Sortir a Munich : découvrez l’agenda 2012 – 2013 des ballets qui se tiennent à Munich et qu’il ne faut absolument pas manquer!
Au Bayerisches Staatsballet
Forever young par le Ballet d’état bavarois
La nouvelle production du Bayerisches Staatsballet, Forever Young, réunit trois ballets aux qualités intemporelles:
- Le trio Broken Fall, créé en 2003 par le chorégraphe Russell Maliphant pour Sylvie Guillem, William Trevitt et Michael Nunn au Royal Opera House Covent Garden, une oeuvre qui traite du danger de la chute, un danger qui guette constamment l’être humain. Maliphant joue sur la force de gravité avec une soliste qui escalade ses partenaires masculins avec un jeu subtil de chutes et de rééquilibrages.
- José Limón avait chorégraphé la tragédie shakespearienne Othello dans une Pavane d’une quinzaine de minutes: la Moor’s Pavane, créée en 1949, est un témoin de la ‘Modern Dance’, une chorégraphie pour quatre danseurs qui nous entraînent dans l’histoire abyssale d’Othello, de Desdemone, de Jago et d’ Emilia.
- Enfin le Ballet d’Etat bavarois présentera le premier ballet abstrait de l’histoire du ballet, Choreartium, un ballet sans action dramatique et sans étude psychologique des protagonistes. Léonide Massine a transposé la structure et l’atmosphère de la quatrième symphonie de Brahms en langage chorégraphique, en suivant l’instrumentation de la partition.
Cette fois, contrairement à la tradition du Ballet bavarois, les ballets ne seront pas reconstitués selon les productions originales, mais réinterprétés par le hollandais Keso Dekker, un des maîtres du décor et du costume contemporains. C’est qui dirigera l’orchestre d’Etat bavarois.
Russell Maliphant / José Limón / Léonide Massine
Stephanie Hancox et Matej Urban dans Broken Fall |
La nouvelle production du Bayerisches Staatsballet, Forever Young, réunit trois ballets de grands chorégraphes des 20ème et 21èmesiècle, tous trois dansés avec la maestria du célèbre corps de ballet munichois.
Le trio Broken Fall a été créé en 2003 par le chorégraphe Russell Maliphant pour Sylvie Guillem, William Trevitt et Michael Nunn au Royal Opera House Covent Garden. L’oeuvre traite du danger de la chute, un danger qui guette constamment l’être humain. Maliphant joue sur la force de gravité avec une soliste qui escalade ses partenaires masculins avec un jeu subtil de chutes et de rééquilibrages. Un public d’aficionados attendait beaucoup de la performance de Lucia Lacarra, qui sans doute devait se réjouir de cette prise de rôle exigeante à la mesure des extraordinaires qualités d’une des plus prestigieuses étoiles du Staatsballett. Un destin malencontreux en a décidé autrement car lors des répétitions un accident s’est produit qui a conduit au remplacement de deux danseurs du trio initialement prévu. C’est Stéphanie Hancox qui a brillamment assuré la relève de Lucia Lacarra pour nous faire découvrir ce grand moment du ballet contemporain, pour lequel le public a manifesté un énorme enthousiasme. On sent parmi le public une grande attente: découvrir de nouvelles créations de chorégraphes contemporains comme c’est le cas avec Broken Fall, et, on peut toujours rêver, accueillir un créateur pour la création mondiale d’une oeuvre qui articulerait son langage propre et ne soit pas la resucée d’un passé certes prestigieux mais déjà bien connu.
Séverine Ferrolier et Cyril Pierre dans la Moor’s Pavane |
José Limón avait chorégraphé la tragédie shakespearienne Othello dans une Pavane d’une quinzaine de minutes sur des musiques de Purcell: la Moor’s Pavane, créée en 1949, est un témoin de la ‘Modern Dance’, une chorégraphie pour quatre danseurs qui nous entraînent dans l’histoire tourmentée d’Othello, de Desdemone, de Jago et d’ Emilia. Malgré la beauté visuelle des costumes et d’une composition chorégraphique quasi florale, malgré les jolis effets du déploiement en corolles chatoyantes des longues robes, on a par trop l’impression d’assister à la mise en place d’un tableau vivant animé, les corps des danseurs disparaissent quelque peu dans l’abondance des tissus des costumes de Pauline Lawrence, superbes au demeurant. Les jeux chorégraphiques autour d’un mouchoir de dame que les danseurs s’arrachent longuement sont sans doute censés symboliser la lutte amoureuse et de l’expression du pouvoir, mais l’effet n’en est pas réussi et lasse rapidement: le symbole n’est pas à la hauteur des enjeux de la tragédie.
