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La vertu, le lys et la passion de Balzac

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Félix de Vandenesse, un jeune aristocrate, a vécu une enfance et une adolescence des plus difficiles: né après un frère, qui a pris toute l’affection dont était capable la mère, et une soeur, il n’y a plus de place à prendre dans le coeur maternel. Aussi, passe-t-il son temps entre rêveries et sarcasmes, entre désir d’être aimé et les tristes pensions où la famille l’envoie étudier.


Une morne existence scande ses jours gris jusqu’au jour où, lors d’un bal, donné en l’honneur du duc d’Angoulême, à Tours, il rencontre une femme qui le subjugue au point de lui faire perdre toute mesure: il lui baise avec passion les épaules…ce qui fait rougir et fuir la belle dame. Qui est cette céleste inconnue? Un concours de circonstance heureux, amène Félix à séjourner à Frapesle, chez les Chessel, amis de sa mère, où il rencontre enfin celle qui l’enchante depuis le fameux bal.

Commence alors une douce, longue et romantique histoire d’amour platonique, entre Félix, à peine sorti de l’adolescence, et Henriette de Mortsauf. Chaque jour voit grandir l’attachement, quasi maternel, de ces deux êtres malmenés par la vie: Félix, englué dans une enfance solitaire et triste, et Henriette, mariée très jeune à un homme déjà vieux, mère de deux enfants souffreteux, épouse d’un hypocondriaque persécuteur et égoïste. La vallée de l’Indre devient le cadre idyllique d’un amour éthéré au creux duquel deux amants vertueux épousent leurs souffrances, leurs peurs et leurs espérances: les vergers, les bois et les landes offrent mille et un bouquets au fil des saisons, messagers délicats d’un lien amoureux des plus purs (d’ailleurs, Mme de Mortsauf ne tient-elle pas à considérer Félix comme son enfant, afin de pouvoir l’aimer sans offenser son serment d’épouse!), le parc et les allées somptueuses ombragées, les lieux de tendres confidences et de mains maintes fois baisées avec passion. Cependant, la belle harmonie s’avère n’être pas éternelle: encouragé par les sollicitations de Mme de Mortsauf, Félix se lance dans les affaires publiques en intégrant le cabinet du roi, à Paris. Après un long séjour en Touraine au cours duquel la maladie du comte rapproche encore plus les amants et transcende leur dévouement tout en élevant leur âme, le nouvel éloignement, nourrissant la mélancolie d’un Félix, amoureux d’une étoile, rend ce dernier bien désirable pour les femmes du monde attirées par l’ombre d’un amoureux transis. C’est ainsi que Félix rencontre Lady Arabelle Dudley qui lui ouvre grand les portes de la passion charnelle, celle qui consumme et brûle les coeurs et les corps. Une indiscrétion de la part de la mère de Mme de Mortsauf plonge cette dernière dans les terribles affres de la jalousie, jalousie qui lentement lui rongera le coeur.

Ma première lecture datant du lycée,c’est avec un plaisir mêlé d’appréhension que j’ai relu « Le lys dans la vallée »: retrouverai-je le charme de cette histoire d’amour impossible? Serai-je encore émue par les descriptions somptueuses des paysages et des émotions? Serai-je à nouveau sous le charme d’une atmosphère romantique, champêtre et pleine de bons sentiments?

