Est-il dangereux de voyager dans les Balkans? Que n’ai-je pas entendu cette question? A tort ou à raison, les Balkans renvoient une image floue, confuse, parasitée où tout est possible. Le pire, comme le meilleur. Surtout le pire, avons le!
Pourquoi serait-il dangereux de voyager dans les Balkans?
Depuis plus de 20 ans que je fréquente internet, sur divers forums voyage ou sur IDEOZ, j’ai souvent croisé cette question : les Balkans sont-ils dangereux? Longtemps, j’interpellais les voyageurs pour leur demander pourquoi ces pays leur inspiraient une telle interrogation et crainte et surtout, quelle crainte exactement, alors que désormais, les guerres d’ex Yougoslavie semblent rangées au rang des souvenirs. La plupart me répondaient ne pas savoir à quel danger ils songeaient, mais avaient à l’esprit que les Balkans n’étaient pas aussi sûrs que les autres pays européens.
En réalité, les Balkans sont ni plus ni moins dangereux que n’importe quel pays européen. Pourtant on peut y vivre des situations cocasses, inattendues, amusantes ou déstabilisantes. Rien ne vaut un séjour en itinérant pour explorer de l’intérieur ces Balkans toujours un peu étrangers à l’Union européenne même si certains pays l’ont rejointe. La Croatie, la Serbie, le Montenegro, la Slovénie, la Macédoine, le Kosovo, l’Albanie, la Bulgarie, la Grèce et par extension la Roumanie souffrent simplement de préjugés tenaces, de situations économiques et sociales très difficiles voire désastreuses.
Hélas dans ces contextes les réseaux et trafics en tous genres ne peuvent que prospérer plus encore et sévissent. Les premières ou principales victimes sont bien sûr les autochtones. Car les mafias échappent aux touristes en transit, dans la mesure où leurs membres opèrent en mode souterrain. Comme partout ailleurs, il faudrait côtoyer des locaux, connaisseurs des pratiques et des usages, prendre le temps de s’immerger, pour comprendre certaines situations qui passent inaperçues pour un voyageur découvrant les Balkans sans trop de références.
Contre toute attente, malgré un certain taux de corruption, deux pays, la Croatie et la Slovénie, figurent parmi les pays les plus sûrs d’Europe avec de faibles taux de délinquance et un fort sentiment de sécurité. Celui-ci est confirmé par les touristes et favorisé par des polices présentes et dissuasives sans être trop envahissantes. Les autres présentent des situations plus variables, mais la plupart des plaies qui les gangrènent échappent aux yeux des voyageurs.
Histoires de trafics dans les Balkans
Curieusement, même si l’on essaie d’oublier les trafics d’armes qui prospèrent sur la route des Balkans depuis la fin des guerres, les propres autorités nous y ramènent souvent et créent le doute sur la sécurité. Entre 1995 et aujourd’hui, aux frontières, je me suis plus d’une fois retrouvée contrainte à prouver que je n’avais pas d’armes dans mes bagages. Je vous avoue que la demande me scotchait malgré l’habitude tant elle me paraissait parfois incongrue.
- Vous avoir Kalashnikov? Explosifs? Armes? me demandaient les douaniers avec un air martial, une voix puissante au ton sec et intimidant.
La scène se répétait à la frontière en Serbie, en Bulgarie, en Bosnie. Dans certains pays, les douaniers étaient ostensiblement armés, kalachnikov à l’épaule ou sous le bras au lieu du classique pistolet à la ceinture. Et on peut dire qu’on ne plaisantait pas et que l’ambiance était stressante même si on avait rien à se reprocher!
Croyez-vous que je vous le dirais si j’en transportais?, me disais-je intérieurement… Mais n’osant pas le dire tout haut, je me contentais d’un « Non rien à déclarer ». Et c’est alors qu’ils demandaient à ouvrir le capot pour contrôler ce qu’il y avait dans le moteur, inspecter les roues ou le châssis, faire vider quelques bagages du coffre pour mieux vérifier, ouvrir les valises au cas où un doute persisterait… Au final, cette rengaine à chaque nouveau franchissement d’une frontière me rappelait à quel point les pays d’ex Yougoslavie, l’Albanie, et la Bulgarie ne sont pas des pays européens tout à fait comme les autres. Ici on est aux marges, tout en étant parfois au coeur de l’Europe. Tout est y est possible. Ces pays conservent un côté sulfureux et finalement une certaine mauvaise réputation que les autorités essaient de laver sans trop y parvenir.