Choreartium – Lukáš Slavický, Ilana Werner, Javier Amo |
En deuxième partie, le Ballet d’Etat bavarois présente le premier ballet abstrait de l’histoire du ballet, Choreartium, un ballet sans action dramatique et sans étude psychologique des protagonistes. Léonide Massine a transposé la structure et l’atmosphère de la quatrième symphonie de Brahms en langage chorégraphique, en suivant l’instrumentation de la partition. Cela donne une oeuvre joyeuse et aérienne à la mesure d’une symphonie extrêmement rythmique qui comporte trois allegros dont la fameuse passacaille de l’allegro final, avec près de trente variations, par nature très dansée et une excellente source d’inspiration pour un chorégraphe. Les décors lumineux (jeux videos de Lea Heutelbeck et lumières de Christian Kass) introduisent notamment des éléments de comique visuel qui soulignent la société heureuse et unie qu’évoque la chorégraphie. Contrairement à la tradition du Ballet bavarois, les ballets ne seront pas reconstitués selon les productions originales, mais réinterprétés par le hollandais Keso Dekker, un des maîtres du décor et du costume contemporains. Choreartium est resté d’une fraîcheur réjouissante. On peut questionner l’interprétation musicale du chef Robertas Šervenikas qui ne rend pas compte de toute la richesse des couleurs orchestrales et ne conduit pas à l’écoute de la balance subtile entre les vents et les cordes, si caractéristique de cette oeuvre de Brahms. Bien sûr on est au ballet et la musique doit servir le langage des corps, mais faut-il à ce point gommer la musique pour la transformer en une simple musique de ballet? Rien n’est moins sûr. Cette reprise de Choreartium comporte par ailleurs un aspect profondément touchant: c’est Lorca Massine, le fils de Leonide Massine, qui a réalisé la reprise de la chorégraphie de son père. La qualité de la production est nourrie de cette sensibilité filiale, de l’hommage d’un grand chorégraphe contemporain à un grand chorégraphe de l’histoire de la danse, qui se trouve être son père.
Une belle et bonne soirée de ballet avec ce curieux intitulé, Forever young, car enfin Broken Fall est une oeuvre récente du ballet contemporain et, si son avenir est prometteur, elle n’a pas encore accédé à l’éternité, on ne perçoit pas l’éternelle jeunesse de la Pavane, et l’oeuvre de Massine, pour belle, entraînante et allègre qu’elle soit, n’avait pas révolutionné l’histoire du ballet, même si c’était une des premières fois qu’un ballet était dansé sur une symphonie.
Prochaines représentations les 18 et 26 janvier, le 29 avril et le 2 juillet
Crédit photographique: Charles Tandy
Le Ballet Mikhailovsky de Saint-Pétersbourg enthousiasme le public munichois
La princesse Aurore d’Oksana Bondareva (c) Day Kol |
La semaine du Festival du Ballet du Bayerisches Staatsballett bat son plein à Munich. Les organisateurs avaient invité pour deux représentations le célèbre Ballet Mikhailovsky de Saint-Pétersbourg, dont les destinées artistiques sont depuis peu confiées au chorégraphe espagnol Nacho Duato, un chorégraphe très apprécié du public munichois qui a à plusieurs reprises eu l’occasion de découvrir ses chorégraphies alors qu’il dirigeait la Compañia Nacional de Danza, et notamment avec son célèbre Vielfältigkeit. Formen von Stille und Leere.
Nacho Duato a repris les destinées du Ballet Mikhailovsky depuis 2011 et a su s’y entourer de quelques-uns des solistes les plus demandés sur le plan international. Fin 2011, il y a présenté sa chorégraphie de la Belle au bois dormant de Tchaïkovski, et c’est cette version qu’a pu découvrir cette semaine le public du Bayerisches Staatsballett au Théâtre national de Munich.
Nacho Duato avait d’abord eu l’idée de reprendre la chorégraphie originale de Marius Petipa mais s’était finalement écarté de ce projet initial en créant ses propres pas de danse pour la compagnie dont il venait de reprendre la direction artistique. La nouvelle chorégraphie respecte la ligne traditionnelle de l’action et donne une réinterprétation qui utilise les moyens du ballet classique: pour cette production, Duato utilise le vocabulaire la danse classique et utilise les différents pas, les attitudes, les positions, les mouvements et les expressions codifiés de cette forme de danse. La nouvelle mise en scène, au raffinement exquis, ne désoriente pas plus un public entièrement charmé par les somptueux décors et les magnifiques costumes d’ Angelina Atlagič, qui crée une ambiance de conte de fées avec de grands dons de coloriste, comme par exemple dans la scène de la chasse en forêt du Prince Désiré avec son atmosphère automnale ou pour la scène très printanière de l’adolescence de la Princesse Aurore avec une utilisation de roses et de verts tendres du meilleur effet. La stylisation de la forêt de ronces ou la pluie de roses orangées géantes qui vient peupler le ciel au-dessus du couple princier constituent des moments privilégiés de cette mise en scène. On pourra se faire une idée de l’excellence du travail d’Angelina Atlagič en allant visiter le site de la costumière qui offre pour l’instant un très beau reportage photographique de son art pour cette production.
Nacho Duato s’écarte quelque peu de la ligne de Marius Petipa en faisant danser des rôles qui étaient limités à la pantomime chez le chorégraphe de la fin du 19ème siècle. Ainsi le Roi et la Reine reçoivent -ils quelques figures de danse. Outre cela, Duato a le désir de gommer les courtes pauses entre les numéros des solistes, que l’on estimait autrefois nécessaires, et cette volonté d’une continuité dans la danse donne une impression beaucoup plus lissée, et ajoute de la fluidité et de l’harmonie au déroulement du ballet. Les temps d’applaudissements pour les numéros de solistes sont bien sûr toujours ménagés, mais la suppression des temps d’arrêts entre les numéros dansés est du meilleur effet, et le tempo narratif en sort gagnant.
Pour créer ses chorégraphies, Nacho Duato explique qu’il s’identifie à chaque rôle et qu’il se visualise en train de le danser. Cela lui donne une force visionnaire qu’il peut alors transmettre à ses danseurs. Et quels danseurs! Le rôle d’Aurora, la quintessence même du ballet classique, est interprété à la perfection par Oksana Bondareva. Le Prince Désiré de Leonid Sarafanov, un danseur couronné en 2006 du Prix Benois de la danse et, la même année, du Spirit of Dance est confondant de grâce aérienne. La Fée Lilas d’Ekaterina Borchenko et la Carabosse de Rishat Youlbarisov recueillent des applaudisements et des trépignements enthousiastes, tout comme la direction musicale de Valery Ovsianikov.
