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Mademoiselle Drot ; un téléfilm touchant sur le sens du devoir

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Mademoiselle Drot est un très beau téléfilm français réalisé par Christian Faure. Fidèle adaptation du joli roman Vieille France d’Hélène Millerand, Mademoiselle Drot nous plonge en France à l’aube de la 2ème guerre mondiale. Outre la réalisation soignée, cette fiction bénéficie de l’excellente interprétation de Louise Monot et d’un casting très réussi parmi lequel figure Anémone et Lionel Abelanski.

Synopsis. Bénédicte Drot de Fézinzac, issue de la noblesse versaillaise, est reniée par sa famille quand celle-ci découvre qu’elle est enceinte en dehors des liens du mariage. Bénédicte paie le prix de son « pêché » en mettant au monde cet enfant dans la « bonne » société française de 1938. Etre fille-mère à cette époque est inacceptable dans son milieu. Après avoir assumé sa faute et abandonné sa fille aux soins des religieuses tout en essayant en vain de créer un lien filial avec elle, cette jeune femme aux bonnes manières et cultivée profite de ses évidentes qualités pour rentrer au service d’une riche famille juive, les Treives.

Devenue gouvernante, Bénédicte Drot, fervente catholique, va se confronter à une haute société pour qui la vie semble rimer avec frivolité, insouciance, réceptions et bon temps, même si les rumeurs de guerre grondent. La domestique, passablement antisémite par éducation plus que par conviction et idéologie, éprouve pour ses patrons une véritable aversion quand elle découvre brutalement leur judéité. D’ailleurs, elle ne manque pas de se heurter à tous ses préjugés dans une France déjà rongée par le poison insidieux de l’antisémitisme.

mademoiselle drot

L’irruption de la guerre va la colleter à une tension entre son éducation et l’affection naissance pour sa patronne dont la gentillesse contraste avec la sécheresse de l’attitude de la domestique. La défaite, l’exode avec « Madame », enceinte et sur le point d’accoucher, qui ne supporte pas l’éloignement de son époux chéri parti sur le front, viennent bousculer ses fragiles équilibres et ses certitudes. Elle va ainsi apprendre à aimer cette famille à qui tout l’opposait et qu’elle sert avec abnégation, au point de tout faire pour essayer de la protéger et  l’aider à échapper au sort réservé aux Juifs de France, déportés et envoyés à l mort dans les camps avec la complicité des gendarmes et de la Milice.

Mademoiselle drot famille Treives

Mademoiselle Drot ; un mélodrame interprété avec justesse

Savoir reconsidérer ses préjugés, mettre ses principes entre parenthèses pour rentrer en résistance est l’une des choses les plus difficiles qui soit…. S’oublier et mettre sa vie au service du bonheur des autres sans le regretter un instant n’est pas moins admirable. Mademoiselle Drot est à la fois étriquée et humaine, douce et sévère, généreuse et rigide, mais sa haute conscience de ses responsabilités et son dévouement sans faille conduisent ce personnage à évoluer pour devenir une belle âme, dans une période troublée, où son éducation aurait du la conduire à soutenir le pétainisme, si cher à tant de « bons français ».

L’une des principales limites du téléfilm se situe dans l’approche binaire et superficielle de la guerre, dépeinte avec bien trop de manichéisme. Par moment on est saisi par une impression étrange d’échapper presque à la dureté de la guerre et à ses réels affres. Les moments comme les lieux sont le plus souvent suggérés. Quelques décors sont plantés avec un souci de retranscrire une nostalgie du temps passé. La guerre ne deviendrait-elle qu’un arrière plan? Les personnages fonctionnent en vase clos et c’est là que la faiblesse devient une force. Le glissement vers l’inévitable tragédie d’Antoinette Treives n’opère que parce que son amour inconditionnel pour un mari engagé dans la Résistance en Angleterre lui retire tout goût de vivre, malgré son rôle de mère aimante. Bien que protégée dans une vie très confortable en zone libre, elle perd tout sens des réalités, au point que l’illusion de  revoir son mari dans leur maison parisienne la précipite vers un destin sans retour… On peut déplorer l’absence de personnages vraiment gris, tout comme les traits de caractère de tous les personnages trop peu nuancés.