En me fiant à mon intuition, à l’époque, je pensais que le zèle des douaniers par rapport aux étrangers était peut-être un rite de passage pour confirmer qu’il y a des règles dans les Balkans, même si on imagine que tout est volontiers anarchique et excessif. Les douaniers et policiers s’efforçaient aussi de montrer aux européens que ni la police ni les douanes étaient corrompues et que toutes luttaient activement contre les ventes d’armes, le trafic de drogues et de cigarettes, alimentant les pays d’Europe occidentale …
Il y a quelques années, on prétendait dans certaines reportages de type 7 à 8, Envoyé spécial ou Zone interdite qu’un belgradois sur deux possédait au moins une arme pour pouvoir se défendre de son propre voisin et ce n’était pas forcément des supporters du Partizan ou de l’Etoile rouge dont les « haines » sont bien connues.
Selon une enquête déstabilisante, il suffisait de demander à en acheter une pour trouver une bonne volonté qui vous introduise auprès d’une personne bien informée et alimentée et capable de vous la procurer pour quelques dizaines ou centaines d’euros selon le modèle. N’entend-t-on pas dans les médias que la plupart des armes alimentant les trafics des banlieues en France proviennent d’ex Yougoslavie et surtout de Serbie? Rassurez vous je n’ai jamais cherché à vérifier la véracité de cette information et je ne saurais jamais ce qu’il en est réellement. Mais pour avoir parcouru beaucoup de routes, petites ou grandes, sillonné des villes ou des villages dans chacun des pays des Balkans, à diverses périodes, au cours des deux dernières décennies, je n’ai pas eu l’occasion d’assister à une scène de quelconque trafic.
Avec le désir de certains pays comme la Serbie d’intégrer l’Union européenne, des progrès manifestes ont été opérés pour faire tomber des têtes, démanteler des trafics, livrer des criminels de guerre. Je n’ai à aucun moment eu l’impression d’être en insécurité dans ces pays. Quand on se promène à Belgrade, à Zagreb, à Sarajevo, à Skopje ou même à Prishitina ou Tirana, on ne ressent absolument pas de crainte par rapport aux pickpockets, aux agressions ou autre, même quand on est une femme, ou qu’on se promène de nuit dans les rues du centre…
Passages de frontières dans les Balkans : supporter l’attente
Quand on vient d’un pays de l’Espace Schengen, on finit par oublier qu’il y a un jour eu des frontières en Europe. Des vraies frontières où il fallait montrer pâte blanche pour entrer dans un pays avec des papiers, des visas etc. Avant que les pays d’Europe centrale et orientale rejoignent l’Union européenne en 2004 puis 2007, les passages des frontières en Europe centrale, orientale et Balkanique étaient vraiment des épreuves dans tous les pays. Il fallait non seulement attendre en queue pendant des heures pour enfin franchir le service de contrôle des véhicules et de déclaration des identités, mais aussi accepter une véritable intrusion des douanes et des polices.
Dans les Balkans, l’anarchie aux frontières était bien pire du fait des tensions extrêmement vives en Ex Yougoslavie entre les douanes elles-mêmes et entre les populations locales toujours observées dans le pays voisin avec suspicion. La seule chose à retenir est qu’il n’y a pas une règle aux frontières définie par les réglementations légales ; il y a des situations. Franchir des frontières n’est finalement pas différent d’une rencontre et il y a autant d’histoires que de voyageurs. Chaque voyageur sera confronté à une expérience peut-être différente ; tout dépendant des moments, des douaniers, des contextes entre pays et dans le monde, des voitures qui veulent les franchir.
A vrai dire, je suis un peu nostalgique de ce temps où les frontières étaient visibles, tangibles, éprouvantes à franchir, car elles étaient fort instructives. En effet, j’ai pu y observer beaucoup de choses parfois étonnantes ou insolites, en cherchant à m’occuper pendant ces longues heures d’attente et donc en apprendre long sur les pratiques dans certains pays.