On ne peut que se féliciter de l’excellent choix de ce spectacle invité qui a permis au public du Bayerisches Staatsballet de vivre une grande soirée pétersbourgeoise.
Création mondiale: Helden (Héros) de Terence Kohler
(c) Wifried Hösl |
HEROS, HELDEN, la nouvelle création du chorégraphe australien Terence Kohler et du Ballet d’Etat bavarois, a ouvert hier avec éclat la semaine du Festival du ballet du Bayerisches Staatsballett. Une création mondiale éclatante de beauté: le spectacle de Terence Kohler est bien plus qu’un ballet magistralement chorégraphié, c’est un spectacle total qui fait appel à des musiques nouvelles, dont certaines, celles de Lera Auerbach, ont été créées spécialement pour le ballet, aux performances du corps de ballet et des ses étoiles dans une chorégraphie aux exigences qui font reculer les limites du possible, à la mise en place de décors de sculptures lumineuses mobiles à la beauté constellaire.
Terence KOHLER, chorégraphe résident du Ballet d’Etat de Bavière, s’est fait une spécialité de la réinterprétation des mythes. En 2010 il avait chorégraphé le mythe antique de Daphnis et Chloé, l’histoire des amours contrariées d’un berger et d’une bergère dont le dieu Pan favorise l’heureuse issue. Avec HELDEN (Héros), Kohler nous entraîne dans le monde des dieux et des Titans, Athéna, Prométhée, Epiméthée et Pandore, dont les initiatives et les combats modifient la destinée de l’humanité.
Si Kohler évoque bien les mythes d’un Prométhée voleur de feu et d’une Pandore qui ouvre sa boîte calamiteuse, il ne raconte pas à proprement parler une histoire, il ne chorégraphie pas un ballet narratif à la lecture contrainte et obligée. Il nous invite plutôt, à partir d’une ligne narrative générale, à entrer dans un monde qui bouillonne de créativité et à nous créer notre propre parcours interprétatif dans un kaléidoscope d’impressions nées de la musique, des sculptures, de la lumière et du foisonnement mouvementé de le danse et des tableaux, dans une tension et une excitation des sens qui iront crescendo tout au long des cinq actes. Une production visionnaire qui sollicite davantage les artistes qu’à l’accoutumée: deux heures trente de spectacle, soit une demi-heure de plus que le temps habituel d’un ballet.
Qu’est-ce donc qu’un héros? Le spectacle interroge le concept plus qu’il ne répond à la question. Faut-il voir en Prométhée un héros parce qu’il dérobe le feu aux dieux pour le transmettre aux humains dont il change profondément la destinée, ou est-ce un fou impulsif ou un apprenti sorcier qui bouleverse l’ordre de l’Univers? Epiméthée, plus en retrait, plus introverti, qui à l’inverse de son frère refuse la lumière, est-il alors l’image de l’anti-héros ou celle du sage qui accepte le réel dans le transformer et espère vivre un simple amour partagé? Qu’est-ce qu’un héros pour nous, et qui sont les héros contemporains? Ceux qui ont transformé le monde en l’intriquant dans les filets complexes de la communication, ceux qui l’ont câblé et informatisé? Mais en reliant les hommes, n’ont-ils pas contribué à les isoler davantage? Le feu céleste, éparpillé dans les lumignons individuels dans les paumes des humains, va bientôt se réduire aux flammes des bougies sur les tombes d’une humanité anéantie que viendra délivrer Athéna. Le projet prométhéen n’est pas une réussite, Epiméthée est mort dans un combat fratricide, l’humanité souffre des calamités répandues par Pandore, une souffrance tempérée par la déesse de la sagesse qui aura la chouette idée de faire preuve d’un bon vouloir réparateur.
La première image, c’est celle d’une boule céleste constituée de cables ou de filins lumineux enchevêtrés qui pourrait bien évoquer ce ciel informatique qui nous soumet aujourd’hui à ses lois. Prométhée en dérobera les lumières pour les distribuer aux hommes qui en deviendront porteurs, mais individuellement, chacun pour soi, ce qui se traduit sur scène par des lumières dans les paumes des mains de chacun des danseurs: l’homme devient ainsi photophore au risque de l’isolement qui peut résulter de cette libération. Kohler évoque dans un entretien la figure de Steve Jobs qui pourrait bien être le Prométhée des temps modernes, et porte un regard entaché d’un certain scepticisme sur les progrès des sciences de la communication, non par visée réactionnaire, mais davantage pour interroger le monde dans lequel nous vivons, ouvrir des perspectives et des pistes de réflexion, et libérer la pensée. Mais qui donc nous sauvera de Steve Job?
(c) Day Kol |
La collaboration avec rosalie est fascinante. La décoratrice, peintre, sculpteur rosalie (sans majuscule) est la talentueuse créatrice de la scène et des costumes pour ce spectacle, elle articule les formes du fil narratif par des procédés qui, en collaboration avec Christian Kass, font souvent appel à la lumière et qui suivent une logique formelle qui favorise la lisibilité du spectacle. Les formes sont simples: des filins lumineux blancs et des losanges irisés ou colorés. Les losanges de la première partie reçoivent des arc-en-ciels irisés, ils sont posés sur leurs pointes comme des voiles qui entraîneraient des humains véliplanchistes vers des horizons plus lumineux, un avenir plus radieux. En deuxième partie, les losanges se retrouvent dans les sections des sculptures qui s’élancent de la scène vers le ciel. En troisième partie, le ciel est constitué d’un immense nuage de losanges colorés dans un camaïeu de bleus, comme si le ciel, qui a tendance à s’appesantir comme un couvercle, s’était reconstitué des losanges qu’avaient d’abord manipulé les humains, pour revenir les en menacer et les anéantir Au final, comme l’ourobouros, la boule de filins redescend vers l’humanité, mais leur blancheur s’est colorée de bleu, un cycle se termine, et rien ne sera plus comme avant. On pourrait longuement gloser sur le travail de rosalie comme sur celui de Kohler. Ici aussi, le parcours interprétatif nous échoit.
