre tentative d’avancer pour dépasser mes émotions bien trop omnipotentes ; mes mots travaillent toujours mon corps avec acharnement et résonnent comme des réminiscences d’autres douleurs et échecs qui ressemblent à celui de cet instant. Mais au moins, je suis bien vivante et je suis dans ma vie, quoiqu’il m’en coûte…

Sandrine Monllor (Fuchinran)

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