Quelle que soit la taille du poste, je découvrais que les échanges transfrontaliers racontaient plus qu’on l’imagine sur les rapports entre les pays et le traitement fait aux locaux qui sont soumis à des contrôles bien plus forts et pénibles. Pourtant, j’ai conscience que les frontières sont toujours très pénibles et sources de frustrations chez les nationaux et voisins, qui sont soumis à l’épreuve de l’attente, des contrôles renforcés, des petites humiliations pour certains et des pâtes à graisser pour passer sans trop de souci les postes de douanes, tout en sachant qu’on n’a rien à se reprocher.
Mais voilà, l’un des rituels des frontières dans les Balkans pour les « locaux » entretient certaines pratiques peu reluisantes d’abus de pouvoir et parfois, de bakchich… Certes, les touristes ne sont presque pas concernés, ou les malchanceux qui ont pu déplorer des mésaventures s’avèrent plus rares qu’à une époque. Mais on ressent aisément ces réalités y compris dans les pays ayant intégré l’Union européenne.
Si j’ai constaté des progrès dans l’ensemble des pays de la péninsule balkanique, ceux-ci sont aujourd’hui remis en question à la faveur de la crise européenne des réfugiés qui frappe en particulier les Balkans puisqu’ils constituent l’un des passages privilégiés. Depuis septembre 2015, les frontières sont bel et bien rétablies dans tous les Balkans, y compris dans des pays appartenant à l’Union européenne comme la Croatie et la Slovénie.
Les contrôles restent en général une formalité pour les touristes, mais ils existent, alors qu’il y a qu’en 2013, 2014, le fait même de conduire une voiture immatriculée en France ne motivait quasiment aucune vérification de papiers ou un simple enregistrement d’entrée sur le territoire en Serbie, au Montenegro, en Bosnie, en Macédoine ou en Albanie. Quand on se souvient de certains passages de frontières, il y a dix, quinze ou vingt ans, on a l’impression que les Balkans ont essayé d’emboîter le pas à l’Union européenne et certains de ses pays aspirent à l’intégrer ce qui les motive à des évolutions dans leurs pratiques.
Le mieux est d’éviter les postes de frontières principaux pour privilégier les plus confidentiels. Les contrôles y sont réels, mais l’attente plus limitée vu que l’affluence est réduite. Bien que les grands postes traditionnels (ceux qu’on trouve notamment en empruntant l’autoroute) soient dotés de plusieurs voies et de files dédiées, les contraintes liées aux changements de gardes, aux vérifications des camions qui empruntent tous ces postes les rendent plus « complexes » par rapport à des petits postes où l’on se borne à vérifier la validité des papiers et la conformité pour entrer sur le territoire sans avoir besoin d’acheter une carte de transit par exemple.
L’Union européenne contribue à la réunification territoriale croate
Paradoxalement, l’intégration de la Croatie à l’Union européenne a compliqué les choses dans certaines circonstances, puisqu’elle est devenue le dernier pays frontalier avec des pays non membres. Les passages de la frontière entre la Croatie et la Bosnie dans l’enclave maritime de Neum restent longs et problématiques en été a fortiori depuis l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne en 2013.
Cette intégration à l’UE a modifié le traitement des Bosniens qui sont beaucoup plus contrôlés par les croates maintenant que la Croatie est devenue la frontière avec les pays hors UE. D’où un zèle des douaniers Bosniens pour rappeler qu’ils ont la même valeur et les mêmes obligations que les croates. Il en va de même pour les contrôles à la frontière principale entre Croatie et Montenegro, qui sont superficiels hors saison mais soutenus en juillet et août.
L’annonce de la construction d’un pont de 2,5 km pour dérouter les routards vers la presqu’île de Peljesac et reconstituer une intégrité territoriale en Croatie n’est pas du goût des Bosniens. L’appel d’offre remporté par les Chinois permet à l’Empire du Milieu de renforcer ses ambitions dans des pays aux marges de l’Europe comme au Montenegro où ils devraient construire les futures autoroutes, alors que les « routes de la soie » séduisent les pays d’Europe centrale. Logiquement la Bosnie Herzégovine y voit une atteinte à sa souveraineté maritime.
Le « pont de la discorde » coûtera la bagatelle de 540 millions et est financé à 85% par des fonds de l’Union européenne, qui souhaitait garantir l’amélioration des conditions de vie au quotidien pour les travailleurs croates et bosniens. Les travaux ont débuté en juillet 2018 et le Pont sera opérationnel à partir de mars 2022.