(c) Charles Tandy |
L’Orchestre d’Etat de Bavière sous la direction de Myron Romanul semble tout au bonheur de jouer des musiques modernes et contemporaines, il donne une interprétation remarquable des musiques de Schnittke (des extraits des Concerti grossi, le très beau menuet de la Suite in the old style et pour terminer son Ritual) et de Dreams and Whispers of Poseidon et Eterniday – Hommage to W.A. Mozart de Lera Auerbach. Ces musiques sont au point ce convergence de l’ancien, qu’elles maîtrisent et honorent, et du moderne, dont elles ouvrent les perspectives. Elles conviennent parfaitement au questionnement de Terence Kohler qui interroge tant le mythe antique que sa contemporéanité. Aux sonorités plus souples des instruments traditionnels viennent se mêler les stridences de la scie musicale et les sonorités éthérées et électronqiues du thérémine.
L’évidente complicité de Terence Kohler et du corps de ballet et des solistes provient d’une longue fréquentation, quatre années de travail en commun ont donné à Kohler une connaissance intime des fabuleuses possibilités tant de l’Ensemble que de chacun des danseurs, et plus particulièrement des solistes. Dans Helden, Kohler explote cette connaissance en exigeant le meilleur de ces danseurs qui le lui rendent avec une incomparable virtuosité, d’autant que le chorégraphe laisse à ses danseurs une grande liberté d’expression et d’interprétation, ce qui constitue en soi un facteur de dépassement. Quelle beauté, quel engagement artistique! Le Prométhée de Lukáš Slavicky, l’epiméthée d’Ilia Sarkisov, l’Athena d’Emma Barrowman et la Pandore de Katherina Markowskaja sont à couper le souffle, ces danseurs ont livré un travail titanesque à la limite de leurs divines compétences, ce ne sont plus des humains qui travaillent sur scène, mais des dieux et des titans de la danse qui ont accepté de s’incarner pour un public qui est venu célébrer le culte de Terpsichore et s’initier à ses mystères. Et dont les applaudissements nourris et soutenus s’accompagnent de bravi et de trépignements enthousiastes et reconnaissants.
A voir absolument!
Agenda
Le 27 avril, les 10 et 31 mai
Le 1er juin et le 7 juillet 2013
au Théâtre National de Munich
Reprises en février, mars et avril 2014
Tél. 00/49/89/ 21 85 19 20.
ou en ligne en cliquant ici puis sur Karten face à la date souhaitée.
Gala Terpochore
Bayerisches Staatsballett: Gala Terpsichore ou la quintessence du ballet européen
Autres Ballets
La Belle au bois dormant revisitée du Theater-am-Gärtnerplatz
La Reine et sa Cour |
Baptême du feu pour le nouveau chorégraphe du Theater-am-Gärtnerplatz qui présente une réinterprétation complète du célèbre ballet de Tchaikosky. Karf Alfred Schreiner opte pour une lecture résolument contemporaine du conte de fées en abordant sur le ton de la farce grotesque le thème brûlant d’actualité de la gestation pour autrui dans un spectacle de théâtre musical articulant une chorégraphie du mouvement cassé inspirée notamment de la breakdance.
On assiste à la croissance rapide de la princesse qui de bébé devient petite fille, et de petite fille adolescente nubile, et déjà on fait venir les prétendants. On en verra quatre, plus caricaturaux les uns que les autres, les prétendants 96, 97, 98 et 99, qui s’essayent en vain à la séduction d’une Aurore empêtrée dans un voile nuptial dont elle n’a que faire et insensible à leurs démonstrations amoureuses qui confinent au ridicule. C’est le moment que choisit une Carabosse pétrie de haine et de vengeance pour empoisonner des roses noires qu’elle distribue à toute la cour qui s’endort prise d’un sommeil létal. Sans doute malgré elle, elle a aussi endormi sa propre fille sur les lèvres de laquelle le prétendant n°100, le Prince Désiré, arrivé en retard, dépose le baiser de l’amour.
