La Foire du Paysan est le premier marché touristique d’Europe de l’Est à s’enorgueillir du label Marché de la Terre – Earth Market.
La Foire n’est donc plus un endroit où on achète et on vend de la nourriture, c’est un projet complexe reposant sur l’idée que les aliments sont plus qu’une source de nutrition, ils sont l’histoire et l’identité d’un peuple, sa culture et sa santé, sa terre et son avenir. Entrons maintenant dans l’ancienne Foire du Paysan, qui s’appellera dorénavant Earth Market.
Au début du 20e siècle, la Bourse des Marchandises, située tout près de la fabrique de bière Bragadiru et du principal marché bucarestois de fleurs, était une sorte de World Trade Center de la capitale roumaine. C’est ici que les grandes affaires se faisaient, dans le cœur d’un quartier important de la capitale roumaine : Uranus. Tout comme une partie du quartier Rahova, Uranus a été carrément rasé par les bulldozers communistes.
Le bâtiment de la Bourse des Marchandises, mais aussi le Marché de fleurs existent encore de nos jours. C’est la cour intérieure de la Bourse qui accueille la Foire du Paysan. Elle a été inventée en 2007 par le Groupe d’Initiative Radu Anton Roman – organisé à la mémoire du grand gastronome roumain qui a contribué à la promotion des produits du terroir, des recettes traditionnelles, des anciens goûts et traditions. La Foire du Paysan est en fait un marché ouvert aux petits producteurs de merveilles culinaires, de charcuteries, de fromages et autres confitures. Affiliée au mouvement Slow Food, né en Italie et qui possède à l’heure actuelle des centres dans plusieurs régions de Roumanie, la Foire du Paysan bénéficie déjà d’une grande notoriété à Bucarest. Tiberiu Cazacioc, le représentant du mouvement Slow Food à Bucarest, raconte l’importance du nouveau label de la Foire du Paysan :
« Earth Market Bucarest est le premier marché d’Europe de l’Est qui fait partie du réseau homonyme, qui possède une dizaine de filiales dans le monde. Un Earth Market est plus qu’un endroit où l’on trouve des produits et des fermiers, c’est aussi un lieu où on peut retrouver l’histoire de ce produit, l’identité du producteur, quelques aspects de la culture qui a inventé les spécialités culinaires ».
Dans la philosophie Earth Market, les aliments ne sont pas considérés uniquement d’un point de vue nutritionnel, alors que l’acte de manger est tout à fait spécial.
Earth Market met l’accent sur l’identification du lieu de provenance des produits de sorte que le consommateur les achète en connaissance de cause. Enfin, un Earth Market raccourcit la chaîne de distribution, explique Tiberiu Cazacioc:
« Le producteur est plus près du consommateur et les produits gagnent en valeur. Earth Market, c’est aussi les informations que l’on peut offrir vis-à-vis de tel ou tel produit. Prenons par exemple le fromage de brebis fermenté: dans un Earth Market on doit offrir des détails sur le lieu de provenance, le fabricant, les ingrédients et les conditions de préparation. Le commerçant doit aussi mettre à la disposition de l’acheteur une carte de la zone d’origine, ainsi que la recette imprimée. Earth Market privilégie le côté convivial de la nourriture: acheter c’est bien évidemment déguster et échanger.
On devient conscient que manger un produit qui apporte dans le présent quelque chose du passé est un acte tout à fait à part. C’est autre chose que de remplir son caddy, aller chez soi et bouffer sans savoir exactement quoi ».
Les produits traditionnels sont plus proches du concept bio. Les fabricants viennent accueillir leurs clients tous les week-ends. L’occasion de leur dire pourquoi les produits de terroir doivent être consommés plus rapidement. Ecoutons Tiberiu Cazacioc:
« On ne fait pas concurrence à un magasin qui se propose de vendre des dizaines de kilos 7 jours sur 7. Cette foire se tient seulement les samedis et dimanches et elle s’adresse aux petits fabricants qui ont une petite production.
Un de nos collaborateurs a ouvert une boutique à Bucarest où il met en vente des produits traditionnels de Bucovine, province du nord du pays. Il envisage d’inaugurer un deuxième à Vienne. C’est lui qui soulignait le besoin d’éduquer le public et d’attirer l’attention sur le caractère saisonnier des produits. Un vendeur aurait beau nous assurer que les fraises qu’il met en vente en décembre sont fraîches. En Roumanie, 90% des vendeurs qui se réclament producteurs ne le sont pas. Mais la légende des produits autochtones se vend toujours bien, même si les légumes présents sur l’étalage quelle que soit la saison ne sauraient venir de Roumanie ».
Qu’est-ce que ce nouveau statut octroyé à la Foire du Paysan de Bucarest change?
« Primo, cet événement qui facilitait la rencontre avec le producteur a gagné une dimension internationale, ce qui a diversifié le public. Secundo, la Foire deviendra une sorte de marché touristique de la capitale. A la différence d’autres marchés de Bucarest qui ressemblent plutôt aux bazars, celui-ci apporte quelque chose de nouveau. C’est le lieu où producteurs et acheteurs se retrouvent, le lieu où les événements sont centrés sur la nourriture et où l’on peut apprendre tout ce qu’on veut savoir sur ce que l’on achète ».
Dernier détail important: de tels marchés, on en retrouve aussi en Israël, au Liban ainsi qu’en Italie.
Auteur : Andreea Demirgian ; trad. : Alexandra Pop, Alex Diaconescu