Certes, on pourrait réduire Mademoiselle Drot à première vue à un mélo historique facile et larmoyant, d’autant que tout dans l’intrigue relativement basique et sans réel rebondissement, se prête à ce constat. En effleurant des personnages à la psychologie peu fouillée, le réalisateur ne manque pas de me frustrer, tout en cultivant une louable simplicité qui devient finalement un atout.  C’est bien la dimension sacrificielle troublante de cette femme forte et secrète que je retiens principalement et qui m’interroge.

Surnommée « Vieille France », Mademoiselle Drot incarne le reflet d’une France partagée où l’on questionne la notion du « bon français ». Chaque scène confronte Mademoiselle Drot à ses croyances et cette constance sauve la fiction. Son austérité et son apparente distance entretenue par son refus de se livrer, se muent progressivement en bonté et en total don de soi désintéressé. Bénédicte Drot est amenée à explorer, comprendre et gérer ses contradictions morales, ce qui en fait un personnage touchant et prenant. En définitive, l’essentiel de l’intérêt du téléfilm tient à la capacité de Mademoiselle Drot à entretenir farouchement le non-dit et à transmettre son affection, son amitié et son amour pour Antoinette et son fils Maxime, à travers des silences très parlants, une présence et une pudeur chargés d’une formidable force dramatique.

Si autre bémol il y a, c’est sûrement dans le recours quasi systématique à des ressorts émotionnels un peu trop faciles par moment. La ficelle si évidente et pratique soit-elle n’en reste pas moins efficace, puisqu’on ne peut s’empêcher de rentrer en empathie avec cette Mademoiselle Drot malgré la sécheresse de son ton, la dureté de son regard … Plutôt que de la juger pour ses faiblesses de mère incapable de s’occuper de sa propre fille, on admire la femme qui choisit d’élever un enfant qui n’est pas le sien pour lui transmettre tout l’amour que lui a inspiré sa mère disparue.

Louise Monot est magnifique. L’actrice intuitive et dotée d’une belle palette d’émotions se glisse avec talent et intelligence dans la peau de Mademoiselle Drot. Mélanie Bernier interprète sa patronne joviale et aimante et lui rend la réplique avec tout autant de conviction. On ressent dans son personnage d’Antoinette Treives une légèreté et une fraîcheur pourtant constamment mêlée de gravité.

Au final, Mademoiselle Drot s’avère une réussite, alors que certains choix du metteur en scène auraient pu réduire ce téléfilm à un simple mélodrame sans grande surprise. La réalisation est sobre et maîtrisée malgré quelques grossières erreurs de plans truqués. Mademoiselle Drot est une oeuvre sincère, qui sait toucher sans mièvrerie et devrait vous arracher quelques larmes. Tous les acteurs jouent justes et nous transportent dans une histoire bouleversante et même attendrissante, malgré ses drames.

Le téléfilm est une bonne introduction pour donner envie de lire le roman, qui allie poésie, nostalgie et humanisme.


Bande-annonce : Melle Drot par france5

Sandrine Monllor (Fuchinran)

5 commentaires sur “Mademoiselle Drot ; un téléfilm touchant sur le sens du devoir”

  1. J ai vu ce film hier grâce à votre lien. J ai apprécié les interprétations des deux héroïnes. Je le recommande aux autres lecteurs, à mon tour.

  2. Très beau téléfilm qui interprète parfaitement le livre « Vieille France » d’Hélène Millerand (paru en 2010. Existe en poche)

  3. Oui je l’ai vue, très bien joué. Il est rare que je ne descende pas de ma bicyclette avant la fin d’un téléfilm. J’ai aimé la rigide droiture de « vieille France » comme on appelait cette gouvernante. C’était fascinant de voir comment elle a accepté son destin et l’a sublimé. Elle avait quelque chose de nietzschéen, qui m’a énormément plu.

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