Pendant la deuxième partie, on assiste au rêve de la Belle au bois dormant, un rêve peuplé de personnages de conte de fées, qui vont du Prince charmant muni d’une pantoufle de verre au Roi grenouille en passant par le petit chaperon rouge et son loup ou par le chat botté, tous ces personnages se croisent sans trouver leurs alter ego pour cependant finir par trouver…chaussures à leurs pieds. Vient ensuite Carabosse en Reine des ténèbres avec dans son prolongement sa cour de femmes enfilettées de noir et qui tient toujours à retenir sa fille et à l’entraîner dans son univers gothique. En vain, car la jeune femme résiste et finit par s’unir au Prince Désiré. Les époux monteront sur le trône, mais pas pour être heureux et avoir beaucoup d’enfants, puisqu’on assiste à une répétition de l’histoire: Aurore ne conçoit pas d’enfant, le berceau reste vide et Désiré s’énerve. Soudain en enfant apparaît emmailloté dans les bras d’Aurore, mais on ne sait d’où il vient…
Carabosse et ses créatures |
Le spectacle est à la lisière du théâtre musical et de la chorégraphie. Un spectacle qui reste entièrement dans la narration d’une histoire par l’expression corporelle, le mime, la composition de tableaux et la danse, et dont on aurait aimé qu’il soit davantage dansé. La rupture est volontaire patente à plusieurs niveaux: celui du conte d’abord, on vient d’en évoquer la réécriture, celui de la danse ensuite avec le recours systématique à des mouvements mécaniques et hachés aux antipodes des fluidités aériennes auxquelles semble pourtant inviter la musique de Tchaikovsky. La féérie et l’harmonie sont éjectées au profit d’un humour inventif et un peu sarcastique: les personnages du monde créé par Karl Heinz Schreiner n’ont rien d’idéal, les rois et les princes y sont impatients et violents, tant la Reine que Carabosse manquent de vertu et de morale, les personnages de la Cour et les prétendants sont autant de caricatures. Les rires fusent çà et là, mais la représentation dérange autant qu’elle amuse. Si la danse des prétendants et du bouffon royal, et celle des personnages de contes de fées peuplant le rêve de la belle au bois dormant sont assez réussies, la représentation des maléfices de Carabosse et de ses suivantes figurant son univers délétère est un peu longuette, et le propos, qu’on a vite compris, se traîne en longueur. Il en va de même des pas de deux d’Aurore et de Désiré qui n’en finissent pas d’apprendre les gestes de l’amour.
La rénovation du Théâtre de la Gärtnerplatz oblige à la délocalisation et la vaste halle de la Reithalle
convient peu à un spectacle musical. Pourtant, malgré les problèmes acoustiques patents, on sent que Mario Comin et l’orchestre du Gärtnerplatz placés derrière un voile en fond de scène donnent une interprétation des plus sensibles de la musique de Tchaikovsky. Les décors de Julia Müers sont à minima comme on pouvait s’y attendre dans ce type d’infrastructure dénuée des équipements d’un théâtre, deux portiques de piliers entourant des ouvertures figurent le palais et la cour et quelques haies qui semblent faite de tulle verte compressée font office de jardin. Les costumes néo-baroques d’ Alfred Mayerhofer, particulièrement réussis, débordent d’inventivité, avec notamment une très belle Reine à la mode élisabethaine avec sa perruque rousse à deux coques et des personnages de contes de fée des plus divertissants.
Prochaines représentations à la Reithalle: le 31 janvier et les 1, 2 et 3 février
Ballet Zugvögel au Théâtre national de Munich : un spectacle total
Quand les oiseaux migrateurs s’abattent sur le théâtre national de Munich, cela donne un spectacle total avec le ballet Zugvögel qui est une synthèse de créations artistiques…
Mais si le spectacle fait appel à tous les arts du spectacle, on a parfois l’impression que la danse est desservie, la monumentalité des lamelles qui font décor semble réduire la taille des danseurs, surtout dans les pas de deux où les danseurs évoluent dans un espace trop vaste pour leur jeu scénique; ensuite, l’utilisation abondante des tissus, – immenses voiles déployés et gonflés qui simulent par exemple les mouvements de la marée, sculptures de tissus gonflées avec des lourdeurs volumiques que traînent les danseurs qui s’en voient transformés en des espèces de grosses volailles dindonnantes-, n’ajoute rien au spectacle, tout au contraire.
S’il y a par moments de magnifiques ensembles dansés comme à l’accoutumée à la perfection par le corps de ballet bavarois, ils ne parviennent pas à compenser les lourdeurs et les absences d’une chorégraphie qui manque de rythme. On sort étourdis de ce spectacle, avec une étrange impression de trop, et de trop peu.
Prochaines représentations: les 22 et 28 février 2013
Exits and Entrances dans des chorégraphies de Cunningham et Siegal au Prinzregententheater
Merce Cunningham / Richard Siegal
Exits and Entrances – BIPED / Unitxt
Premiere le 25 juin 2013 à 19H30
Puis les 26 et 28 juin, et le 16 juillet à 19H30 au Prinzregententheater.
Ballet d’Etat bavarois: Siegal explose la scène, succès d’estime pour Cunningham
Le 25 Juin 2013 pour la nouvelle production du Ballet d’Etat de Bavière au Prinzregententheater, Exits and entrances avec en première partie la création mondiale de Unitxt de Richard Siegal suivie d’une oeuvre de Merce Cunnigham, BIPED, datant de 1999. Treize années séparent la création de ces deux oeuvres du ballet contemporain, on pourrait cependant dire un siècle tant l’esprit des deux oeuvres diffèrent, tant la contemporanéité est devenue un facteur d’actualité immédiate, ainsi que la Weltanschauung, l’expression de la perception du monde. Oserait-on dire que l’oeuvre de Cunningham est déjà le marqueur d’une époque dépassée, le paradis perdu de la fin d’un XXème siècle qui voulait encore croire à la possibilité d’un idéal, et que la création de Siegal, assourdissante, s’inscrit bien dans un certain Munich contemporain, avec une perte de l’âme et du sens au profit d’une société mécaniciste, hyper-efficace, aux contraintes violentes mais qui n’a d’autres buts que l’efficacité et la contrainte, et dont la substantifique moëlle se serait asséchée?
Richard Siegal est un munichois d’adoption qui s’est vu décerner il y a quelques semaines le prix de la danse de Munich, la capitale du Land de Bavière (« Tanzpreis der Landeshauptstadt München »). Avec Unixt, de concert avec le designer industriel Konstantin Grcic et avec l’artiste et compositeur Carsten Nicolai, ils créent une forme d’installation scénique qui dépasse les genres avec des projections lumineuses qui donnent un nouvel éclairage à la scène, des costumes objets qui influencent les mouvements des danseurs, élargissent leurs possibilités et leur rayon d’action et leur dynamique et confèrent une nouvelle qualité au langage corporel.