Pour comprendre pourquoi il s’agit du pont de l’espoir pour réunifier le territoire croate
Frontières Slovénie / Croatie, l’exaspération croissante à cause du renforcement des contrôles douaniers
Quand l’Union européenne complique les passages avec pour conséquences des bouchons à rallonge!
De même, la crise des migrants a fait ressurgir des contraintes de contrôles qui ne vont pas sans générer de longues attentes surtout dans les pays limitrophes de l’Union européenne. C’est donc entre la Slovénie et la Croatie que cela peut être très embouteillé en toutes saisons et à toutes les heures. A fortiori en été. La queue peut durer jusqu’à 2 ou 3 heures.
Évitez d’entrer en Croatie et même en Slovénie par l’autoroute et la frontière d’Obrezje qui est traditionnellement celle qui est la plus grande et qui connecte Ljubljana et Zagreb, donc elle est utilisée par tous les camions. Macelj – Gruškovje atteint les 4h de blocage entre la fin d’après-midi du vendredi et le samedi comme souvent Pasjak – Starod. Préférez les routes secondaires pour emprunter la frontière de Sočerga (Buzet) si vous venez par l’Italie et la Slovénie… Ca évitera 2 à 4h d’attente par moment!
Quelles sont les frontières en Slovénie et Croatie à privilégier le week end en été ?
- Pour aller en Istrie : allez par la frontière de Sočerga (Buzet)
- Pour ceux qui vont en Dalmatie, en venant d’Italie : allez par la frontière de Podgorje
- Pour ceux qui vont en Dalmatie, en venant d’Autriche : allez par la frontière de Pribanjci ou Brod na Kupi (alternative 2 qui oblige un détour de 30 km environ pour rejoindre l’autoroute vers Split, donc vérifiez la circulation au moment pour choisir)
- Pour se rendre vers les lacs de Plitvice : empruntez la petite frontière de Blazevci
Comme beaucoup de voyageurs ambitionnent de rejoindre la Croatie maritime en priorité plutôt que la Croatie centrale, on constate que les autoroutes Ljubljana-Koper et Trieste – Piran sont extrêmement fréquentées entre 9h et 20h.
Évitez les passages de frontières par les autoroutes italiennes ou autrichiennes pour entrer en Slovénie les week-ends estivaux. Les autrichiens et les italiens apprécient de faire des escapades en Slovénie, car le pays reste assez économique et familier. Du coup, ce trafic s’ajoute à celui des voyageurs qui viennent de bien plus loin. Les points frontières de Secovlje et Dragonja sont traditionnellement sujets à de modestes embouteillages, ce qui ne modifie pas pour autant le comportement des douaniers et encore moins quand ils soumettent les nombreux véhicules à supporter en prime les changements de tours de garde! Ils restent toujours moins fréquentés que les points d’accès par autoroute.
N’hésitez pas à consulter le site officiel du trafic en Croatie pour connaître les informations en temps réel sur les situations particulières aux frontières croates.
Prendre son mal en patience aux frontières …
A notre grand étonnement, un jour de 2003 en Macédoine, nous avons compté jusqu’à 20 km de queue à une frontière avec la Bulgarie. Comment était-ce possible? Les plus débrouillards qui pouvaient se le permettre abandonnaient leur véhicule sur le bas côté et préféraient passer la frontière à pied, ce qui est forcément plus rapide en raison de fouilles plus limitées. Ils ne renonçaient pas à emporter sur le dos quelques paquets. Ils reviendraient un autre jour chercher leur voiture. Reconnaissons le, les passants circulent mieux et on ne s’étonne pas qu’ils soient si nombreux à toutes les frontières dans les Balkans.
En 2003, nous sommes bloqués par une taxe de guerre qui frappe les voyageurs européens notamment français pour entrer en Serbie juste après les attaques subies par le pays en représailles de la guerre au Kosovo. Nous nous retrouvons déjà très tard à la frontière serbe du Banat dans la région de Timisoara. Nous sommes amenés à faire ce que mon roumain Dan m’avait vivement déconseillée : rouler en Roumanie la nuit, en prenant garde d’éviter les charrettes et les nombreux piétons qui ne prennent même pas la peine de se signaler. Nous nous retrouvons donc en plein milieu de la nuit à la frontière entre la Roumanie et la Hongrie, en pensant que la nuit, les frontières seraient plus rapides à franchir. Bien mal nous en a pris. La queue s’étirait sur plusieurs files et les véhicules avançaient par à-coups. Nous avons attendu pas moins de 3h jusqu’à ce que notre contrôle finalement assez bref nous autorise à rentrer en Hongrie.