La maturité aidant, j’ai mieux cerné le personnage d’Henriette qui loin d’être une romanesque amoureuse évaporée, est une femme ayant la tête sur les épaules, sachant organiser et gérer un domaine, au dévouement extrême envers son époux et ses enfants qu’elle protège et chérit. C’est elle qui détourne Félix de son envie d’entrer en religion et l’amène à se lancer dans le monde afin d’y faire carrière: Henriette est fine politique et fine mouche aussi, elle sait qu’elle perdra Félix et sans doute pense-t-elle se sauver d’elle-même en l’éloignant de Clochegourde afin qu’il apprenne à voler de ses propres ailes. Certes, elle larmoie, pleure beaucoup sur ses malheurs domestiques et spirituels; certes, elle repousse trop l’amour aveugle de Félix par des pirouettes à la limite de la coquetterie, même au nom de la bienséance et du devoir moral, et signe d’autant plus ses sentiments qui l’attache à ce jeune homme sans expérience, brûlant de passion et d’imaginaire; certes, elle agace parfois mais elle surprend très souvent….plus que Félix! Henriette est le portrait de l’image, délicate et complexe, de la dame du monde vue par Balzac: intelligente, passionnée et sentimentale, solitaire ayant conservé une âme d’enfant tout en possédant une haute idée du devoir conjugal et maternel. Une femme-mère-enfant, idéal balzacien qui peut paraître aujourd’hui non seulement désuet mais frisant aussi le ridicule. La relation, amoureuse platonique, entre Félix et Henriette est proche du sentiment éprouvé par certains mystiques d’où la douleur face à l’incomplétude lors de l’expérience du manque (les absences de Félix et surtout son infidélité), mal nécessaire dans le combat mené entre les sens et l’âme. Henriette expérimente la plus déchirante des douleurs: celle de constater avec amertume que sa vie ne fut qu’un mensonge, qu’elle n’aspirait qu’à vivre son amour avec Félix. Au prix d’une lutte sans merci avec sa conscience, elle parviendra à dépasser l’amertume d’une défaite pour parvenir enfin à la sérénité.

J’ai goûté avec délice la construction intéressante du roman: une longue lettre de Félix à une femme qu’il aime, Nathalie de Manerville, dont la réponse est d’une savoureuse ironie, Balzac montre qu’il a un grand humour et peu d’illusions sur la nature humaine (Félix est loin de tirer les marrons du feu!)!

J’ai aimé la diversité des points de vue orchestrés par un Balzac qui dut certainement désarçonner nombre de ses contemporains: comment mettre en scène l’amour-passion, avec le souvenir de la scène du baiser à l’épaule, à un moment intime de l’agonie d’Henriette, tout en exprimant les vertus des valeurs de la famille, les critiques de la société (entre les enfances sombres et solitaires dans les familles aristocratiques, les jeunes filles mal mariées à des hommes dejà âgés, et aigris, et les hypocrisies d’un système qui exclut les capacités féminines, Balzac décoche quelques flèches désagréables) mais aussi ses points positifs ou encore louvoyer entre la beauté de la passion et la défiance envers cet état brûlant et dévastateur, sans heurter la sensibilité « romantique » du moment!? A la lumière du XXIè siècle, ressent-on de l’outrance, voit-on du « faux » ou de l’improbable dans certaines scènes? Si on est cynique…certainement sinon…on voit la passion amoureuse déchirer une femme seule, mariée à un tyran domestique, qui ne sait et, surtout, ne peut pas laisser tout derrière elle pour vivre cette passion!

J’ai savouré « Le lys dans la vallée » comme un souvenir qui soudain rejaillit et prend une autre ampleur avec les années écoulées: la lente et belle promenade sur les bords de l’Indre, partie de « la doulce France » chère à la Renaissance, avec les descriptions des paysages où la nature est magnifiée, presque idéalisée (ahhh la scène des vendanges!!!), offre une belle adéquation entre la personnalité de l’héroïne et son environnement (Henriette est douce et généreuse comme le sont les rives de l’Indre, sa belle âme ne peut que vivre au coeur d’une nature d’abondance).

La langue française classique a une musicalité ineffable et indicible…la lire est un plaisir, la quitter une promesse de revenir boire à une source d’émotions loin d’être surfaites.

Roman lu dans le cadre des lectures communes de Parfum de livre

Roman lu dans le cadre du défi Littérature classique (1/12)

http://chatperlipopette.blogspot.com/
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