Le ballet s’ouvre sur le déroulement visuel surdimensionné, écrasant, du mot NOISE qui défile lentement, le N apparaît d’abord suivi du O, immenses lettres blanches sur écran noir, on croit lire une négation, mais non, c’est l’énoncé verbal de ce que l’on est forcé d’entendre depuis la première minute, un bruit infernal, omniprésent, qui ne laisse pas d’échappatoire, même pas, surtout pas, le repli vers un silence intérieur, il n’y a plus de place pour l’intériorité. Le ballet sera rythmé par trois projections de mots uniques: NOISE, SIGNAL et finalement SILENCE. Mais dans l’univers de Siegal, le silence est un nouveau concept, c’est une nouvelle qualité de bruit, le bruit restera constant, l’univers a été entièrement médiatisé et computérisé, dominé par les cours de la bourse qui rappellent que Dieu est mort et que Mammon a vaincu. Siegal crée un nouveau langage corporel qui décline les possibilités limitées et mécanicisées d’un monde devenu absurde et contrôlé par la seule obsession de la production, un monde de contrainte, de froideur et de violence contenue. Les costumes objets de Constantin Grcic offrent de nouvelles prises aux danseurs qui peuvent se saisir et se manipuler de nouvelles manières, mais cette extension des possibilités d’interaction par de nouvelles prises ne conduit pas à un nouvel espace de liberté, mais au contraire à plus d’emprise, à davantage de contrôle.
En fin de compte, la seule liberté qui reste est celle de la création et de la distance qu’elle permet dans l’analyse, effarante, du monde qu’elle veut représenter. Et la liberté des danseurs qui peuvent explorer un nouveau langage de la danse, et qui le font avec un engagement fasciné et fascinant. Cette chorégraphie fait le constat d’un monde sinistre et déshumanisé, mais avec à la fois un puissant effet cathartique, elle nous en purifie parce qu’elle montre la voie de sortie, celle de l’effort créateur et de la beauté qui en résulte. La fragilité de la danse classique y est constamment mise en contraste avec la brutalité des mouvements et de la musique. Le travail du chorégraphe et de la mise en scène et les extraordinaires prestations des danseurs et des danseuses recevront une ovation d’une intensité rare. Alarmant et fabuleux! Et questionnant: faut-il vraiment perpétuer cet enfer?
Après un tel bouleversement, après une telle mise en question, le monde édulcoré selon Cunningham paraît un peu mièvre et sucré, malgré ses beautés délicates, ses coloris éthérés et sa musique céleste. Avec BIPED On est aux antipodes de l’atmosphère étouffante du début de notre siècle, avec ses tours infernales et ses corruptions bancaires, son système en faillite. Le monde est un damier délicatement azuré délimité par la douceur de faisceaux lumineux dessinés au laser. Des danseurs aux maillots de corps irisés évoluent avec grâce et se rencontrent avec bonheur et tendresse. leurs évolutions sont doublées par la danse de spectres de lumières, des êtres surnaturels aériens et colorés, magie des nouveaux arts visuels qui créent l’illusion de la troisième dimension. Plus tard les danseurs revêtiront des costumes d’étoffes transparentes et légères qui recevront des éclairages célestes d’un bleu intense imprégnant les parties supérieures du corps. Ici, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Et légèreté aérienne. Les artistes visuels, Paul Kaiser et Shelley Eshkar, ont créé un monde enchanté. Mais ce monde n’est plus le nôtre, peut-être la fin du XXème siècle y croyait–il encore, mais ce paradis rêvé a quelque chose de lassant, ce bonheur incessant nous ennuie, comme la musique minimaliste de Gavin Bryars, avec ses motifs répétés sans cesse, magnifiquement interprétés cependant par l’ensemble Biped du compositeur. Mais l’éternité c’est long, surtout vers la fin.
Il s’agit du premier spectacle chorégraphique à utiliser l’imagerie numérique et l’informatique pour parvenir à la technique de la superposition des images qui double le ballet sur scène d’un ballet lumineux et aérien, et à introduire le hasard comme élément participatif majeur de la création. Merce Cunningham travaille constamment le mouvement pur, il l’analyse, le décompose avec précision et une quasi minutie, ce qui fait qu’un public spécialisé sera plus sensible à un décorticage qui pourra paraître de la répétition au public plus profane. Cette oeuvre novatrice sur le plan de la technique est à la fois un oeuvre témoin de l’ensemble de la carrière du grand chorégraphe, qui l’a créée alors qu’il était âgé de 80 ans.
Une soirée toute en contraste, avec deux chorégraphies qui présentent une vision opposée du monde, captivante de technicité, et qui montrent si le fallait, par l’engagement total et l’excellence des danseurs et des danseuses, par la vibration enthousiaste du public, que les nouveaux chemins empruntés par le Bayerisches Staatsballett vers plus de contemporéanité répond aux voeux clairement manifestés tant par le corps de ballet que par le public.
Memento mori: ballet chorégraphié par Karl Alfred Schneider et Edward Clug à la Reithalle
Ballet memento mori
Première partie: chorégraphie de Karl Alfred Schreiner sur le Requiem de Luigi Cherubini
Deuxième partie: chorégraphie d’Edward Clug sur le Stabat Mater de Giovanni Battista Pergolesi
Solistes: Ann-Katrin Naidu et Elaine Ortiz Arandes.