Il est 5h du matin. Nous sommes français et déjà à l’époque, cela donne quelques avantages car il ne faudrait pas décourager les rares touristes qui viennent en Roumanie à l’époque. La vérification de notre coffre est une formalité. Nous assistons à un étonnant manège durant lequel s’activent les petits trafics et contrebandes entre locaux qui passent et repassent la frontière, sans oublier d’autres pratiques pas très recommandables que les douaniers feignent parfois de ne pas voir.
Des enfants tsiganes qui n’ont pas plus de 6 ou 8 ans sont envoyés brutalement par leurs parents pour quémander de l’argent, surtout, de la nourriture faute de mieux, auprès de toutes les voitures étrangères. Ces enfants ont les yeux tristes et acceptent n’importe quoi. L’un d’eux nous demande même un bonbon. S’ils reviennent sans rien, on observe de loin dans le parking voisin de la station service frontalière, les parents en train de les frapper pour les pousser à être plus productifs. Cela fend le coeur. Les choses ont heureusement changé depuis 2007 et l’entrée dans l’Union européenne. Malgré tout, il peut y avoir de forts blocages surtout quand beaucoup d’émigrés reviennent pour les vacances au pays.
Des frontières visibles aux invisibles…
Il y a les frontières que l’on voit ; matérialisées par des postes plus ou moins grands et modernes. Les frontières dans les Balkans continuent à marquer l’altérité. Les principales frontières dans les Balkans ont souvent beaucoup évolué en 20 ans. De beaux bureaux fonctionnels avec du matériel moderne et des ordinateurs, des barrières de sécurité automatiques bien visibles, des files prévues pour les ressortissants de l’UE, traités avec plus d’égards et rapidement contrôlés. Tous ces éléments sont apparus peu à peu entre la Slovénie et la Croatie, la Croatie et la Serbie ou même à certaines entrées de la Macédoine.
Certains postes comme en Bosnie Herzégovine, au Kosovo, entre la Macédoine grecque et la Fyrom et en Serbie restent en revanche archaïques, les contrôles y sont encore artisanaux et comme les touristes y sont rares, ils ne manquent pas de susciter une certaine surprise teintée d’interrogation. Ces portes d’entrée sont clairement les plus intéressantes, car on y éprouve le sentiment curieux mais stimulant de vivre un peu une aventure et parfois d’être dans un bout du monde, où l’on croise au milieu de nulle part un poste frontière ne ressemblant pas à grand chose!
En écrivant cet article, je me remémore quelques passages de frontières invraisemblables. Nous quittions Mitrovica au Kosovo pour rejoindre le Montenegro et nous suivions une route indiquant la frontière. A peine étions nous happés par la vue d’un magnifique lac qui contrastait avec les tristes paysages de campagne et les villages à moitié détruits d’un Kosovo meurtri au sortir de sa guerre avec la Serbie, que nous sommes brutalement arrêtés par trois hommes en uniforme. La frontière est là. Dans un tournant.
L’endroit presque improbable est très peu sûr, surtout quand on connaît la conduite imprudente des locaux. Le poste semble positionné un peu au hasard sur une route étroite qui annonce la montagne monténégrine. Rien ne laissait entendre que la frontière était imminente depuis que nous avions vu le dernier panneau signalant la direction du Montenegro à la sortie de Mitrovica. Sur un panneau soudain apparaît l’indication Carina qui signifie frontière en ex Yougoslavie. Il n’y a aucun barrière même improvisée pour identifier la frontière. Mais un panneau stop gît au milieu de la route et à chaque contrôle, le douanier le déplace pour autoriser le passage.
On ne voit pas davantage de bureau si ce n’est un petit abri avec une vieille chaise et une table bringuebalante. Une pile de papiers s’est accumulée, sur lesquels seront consignées nos identités pour enregistrer notre passage. Les passeports sont tamponnés sur une page au hasard. Ces tampons qui ont disparu en Europe avec la généralisation de la carte nationale d’identité pour circuler dans tous les Balkans (sauf au Kosovo) sont la mémoire de nos passages.
