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« L’île aux musées » : Le regard des statues

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J’ai bien du lire une trentaine de romans depuis que j’ai parcouru la première page de « L’île aux musées » en avril dernier : « C’est un homme seul dans l’avenue monumentale qui traverse le parc, Tiergarten, et mène à la porte de Brandebourg. »


Et entre tous ces livres qui m’ont offert un plaisir secret et m’ont accompagné en contrebande, je suis revenu, page après page, au chevet de mon lit, à cette couverture brune de l’ouvrage de Cécile Wajsbrot. Un livre de confidences, de chuchotements.

« Vous fouillez inlassablement les sols et les sous-sols, même au cœur des déserts vous espérez, inventant des cités englouties et des mers asséchées. »

Je pensais peut-être pouvoir faire moi-même le lien. Aller à Berlin pour une réunion et prendre le temps du cheminement, de salle en salle, d’arbre en arbre. Mais décidément, je ne connaîtrai sans doute jamais la capitale de l’Allemagne réunifiée. Alors il me manquait la moitié de la pomme.

Entre les musées de Paris, enfermés par le quai de Seine et la rue de Rivoli et les grands édifices reliés sur une île berlinoise dont je ne peux que rêver, il y a un grand vide géographique à combler. Entre le temps d’une année où mon bureau temporaire s’éclairait du soleil des Tuileries et l’automne que j’imagine somptueux dans les parcs de Peter Joseph Lenné, il y a un plus grand vide temporel encore, dont faire le deuil.

« J’aime sentir passer le temps, ne pas regarder l’heure et la deviner à des signes – la lumière, les bruits, l’afflux des gens plus ou moins dense – les musées vont sans doute bientôt fermer. »

Et puis, je pensais que des personnages allaient surgir entre les grandes sculptures symboliques. Plus qu’un homme et une femme qui se croisent, puis se suivent de salle en salle, comme si leurs corps désirables devaient, avant de se réunir, trouver l’abri d’un dieu d’Egypte, l‘abandon d’une femme de Maillol ou la froideur des statues de tombeaux.

« Mais le temps n’est plus aux grands tombeaux ni aux gisants – ces hommes de pierre couchés. Les effigies ne sont plus des portraits dans lesquels on cherche à capter une ressemblance mais plutôt, telle cette femme géante – une sorte d’Atlante, une créature plus tout à fait humaine – une personne anonyme presque abstraite, un système, un pays qui a donné la mort et qui se réveille d’un sommeil hypnotique, plus tard. »

Deux couples se désunissent en se trouvant. Et les phrases même se détournent de leur attirance.

Pourquoi n’osent-ils autre chose que les frôlements ? Aiment-ils ou non la peinture, et ces nymphéas qui se mettent à raconter leur histoire, quand les armées allemandes pillaient les cadres dorés des musées parisiens et quand les armées alliées, le temps d’atteindre une guerre froide, rapatriaient de la Prusse des biens que leurs princes ou leurs empereurs avaient déjà retirés de leur écrin, des siècles plus tôt.

Quand les musées furent érigés, devant les Palais des Empereurs, dans les palais des rois.

J’aime bien entendre les œuvres parler. « Nous avons mis du temps à gagner le sourire, vous n’imaginez pas le nombre de siècles qu’il nous a fallu, au début notre attitude était rigide et hiératique. Au début, on enchaînait nos pieds pour s’assurer que la divinité cachée en nous ne déserterait pas le temple – vouant ainsi la ville au malheur. Parfois, pour être plus sûr, on nous présentait sans pieds. »

Je pensais pourtant que le ballet sournois et morbide allait cesser. Je pensais que les amants allaient oser visiter ensemble. Mais les œuvres sont solitaires, ainsi déprises des lieux et des circonstances qui les ont vu naître. Et ainsi des hommes.

« Elle est partie, tout le monde est parti. La grille se referme. Et nous sommes là. Nous restons. »

Ils savent cependant qui aimer. Je sais qui j’aime.

Ce roman est paru chez Denoël l’an passé…et le mien continue.

Photographie : cimetière Montparnasse.

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