Ballet: à la Reithalle, Memento mori nous confronte à la mort
Vita brevis breviter in brevi finietur,
Mors venit velociter quae neminem veretur,
Omnia mors perimit et nulli miseretur.
Ad mortem festinamus peccare desistamus.
La vie est courte, en peu de temps elle prendra fin;
La mort vient rapidement et ne respecte personne.
La mort anéantit toutes choses et n’a pitié de personne.
Nous nous hâtons vers la mort, arrêtons-nous de pécher.
Grand succès pour la première hier soir du nouveau ballet du Theater-am-Gärtnerplatz à la Reithalle de Munich sur la thématique pourtant difficile du regard que notre société porte sur la mort.
Le spectacle est placé dans un contexte chrétien, ne fût-ce que par le choix des musiques, le Requiem de Cherubini et le Stabat Mater de Pergolèse. D’emblée nous sommes plongés dans une atmosphère religieuse, la Reithalle ayant été transformée en couvent, en cimetière ou en église par Jorgi Roig à qui l’ont doit aussi les très beaux costumes: des arcades romanes couvrent les parois dans lesquelles sont reproduits des textes religieux latins en écriture caroline, des textes qui évoquent la brièveté de la vie humaine et le caractère inéluctable de la mort: l’art se met au service de la philosophie et de la spiritualité. L’idée du memento mori a notamment été diffusée par un virelai intitulé Ad mortem festina qui provient du livre catalan Llibre Vermell de Montserrat et qui date de 1399, un texte abondamment diffusé dans la chrétienté, et qu’on retrouve en décor du spectacle du Theater-am-Gärtnerplatz.
L’orchestre et les choeurs du Theater-am-Gärtnerplatz sous la direction de Michael Brandstätter sont placés en fond de scène. Deux chorégraphes, Karl Alfred Schreiner et Edward Clug, offrent au public deux interprétations très différentes du thème du memento mori.
En première partie, l’orchestre interprète le Requiem de Cherubini sous la direction précise et sensible de Michael Brandstätter qui fait admirablement monter la tension dramatique de l’oeuvre. Le travail des choeurs, préparés par Jörn Hinnek Andersen, est remarquable. L’interprétation musicale vaut déjà à elle seule le déplacement. Le chorégraphe Karl Alfred Schreiner théâtralise sa chorégraphie en habillant la moitié des choeurs de robes noires de deuil avec de larges capuches et des houppelandes qui peuvent évoquer des habits monacaux ou des vêtements de pleureuses, avec leurs visages recouverts de pudiques voilettes. Le cortège de deuil s’avance solennel et compassé vers l’avant-scène où est creusée une fosse rectangulaire dans laquelle on peut descendre par deux escaliers latéraux, les endeuillé(e)s y jetteront des brassées d’oeillets blancs. Des photophores cubiques blancs sont déposés devant la fosse peut-être en hommage ou en évocation des âmes défuntes. La mise en scène représente d’abord une mort ritualisée avec les moyens traditionnels des vêtements funèbres, de la retenue, de la gravité et de l’introspection d’un cortège funéraire. En contraste avec la tradition, l’irruption des danseurs introduira une vision plus contemporaine du rapport à la mort avec les expressions névrotiques et démonstratives d’un monde qui a perdu ses repères et la capacité de donner du sens. La danse exprime alors le déchirement et l’incompréhension face à l’irruption abrupte de la mort par des mouvements convulsifs, hystériques, maniaques, répétitifs et saccadés, avec une gestuelle parfois empruntée à la break-dance. Face au recueillement réservés des orants noirs, la nouvelle génération explose sa douleur et se dépouille de ses vêtements pour se retrouver en maillots de corps et en caleçons blancs. Schreiner crée des moments chorégraphiques de groupe d’une vivacité intense, des mouvements rapides pleins d’énergie qui alternent avec d’autres moments à la gestuelle plus lente et aux mouvements décomposés. Mais la dichotomie blanc/noir n’est que momentanée, les deux mondes, l’ancien et le moderne, finissent par se retrouver dans des gestes de protection et de consolation. La mort n’a pas d’issue, la fosse d’avant-scène figure la tombe et peut-être l’au-delà, la mort demande son tribut, et nul n’y échappe. Le corps d’un danseur reçoit la projection lumineuse d’un grouillement d’insectes qui grouillent de plus en plus et finiront par le réduire en poussière sans doute pour n’en laisser plus que le squelette. Quand tous sont morts, la mise en scène ne laisse que le maigre espoir d’une porte qui s’ouvre sur le soleil et la ville, mais pour combien de temps, un seul danseur subsiste s’en va vers la ville et la vie, laissant les morts enterrer les morts.
