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La littérature hongroise était, il n’y a encore que quelques années, peu connue en France. Pourquoi ? D’une part, parce qu’il existe peu de traducteurs magyars ; d’autre part, parce que de nombreux auteurs furent censurés du temps du communisme. Sandor Marai, lui-même, l’une des plus grandes voix de la littérature européenne, ne fut découvert que dans les années 90. Et, ce, pour une raison supplémentaire : en 1956 les Soviétiques ayant écrasé le soulèvement des insurgés hongrois, il s’était refusé à ce que ses ouvrages soient publiés en Hongrie aussi longtemps que ceux-ci y demeureraient. Heureusement sa renommée a, depuis lors, rattrapé le temps perdu et il est devenu un classique pour les nouvelles générations. Aujourd’hui, ses romans ne cessent de rencontrer une audience de plus en plus large et d’être re-publiés.
Biographie de Sandor Marai; écrivain hongrois majeur
Né à Kassa en 1900, dans une famille de la grande bourgeoisie d’origine allemande, il fit ses études à Leipzig, puis vécut à Francfort et Berlin, avant de rentrer dans son pays. Confession d’un bourgeois, son premier livre, lui valut une célébrité immédiate en Hongrie. Il y raconte la vie d’un monde en train de disparaître. Vision prémonitoire de ce qui se prépare : l’invasion des armées allemandes et les crimes du nazisme. Il écrivit ensuite des poèmes, des nouvelles, des pièces de théâtre et des récits de voyage, mais se garda bien d’appartenir à une quelconque coterie littéraire. Il fera toujours cavalier seul.
Opposé à toute forme de domination politique, il se refusera avec détermination à une Hongrie alliée à l’Allemagne nazie et envisagera très tôt de voyager dans une Europe qui, sous ses yeux, commençait à se défaire. Journaliste, il choisit une vie d’errance et se fait d’ores et déjà le mémorialiste d’une société perdue et le chroniqueur de la décadence austro-hongroise. Il saura décrire d’une plume nostalgique, mais sans complaisance, le milieu provincial et bourgeois très cultivé dans lequel il était né.
Durant l’hiver 44-45, l’Allemagne vaincue, c’est au tour des chars russes d’entrer dans Budapest et d’y écrire une nouvelle page sombre. En 1948, désespéré, l’écrivain choisit l’exil, d’abord en France et en Italie, puis en Californie où il s’installera définitivement. Il mourra à San Diego en 1989.
Sandor Marai ; une oeuvre crépusculaire sur l’Europe centrale
Sortie de son purgatoire, l’oeuvre flamboyante de Sandor Marai ne cesse de nous frapper par la perspicacité de ses observations sur les peuples de la vieille Europe, la justesse de son trait, la fascinante complexité de ses personnages et l’élégance majestueuse de son style. Peu d’écrivains ont eu cette précision de plume, cette justesse de ton, inspiré par un sobre désespoir. Il écrira : « L’Europe centrale est unlaboratoire de crépuscule « . D’où le titre de mon article.
Les Braises, l’un de ses livres les plus connus de Sandor Marai, raconte les retrouvailles de deux vieillards qui furent dans leur jeunesse amoureux de la même femme. Au terme de leur existence et au coeur d’un château gothique passablement délabré, il se retrouvent, après plus de trente ans, pour un ultime face à face. Dialogue nourri de silences et de non-dits d’une force pathétique où s’affrontent deux conceptions de la vie, deux témoins d’un désordre annoncé. Roman sur l’amitié égarée, les amours impossibles, la douleur du vieillissement.
Métamorphoses d’un mariage nous décrit le conflit passionnant entre trois personnages, le mari, l’épouse et la servante. Peter, mal à l’aise dans son costume de bourgeois, se cherche une raison de vivre, bien qu’il ne soit pas prêt à se détacher de son héritage moral et matériel. Ce récit n’est pas pour autant un roman à thèse. Chacun des héros est rongé par le doute et l’écrivain y apparaît tour à tour comme le critique et le défenseur d’un monde qui s’écroule.
L’héritage d’Esther est un court texte d’une élégance et d’une sobriété admirables. L’héroïne vient de fêter ses cinquante ans et coule des jours paisibles dans sa demeure vétuste, lorsqu’une lettre de Lajos, son ancien amant, lui parvient. Il y a plus de vingt ans qu’il l’a quittée pour épouser sa soeur. Son retour n’en est pas moins pour elle facteur d’interrogations et d’émotions. Portraitiste éclairé, Marai se livre, dans cet ouvrage, à une évocation poignante du passé dans un décor suranné qui nous plonge dans une ambiance intensément poétique. Un chef-d’oeuvre.
