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Timisoara reconvertit ses monuments historiques au service du Théâtre

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La ville de Timisoara est souvent connue des français, car elle a été le point de départ de la révolution de 1989, qui a mis fin à la dictature de Ceausescu. On oublie souvent que cette ville dispose d’un patrimoine historique très intéressant qui est désormais en cours de reconversion au profit de la Culture. Le Théâtre trouve à Timisoara un véritable souffle, alors que Timisoara dispose de quatre théâtres  classés monuments historiques…

Velica Panduru – « Lorsque je suis entrée pour la première fois dans cette salle, j’ai vu la lumière qui entrait par ces larges baies vitrées. Nous avons enlevé les vilains revêtements verticaux en bois et nous avons découvert des murs superbes, en brique, légèrement moisis. C’était comme dans une photo de Jan Saudek, un de mes photographes préférés. Tout est né par la suite avec cette salle comme source d’inspiration. C’était une source d’inspiration extraordinaire et nous avons voulu en exploiter le moindre recoin ».

C’est ainsi que Velica Panduru créa une maison-forêt. Arbres, plantes rampantes, parterres de fleurs, petits étangs, oiseaux animés jaillissaient parmi les meubles défraîchis d’une famille en train de se briser. Cette nature morte vivante était le terrain de jeu de « La maladie de la famille M. » imaginée par le dramaturge italien Fausto Paradivino et mise en scène par Radu Afrim, le rouquin enfant terrible du théâtre roumain post-communiste. Un spectacle longuement controversé, aussi bien en Roumanie qu’en France, où il fut présenté lors d’une tournée exceptionnelle à l’Odéon parisien, en 2009. Un seul élément fit l’unanimité aussi bien de ses adulateurs que de ses détracteurs – les décors de Velica Panduru, couverte non seulement de louanges mais aussi d’un prix national pour sa forêt insolite. Au-delà de l’acte artistique, ce projet a fait connaître dans toute la Roumanie la Salle n°2 du Théâtre National de la ville de Timisoara (dans l’ouest du pays). Le nom peut paraître prosaïque, mais les visées sont hautes, explique Ada Lupu Hausvater, directrice du théâtre :
« La salle 2 est un espace de recherches théâtrales, qui bénéficie d’équipements scéniques de dernière heure, dans un espace blanc, qui ne renvoie ni au Baroque ni au Rococo… Selon moi, le théâtre suppose, de nos jours, un espace simple, modelable selon les besoins de chaque spectacle. Timisoara avait besoin d’un tel espace depuis longtemps … »

Effectivement, la troisième ville de la Roumanie dispose de quatre théâtres publics entassés néanmoins dans un seul et unique bâtiment. Les Théâtres allemand et hongrois, d’un côté, l’Opéra et le Théâtre National, de l’autre, se partagent les salles principales de ce que l’on appelle le Palais de la Culture. Idéal pour les spectacles lyriques, le grand auditorium édifié en 1875 est, en revanche, perçu comme un carcan par l’équipe du Théâtre National, désireuse d’explorer davantage de textes contemporains. La rigidité de la salle conçue selon les canons décoratifs de l’Empire des Habsbourg, les difficultés techniques ou encore le peu de temps qui leur est imparti pour répéter – tous ces éléments mettent les acteurs et les metteurs en scène mal à l’aise. En quête de solutions, le théâtre a eu l’idée alors de se tourner vers des bâtiments, qui, malgré un statut spécial inscrit dans des documents officiels, n’ont l’air d’intéresser à l’heure actuelle ni autorités ni investisseurs, selon la directrice Ada Lupu-Hausvater.
« Cela se passe partout en Europe – les monuments historiques sont utilisés à des fins culturels. Ils sont de toute manière sauvés et pas nécessairement avec des sommes colossales. On pourrait sauver ainsi de nombreux bâtiments en Roumanie aussi, si les gens le voulaient réellement. Le législateur devrait créer un cadre d’action en ce sens ; les lois devraient être modifiées ou améliorées de sorte à pouvoir sauver notre histoire. C’est facile de détruire mais très difficile de récupérer… »

C’est pourquoi en 2008, le Théâtre National de Timisoara innove. Il devient la première institution roumaine du genre à récupérer un monument historique pour le transformer en espace de jeu. Erigé en 1870, le bâtiment appelé désormais la « Salle n°2 » est un ancien manège du temps de l’impératrice Marie-Thérèse. Ayant également servi de salle de sport, il était pratiquement à l’abandon, dans un état de dégradation avancée. Le théâtre ne se contente pas de le restaurer de fond en comble ; il fait construire un nouvel édifice hi-tech à l’intérieur, au ras des vieux murs. Ce puzzle de passé et de présent a également apporté un changement dans la composition du public du Théâtre National, explique Ada Lupu-Hausvater.
« Ca a été incroyable. Nous avons ouvert au public la Salle 2, aussitôt que nous l’avons reprise. Depuis le spectacle avec « La maladie de la famille M. », nous avons un nouveau public, avec des spectateurs fidèles qui viennent voir une production plusieurs fois de suite. Et il ne s’agit pas de petits jeunes, mais d’adultes qui d’habitude sont très occupés, qui ont une famille à charge et qui n’ont pas de temps à perdre. Ces gens nous vendent, donc, leurs loisirs et nous devons prouver que nous avons aussi bien la capacité que les moyens de leur donner quelque chose en échange ».