A 50 mètres nous attend le même type de frontière pour entrer au Montenegro. Ce Montenegro-là n’a rien à voir avec celui que nous regagnerons sur les bords de l’Adriatique et qui a gagné ses lettres de destination touristique. Il n’y a rien si ce n’est des montagnes sauvages, des hameaux et des villages à dominante musulmane avec leurs minarets qui rappellent la multi-ethnicité presque réussie en Crna Gora.
En empruntant une route en direction de Niksic pour quitter et dominer les bouches de Kotor afin d’atteindre Mostar à travers la république serbe de Bosnie et le désert de l’Herzégovine, nous tombons sur une petite route de montagne sur le poste frontière. Nous avions un temps suivi une large route toute neuve et nous étonnions de trouver une telle route au Montenegro, mais soudain, à un carrefour nous apercevons le panneau Trebinje avec le signe de la frontière BIH. La route change, se rétrécit et est cabossée. La montagne se fait plus sauvage.
Aux abords du tout petit poste, des chèvres gambadent en liberté et assurent l’accueil. On dépasse un homme qui se déplace à dos d’âne, suivi de sa femme chargée d’un fagot pesant. Ils nous observent avec surprise comme s’ils n’avaient jamais vu de touristes. A la frontière, il n’y a pas d’autre voiture que celle d’un bosnien, qui est fouillé en profondeur et prend son mal en patience en voyant que l’on sort un à un les paquets de son coffre et tout ce qu’ils contiennent … On nous zyeute en se demandant visiblement ce que des touristes français peuvent faire dans cette zone?
Après avoir vérifié si nous parlions serbe ou anglais, le douanier nous interroge d’ailleurs sur le motif de notre présence dans cette contrée. Nous lui expliquons que nous avons envie de découvrir la Bosnie Herzégovine et notamment la république serbe de Bosnie. Il semble surpris mais après une simple vérification et l’enregistrement de nos coordonnées, il nous rend les papiers et nous souhaite bon voyage en République Serbe de Bosnie! Et oui, nous n’entrons pas vraiment en Bosnie Herzégovine mais dans un pays avec son identité à l’intérieur du pays.
Histoires de mines ; les frontières fantômes
Bien que les guerres d’indépendance en Ex Yougoslavie semblent lointaines, on n’oublie jamais vraiment en sillonnant les divers pays à quel point certains ont été le terrain de batailles, d’exodes et de rejets des minorités ethniques et religieuses …
Les mines antipersonnels en Bosnie Herzégovine et en Croatie viennent brutalement nous rappeler que la guerre n’est pas une fiction ni un souvenir et qu’elle est toujours en mesure de frapper des innocents qui auraient le tort de mettre le pied où il ne faut pas dans un champ, une forêt, un village en ruines ou un cimetière abandonné.
Pour découvrir notre expérience des frontières invisibles en République serbe de Bosnie…
Histoires de backchich ; l’argent le nerf de la guerre à la douane
Un ami de Bucarest, Dan, m’avait alerté contre la tentation des douaniers de réclamer du « backchish » pour franchir les frontières en prétextant des droits de douane pour les étrangers ou laisser passer des produits à déclarer obligatoirement ou carrément interdits. Les locaux sont invités aux frontières à glisser un billet, donner une part du contenu de leurs coffres, pour pouvoir tranquillement faire leurs « affaires » et passer en douce des produits peu légaux. J’ai observé la pratique depuis la Serbie et la Bulgarie jusqu’à l’Ukraine. La dernière fois que j’en ai été le témoin à la frontière serbo-roumaine des Portes de Fer II, c’était en 2009.
Pendant des années, Dan a subi ces affronts à chaque voyage qu’il faisait en bus ou en train entre la France où il étudiait et la Roumanie. Le douanier vérifiait les papiers, attendait son billet et rendait le passeport. Puis la Roumanie est entrée dans l’Union européenne et ces tentatives à l’égard des populations locales ont commencé à régresser quand les autorités ont lancé des actions pour faire tomber les ripoux qui s’enrichissaient aux dépens des gens dont le seul but était de passer d’un pays à l’autre. On aurait estimé à 6% le nombre de douaniers impliqués dans des trafics et des actes de corruption en Roumanie en 2008 selon une enquête publique révélée par RRI. Le travail de lutte contre la corruption est insuffisant et révèle un caractère pusillanime des gouvernants et des autorités, mais contrairement à d’autres temps, il a le mérite d’exister.