Divorce à Buda décrit les affres d’un divorce durant lequel vacillera l’amitié de deux hommes et où aura lieu une révélation en mesure de changer le cours d’une vie. Dans ce récit, l’écrivain révèle une fois de plus sa connaissance clinique de la nature humaine.
Mémoires de Hongrie, mon livre préféré de Sandor Marai avec L’héritage d’Esther, furent rédigées 20 ans après les événements évoqués et composent une fresque saisissante de la Hongrie et de son Histoire. Marai y raconte l’entrée victorieuse des chars soviétiques et l’instauration du régime communiste avec un regard détaché de toute idée préconçue. Il nous apprend de quelle façon, après les horreurs du nazisme, le communisme vint parachever une oeuvre de déshumanisation.
» Les Russes et les communistes – écrit-il – pourtant nous les avions vu de près…sansrencontrer parmi eux des hommes animés d’un véritable esprit messianique : sous couvert de justice sociale, ceux-là ne nous avaient apporté que de nouvelles formes d’exploitation. Pouvait-on espérer que cet ultimatum, agissant comme un catalyseur, donnerait naissance, à côté de deux grandes puissances, les Etats-Unis et l’Union Soviétique, apparues sur la scène de l’Histoire à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, à une autre Europe, véritable réserve d’humanisme dans un monde dominé par l’industrialisation et le militantisme, et prouvant, par sa seule existence, que le Tout est plus grand que les parties qui le composent? »
Il y poursuit une réflexion éthique sur le rôle de l’écrivain face à l’histoire » arbitraire, capricieuse et imprévisible« . Une méditation empreinte d’une constante remémoration qui convoque sur la scène culturelle quelques-uns des plus grands écrivains et poètes européens avec une lucidité jamais prise à défaut qui révèle sa maîtrise du récit et sa rare intelligence des situations.
« Et en toile de fond, grandissait sans fin, l’ombre de Proust, son oeuvre émerveillante, redoutable, infernale, dont les fumées sulfureuses couvraient jusqu’aux horreurs du siècle. Proust assurément le sommet de ce qui avait fleuri au cours du siècle dans la grande génération de la littérature française. Pourtant, et manifestement, le livre n’était plus ce qu’il avait été : ce lieu privilégié qui naguère faisait encore autorité et avait voix au chapitre dans les grandes affaires de l’humanité. ( … ) Non seulement parce que dans la conjoncture favorable de l’après-guerre, quelques mercantiles affamés de profits jetaient par wagons entiers du papier imprimé sur le marché. Mais aussi, parce que, selon le constat ultérieur de certains sages, et quelque fût le contenu du livre, la liturgie même de la lecture avait déjà été supplantée par celle, combien profane, de l’image. »
En 1989, Sandor Marai, comme Stefan Zweig, l’illustre romancier et historien juif autrichien, auquel on l’a très souvent comparé, se suicidait à San Diego. Il n’a rien dit de la raison de cette mort choisie en toute connaissance de cause. Mais on peut la deviner : il était intolérable à un homme comme Sandor Marai que cette civilisation qui avait donné naissance à Goethe, à Mozart, à Rembrandt, à Pascal et à un si grand nombre de génies ait pu enfanter deux monstres : le nazisme et le communisme et enterrer sous leurs cendres encore chaudes les 1000 ans de son Histoire.
L’ensemble de l’oeuvre de Sandor Marai est publié aux éditions Albin Michel
Enfant unique, j’ai eu très tôt envie de me créer un monde imaginaire et me mis à rédiger des poèmes et des contes. A 18 ans, j’écris "Terre promise" qui sera publié deux ans plus tard sous le pseudonyme d’Armelle Hauteloire et me vaudra d’être remarquée par plusieurs personnalités du monde littéraire. Après des études d’art et de journalisme, je reprends, après mon mariage, des études de psychologie et de graphologie et exerce la profession de graphologue pendant plusieurs années. En 1983, je reviens à mes premiers amours : la poésie ... Le thème de la mer a toujours été très présent dans mon univers poétique et ce, d’autant plus, que je demeure sur le littoral normand et que mon mari est un marin confirmé."Profil de la nuit" reflète mon itinéraire en poésie. Ma participation à Ideoz va de soi, puisque voyages et culture y sont intimement liés. Donc bon vent à tous...
Interligne est un blog qui privilégie l’évasion par les mots, d’abord, par l’imaginaire…toujours.
J’aime beaucoup l’oeuvre de Bohumil Hrabal, dont La Chevelure Sacrifiée.