La hausse de la fréquentation de ses productions, accompagnée d’une demande croissante de spectacles, a amené le Théâtre National de Timisoara à poursuivre son élargissement, unique en Roumanie. Dans la foulée, le théâtre reprend également un petit studio, dans le grenier du Palais de la Culture, son siège principal. Avec cette minuscule Salle n°5, dédiée aux face-à-faces entre comédiens et spectateurs, l’institution est le premier théâtre du pays, hors la capitale, à pouvoir jouer dans 3 salles, auxquelles s’ajoutera bientôt une quatrième, tout aussi insolite.

« Venez voir l’endroit depuis là-haut… »

Depuis la galerie, la vue sur l’intérieur de la Synagogue dite « Fabric » est à couper le souffle. La beauté et la richesse des décorations sont encore visibles, même si les murs sont rongés par les moisissures et l’humidité, le plancher défoncé, les ornements ébréchés. Aucun service religieux n’y a été célébré, depuis 25 ans. On ne dirait pas que cet édifice, inauguré en 1899, est un monument historique classé. Forte de quelque 13 mille membres de par le passé, la communauté juive de Timisoara ne compte aujourd’hui qu’environ 700 personnes. Elle n’a plus les moyens d’entretenir qu’une seule des 3 synagogues de la ville. Afin de sauver la vieille construction guettée par la ruine du quartier de Fabric, la communauté l’a cédée au théâtre pour une période de 35 ans. La scénographe Velica Panduru y a fait déjà des projets pour un futur spectacle:
« J’adore les espaces nonconventionnels. Je n’aime plus travailler sur des scènes classiques, mais tout construire depuis le niveau 0. Lorsque j’ai vu la synagogue, j’ai vraiment souhaité que ce soit moi la première à travailler là-bas. Je pense que ce genre d’espace doit être lui-même mis en exergue et tous les éléments existants – utilisés. Je n’aurais jamais construit un décor là-bas – ce sont des endroits dont on doit profiter en tant que tels. Ce serait domage d’en modifier l’apparence ».

Cette patine du temps, voire plus, sera, effectivement, gardée – le bâtiment subira de lourds travaux, mais le résultat ne doit surtout pas ressembler à une coquille flambant neuve, explique la directrice du Théâtre National de Timisoara, Ada Lupu-Hausvater.
« Nous voulons que ce soit évident que le spectacle est réalisé dans un espace qui a déjà une histoire et toute une spiritualité derrière. Mais, nous devons avoir certaines conditions pour jouer. Nous avons été autorisés à intervenir d’urgence pour le réparer et le conserver afin de pouvoir servir comme espace théâtral. Je le souligne, nous n’allons pas la restaurer, mais l’assainir. A l’intérieur de la synagogue, les stucs tombent. L’édifice a une coupole en bois, plaquée d’argile étonnamment fixée avec des clous. Le toit est cassé et la pluie a pénétré à l’intérieur. Les parties en bois doivent être complètement changées, les murs nettoyés, les moisissures éradiquées, le plancher – refait. Ce n’est pas aussi cher que l’on pourrait imaginer ».

Justement, remettre à neuf deux monuments historiques et aménager trois nouvelles salles – on peut penser que la facture est faramineuse. Pourtant, le coût total de cette opération – qui inclut également la construction d’une véritable usine de décors, une autre première pour la Roumanie – est évalué à moins de 10 millions d’euros. A titre de comparaison, la seule rénovation du Théâtre National de Bucarest, qui doit commencer prochainement, est estimée à une cinquantaine de millions d’euros.
Cela fait que, pour Ada Lupu-Hausvater, il est évident que sauver un monument historique n’est pas tant une question d’argent, mais de volonté et de changement de méthodes de travail obsolètes.
« J’espère que notre projet aura un effet boule de neige, en Roumanie. Dans le même temps, je pense que tant que la manière de travailler en Roumanie mettra en exergue seulement le centralisme, le chef et non l’équipe, il y aura peu de projets similaires. Les directeurs roumains d’institutions n’ont pas de temps pour ce genre d’entreprises parce qu’ils concentrent toutes les responsabilités entre leurs mains et sont réticents à déléguer des compétences. Or, c’est l’équipe qui doit être valorisée et ce n’est pas là de la langue de bois européenne. Ca n’a aucun rapport – c’est une formule qui fonctionne depuis des lustres ».

Les travaux dans les salles du Théâtre National de Timisoara, c’est notamment le Ministère roumain de la Culture qui les finance. Malgré les insistances de RRI, l’institution n’a pas souhaité donner son point de vue sur ce sujet. Alors que de nombreux autres monuments historiques sont laissés à la dérive partout en Roumanie, les médias s’interrogent de manière récurente pourquoi Bucarest n’y investit des fonds européens. Toutefois, peu de gens connaissent la bonne réponse – alors qu’elle faisait ses démarches d’adhésion, la Roumanie n’a pas négocié des fonds structurels pour la culture. Par conséquent, le seul argent européen investi dans la réhabilitation du patrimoine architectural est fourni, via les subventions de l’Espace Economique Européen, par l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège, membres du marché commun mais pas de l’UE.
Des sources du ministère de la culture ont pourtant fait savoir que Bucarest tente actuellement de remédier à cette situation et d’obtenir des fonds structurels pour la culture aussi, à l’horizon de la période 2014-2020, prochain cadre financier pluriannuel de l’UE.

Andrei Popov

Découvrez RRI et écoutez les informations en direct de Bucarest

Théâtre communal de Timisoara, banat Roumanie
Théâtre national de Timisoara en 1966
Opéra et Théatre national de Timisoara

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