Mis à part une absurde taxe de quelques euros afin de soi-disant procéder à la désinfection des pneus entre la Serbie et la Bulgarie puis en entrant au Kosovo, je n’ai jamais subi ce type de racket.
En 2003, j’ai été victime de mes préjugés et du renoncer à pénétrer en Serbie, car j’ai pensé que l’on me réclamait de l’argent indu aux frontières. Après une heure passée à attendre la relève des douaniers, à 20 heures, à la frontière serbo-roumaine de Banat à 60 km de Timisoara, mes parents et moi expérimentons notre première demande de taxe contestable. Le motif est simple. Nous sommes français, nous sommes responsables de la situation de la Serbie à terre et nous devons payer. Or nous ne souhaitions pas payer la taxe de transit exorbitante destinée aux seuls étrangers pour leur faire payer les « frais » de la reconstruction de l’après-guerre du Kosovo.
Un premier douanier nous réclame le droit de passage pour nous laisser filer vers le poste suivant dédié à la vérification des papiers. Nous ignorons de quoi il parle, nous lui tendons les passeports, la carte verte et le permis. Nous sommes bloqués. Il nous demande de ranger la voiture sur le côté pour laisser passer les autres et nous envoie vers une douanier supérieur qui nous explique l’obligation de payer une taxe pour les étrangers même si rien l’indique aux frontières.
A cette période, la Serbie a perdu sa dernière guerre face au Kosovo et a été attaquée en représailles. Elle est tentée par le repli. Heureusement, l’année suivante, cette taxe dissuasive était supprimée. Mais on nous avait tellement parlé et presque convaincu que dans les Balkans, il y avait à payer du bakchich à tous les étages et de fausses taxes prélevées sur les touristes à la tête du client que nous avons pensé qu’il s’agissait d’une escroquerie.
En effet, la somme atteignait bien les 100€ par voiture et l’ambassade de Serbie en France ne nous avait absolument pas signalé cette situation. Ce n’est pas tant la somme qui nous dérange que le principe qui frappe certains étrangers reconnus comme responsables de la situation de la Serbie, à commencer par la France. Nous décidons de rebrousser chemin à 21h, en pensant que le poste frontière assez petit et dans une zone de campagne en profite pour se faire de l’argent sur le dos des touristes. Nous tenterons demain à un autre poste frontière à Subotica pour pouvoir découvrir cette Serbie qui nous attire. Le résultat sera le même à ceci près que nous ferons deux heures et demi de queue pour rien!
Aujourd’hui, la réalité du backchich perdure pour les locaux, mais pas pour les touristes (c’est une sorte de mythe). Bien que la Croatie soit dans l’Union européenne, elle n’échappe pas aux logiques des contrôles et des passe-droits … Les croates et les bosniens, montenegrins, serbes et slovènes sont soumis à des contrôles zélés, a fortiori depuis que la Croatie envisage de contourner le passage de Neum qui interrompt son intégrité territoriale, en construisant un pont qui passera par la presqu’île de Peljesac. Les Bosniens l’ont mauvaise et le font bien sentir. Ils profitent des derniers mois où ils pourront arrondir un peu leurs fins de mois en soumettant les locaux à des taxes de passage pour les autoriser à transiter à des produits de consommation courante pourtant soumis à déclaration. Les habitants de Dubrovnik ont l’habitude de se rendre à Split périodiquement pour faire leurs achats de toutes sortes, notamment aux périodes de Noël. Les contrôles sont alors encore plus systématiques.
Pour pouvoir passer sans trop d’encombre, il est de coutume de donner un billet ou de laisser quelques produits au douanier qui contrôle. Les croates et bosniens habitués à ces pratiques s’efforcent de privilégier les moments où ils sont assurés de croiser des douaniers déjà bien connus et qui faciliteront le passage en fermant les yeux sur le contenu du coffre et fouillant à la va-vite. Soudoyer, c’est inscrit depuis des siècles dans la réalité des frontières des Balkans et la facilitation des démarches douanières pour les touristes ne doit pas faire oublier que beaucoup de locaux subissent au quotidien ces comportements et cette corruption poussée à l’extrême chez une minorité de douaniers.