En deuxième partie, le Stabat Mater de Pergolèse reçoit l’interprétation de deux excellentes solistes bien connues et très appréciées du public munichois, Ann-Katrin Naidu et Elaine Ortiz Arandes, qui rendent compte des douleurs de la Vierge au pied de la Croix avec un chant profond, senbsible et très intériorisé. Le chorégraphe Edward Clug donne une approche résolument moderne du texte du poète italien Iacopone da Todi et le traduit dans un langage corporel qui permet une multiplicité de lectures. Là où chez Schneider il était encore possible de suivre un canevas narratif, on est ici en contact avec un pur expressionnisme gestuel. Ici encore la dichotomie des couleurs est présente: un groupe de 10 femmes en robes et collants blanc crème répondent à un groupe de 9 hommes tout de noir vêtus. Ils semblent d’abord rivés au sol, et seuls les hauts de leurs corps sont capables de mouvements, tous les mêmes, la contrainte (sociale?) des jambes immobiles est en contraste avec la motilité (curieuse?) du haut des corps. Un peuple inerte et curieux à la fois assiste-t-il au spectacle d’une descente d’une crucifixion dont il ne connaît plus les enjeux? Est-ce là notre reflet de public repu qui reçoit indifférent les nouvelles affligeantes du reste du monde, parce qu’il croit ne pas en être responsable et incapable d’intervenir ? Trois longs parallélépipèdes rectangles servent d’éléments de décor aux lectures elles aussi multiples. Les douleurs du Christ avant la Croix et pendant la crucifixion, l’immense douleur de Marie impuissante qui assiste à l’agonie du fruit de ses entrailles ne sont représentés que par touches qu’il faut toujours interpréter. Et tant pis pour ceux qui ne connaissent pas le texte du Stabat Mater et qui passeront outre les éventuelles allusions. Des images puissantes pourtant, telles ces hommes qui glissent leurs têtes sous les robes des femmes, la tête formant comme un gros ventre d’une maternité retrouvée, évoquant peut-être l’idée que la maternité ne s’arrête jamais et que, au-delà de la Mère supposée de Dieu, toute mère est condamnée à le rester. Des images aussi de crucifixion: un danseur est attaché à l’un des parallélépipède que l’on a redressé et y est scotché avec de larges bandes de papier collant. Et de descente de croix quand on coupe ses bandelettes. Le long bloc rectangulaire reçoit aussi une espèce de défilé de mode, contraste de l’indifférence et de la vanité humaine qui oublie la tragédie du monde dans les fastes de la consommation. Puis le bloc dévoile une cavité sur un des ses côtés, et un corps, celui du danseur attaché et détaché, le Christ peut-être, y est déposé comme dans un tombeau. Cadavre exquis qu’une femme vient rejoindre qui s’y accole. On pense à Marie, la mère du Christ, qui refuse la séparation de la mort. Mais l’accolement commence à ressembler à un accouplement. Serait-ce alors Marie-Madeleine qui refuse le départ du bien-aimé? Images d’amour et de mort, Eros et Thanatos à nouveau réunis. S’ensuivra un pas de deux inversé où c’est la danseuse qui porte le danseur, comme dans une pietà, où la Vierge porte le cadavre ensanglanté de celui qui est toujours son enfant.
Les applaudissements crépitent et l’on sort de ce spectacle déconcertés, la danse a rejoint la philosophie et la religion. Souviens-toi que tu es mortel, memento mori!
Jusqu’au 14 juillet à la Reithalle
Le Roméo et Juliette de John Cranko ouvre la saison du Bayerisches Staatsballet
John Cranko
Romeo und Julia
Les 21 et 30 septembre, les 5 et 7 octobre et le 10 novembre 2013, ainsi qu’en février, mars et avril 2014.
Nationaltheater
La danse contre le sida: soirée de gala du Theater-am-Gärtnerplatz au Théâtre Cuvilliés
Perpétuant une généreuse tradition, le Theater-am-Gärtnerplatz organise ce 30 novembre, à la veille de la Journée mondiale contre le sida, une soirée de gala en faveur de la Münchner-Aids-Hilfe, l’association qui vient en aide aux malades du sida et aux personnes séropositives à Munich, et qui a aussi l’information et la prévention pour tâches. Tous les bénéfices de la soirée et les dons seront versés à l’association munichoise de lutte contre le sida, la Münchner Aids-Hilfe e.V. Pour cette soirée de gala, le Theater-am-Gärtnerplatz présente sa nouvelle chorégraphie, le nouveau ballet de Karl Alfred Schreiner, intitulé Berlin 1920-eine Burleske. (Infos sur le post de présentation).
Ballet au Théâtre national de Munich
La Bayadère : brillante ouverture de la saison du Bayerisches Staatsballett
Magnifique début de saison au Ballet d’Etat bavarois avec la reprise de la Bayadère de Marius Petipas dans la mise en scène de Patrice Bart. Deux artistes originaires de l’Est, Vadim Muntagirov et Ekaterina Petina ont déployé d’extraordinaires talents dans une mise en scène de conte de fées.
Vadim Muntagirov |
Vadim Muntagirov, soliste à l’English National Ballet, est un jeune danseur qui accumule les distinctions. A Munich, il a fait ses brillants débuts dans le rôle de Solor les 21 et 22 septembre. Et ce fut l’éblouissement! Quels envols, quels tourbillons, et quelle hauteur de sauts! Ce danseur de 22 ans est entré dans la cour des grands et a déjà à son palmarès des premiers prix comme celui remporté au Concours Waganova et au Youth american Grand Prix à New York. La Bayadère fut dansée pour ces deux premières soirées par la soliste du Staatsballett bavarois Ekaterina Petina: elle a fait de brillants débuts dans le rôle de Nikija. Ekaterina Petina subjugue le public par sa légèreté toute aérienne, son jeu de jambes et de pointes est tel qu’elle semble glisser ou planer sur la scène, une technique parfaite, une souplesse étonnante, une douceur dans les modelés qui épate! La Gamzati de Roberta Fernandez convainc avec brio dans le rôle, sans atteindre cependant les sommets chorégraphiques des deux protagonistes.
Une superstar du ballet, Svetlana Zakharova, première ballerine au Bolchoï, bien connue de la scène munichoise où elle est régulièrement invitée depuis 1999, dansera la bayadère les 5 et 13 octobre aux côtés de Marlon Dino.
La Bayadère
Les 28 septembre 2012, les 4, 5 et 13 octobre 2012
au Théâtre National.Crédit photographique: Charles Tandy