Aussi étrange que cela paraisse, il reste toujours interdit, même pour les touristes de transporter des produits de consommation courante comme le lait, la charcuterie ou le fromage…. En cas de contrôles, l’amende est lourde. Heureusement, il y a moins de fouilles de bagages pour les ressortissants de l’Union européenne, supposés être en voyage … Ils ne sont pas la cible des douaniers, mais si vous vous hasardez à en transporter, gare aux sanctions!
Le souvenir, l’argument qui tue aux frontières dans les Balkans
Sinon, on ne m’a jamais demandé la moindre somme d’argent supplément ou non dues, pour passer une frontière. J’ai même eu la surprise de toujours les franchir aisément avec des produits qui auraient pu me porter préjudice et me coûter une amende. Je repense aux bouteilles d’alcool (eau de vie, bière ou vin) ramenées de quelques monastères ou achetées auprès des locaux qui sont très limitées hors de l’Union européenne. Et il y a les produits moins évidents comme des produits laitiers, des conserves (même les bocaux de ajvar dont je raffole), des viandes ou des charcuteries que les réglementations douanières interdisent l’entrée sur le territoire pour d’obscures raisons.
Petite astuce pour dissuader le douanier d’aller plus loin… Je mettais en apparence les bouteilles au lieu de chercher à les cacher. Leur provenance amusait souvent le douanier qui décrochait un semblant de sourire … Je lui répondais « Souvenir » avec un léger sourire en retour et il tournait les talons pour passer au suivant. Le coffre étant plein, il était rare que les fouilles du véhicule dépassent la simple fouille de formalité à l’intérieur et dans la malle… L’un des avantages en somme d’être touriste français…
Si vous avez apprécié ces histoires de frontières dans les Balkans, vous pourriez apprécier les histoires autour des vrais et faux policiers qui vous permettront peut-être d’éviter d’éventuelles mésaventures!
Pour en savoir plus sur l’actualité, nous vous recommandons la lecture du Courrier des Balkans et du site de Radio Romania International.
Quelle carte pour voyager dans les Balkans?
La carte NATIONAL Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Serbie et Monténégro, Macédoine s’avère très pratique pour se repérer sur les principaux itinéraires, car elle condense tous les pays d’ancienne Yougoslavie … Bien qu’elle date de 2012, elle reste l’une des cartes les plus précises et complètes et il y a assez peu de changements sur les réseaux routiers.
Prix : 6,55€
Bonne lisibilité (1 cm/10km), présence d’un index des localités, des réglementations routières de chaque pays, des distances et des temps moyens de parcours
» Acheter la carte sur Amazon
Retour de ping : Bien Voyager en Croatie : réussir vos vacances en Croatie
Quelles frontières et routes privilégier pour 6 semaines en ex Yougoslavie?
Bonjour, Nous allons faire un auto-tour de 6 semaines en sept./oct. 2019. Débutons en Slovénie, Croatie. Nous comptons franchir la frontière à Neum pour aller en Bosnie (Medujorie, Mostar) après nous irons au Montenegro. Nous ne pouvons pas aller au Kosovo avec la location d’auto réservée avec Auto Europe. Après le Montenegro, nous voulons aller en Serbie (Belgrade, Novi Sad) pour ensuite boucler à Zagreb. Question: quelle est la meilleure route et les frontières faciles à traverses avec le véhicule loué pour s’y rendre – calculons 5 – 6 jours pour cette fin d’étape. Merci à l’avance de vos conseils. Véronique
J’ai perdu des milliers d’heures aux frontières de l’ex-Yougoslavie… Entre tous ces pays, et ceci depuis 1992!
Oui ! c’est très dangereux. On y va une fois et on attrape le virus. On a qu’une envie, c’est d’y retourner!
Bonjour,
Je pense qu’il s’agit de l’espace Schengen et non de l’Espagne Schengen 😉
En tout cas votre article est très intéressant
Eric { http://www.eric-baures.fr }
Bonsoir Eric, merci de me l’avoir signalé! Je n’ai pas relu et ai écrit un peu en laissant venir l’inspiration…
Je suis ravie qu’il vous ait intéressé.