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Le rakija ; plus qu’une eau de vie, une institution et un rituel convivial des Balkans

rakija en serbie

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rakija rakia serbe
rakija rakia

Comment parler de cuisine serbe, croate ou roumaine sans évoquer ses eaux de vie? Tout voyageur qui découvre la Serbie ou tout autre pays des Balkans aurait tort de ne pas découvrir l’une des spécialités incontournables : le rakija (rakia à prononcer ra-ki-ya). Ziveli! A la tienne! dira-t-on pour célébrer un verre, offert en toutes occasions!

Un proverbe (bulgare) prétend même que « tout habitant qui n’aurait pas sa rakia ne serait pas prêt pour la guerre ». Si les Français sont les champions de la consommation d’apéritifs dans le monde, qu’il s’agisse de vin cuit, de pastis ou de champagne, les serbes boivent de l’eau de vie de fruits nommée rakija, un nom probablement venu du turc Raki. Cet alcool fort est obtenu par distillation selon un rituel ancien.

L’histoire du rakija est mal connue et très flou. Il est difficile de savoir où et à quand remonte son apparition? Des fouilles archéologiques à fouille archéologique à Ivailovgrad en Bulgarie ont révélé un chaudron que les chercheurs considèrent comme l’un des potentiels premiers alambics utilisé dès le XIème siècle. Il aurait pu se développer aussi à travers les monastères orthodoxes de la région.

La conquête et l’occupation par les Ottomans a fait de cette boisson une sorte d’acte de résistance et de bravoure. Pendant des siècles, elle a été plongée dans la clandestinité. La production de cet élixir devenait une sorte de symbole de combat contre les oppresseurs. Après la chute de l’empire Ottoman, le rakija est redevenu une marque identitaire, toujours associée aux rebellions et aux guerres. On buvait un verre aussi bien pour se donner du courage, que pour pleurer ensemble la perte de combattants.

Rakija, plus qu’une boisson, un rituel de convivialité et de partage dans les Balkans

rakija ziveli

Les meilleurs rakias/ rakijas sont produits dans les monastères orthodoxes des Balkans, où vous pourrez les acheter pour 5 à 6€ la bouteille de 70 cl.

La forme la plus répandue de rakija en Serbie est la šljivovica, à base de prune, cependant, on trouve aussi des versions avec des raisins, pêches, abricots, pommes, figues, et coings. 

L’eau de vie dans les Balkans se boit en début de repas, en général en accompagnement de l’entrée (une chopska salata, salade chopska, par exemple). Elle peut se boire froide ou chaude, adoucie avec du miel, mais le rakija chaud est extrêmement traître et je ne le recommande pas aux non initiés, sous peine de piquer ensuite un bon somme et de se lever avec un sacré mal de tête, même sans en abuser… Il n’est pas rare que dans les villages, les anciens  se retrouvent autour de la table pour un petit coup de rakija…

rakija en serbie

Du rakija pour toutes les occasions !

Impossible ou presque de trouver un jour sans que le rakija rappelle ses usages. Il y a bien sûr les célébrations de mariage, de baptême et même les enterrements durant lesquels on boit en hommage au disparu, mais également pour célébrer les vivants.

Célébrer la vie, tout simplement, c’est LA raison principale. On lève un verre et porte un toast Ziveli! La venue d’amis, des retrouvailles, l’arrivée d’étrangers à qui l’on souhaite la bienvenue, tout est prétexte. Dès le matin au petit-déjeuner, on se donne du courage pour débuter la journée. Un petit coup déprime? Idel. On utilise même ce breuvage comme nettoyant pour faire le ménage et comme désinfectant.

Rien ne vaut les rakija fait maison

Hors des grandes villes, il sera bien difficile de trouver un serbe qui ne possède pas chez lui au moins une bouteille de rakija ou des provisions impressionnantes, puisque les repas de fête sont marqués systématiquement par une dégustation. Contrairement à la France qui a restreint la loi autorisant la distillation et aux lois  européennes qui ont imposé de nouvelles réglementations et des taxes aux pays des Balkans ayant intégré l’Union, en Serbie, surtout à la campagne, chacun ou presque possède son alambic et prépare son breuvage à sa guise.

L’eau de vie est ensuite conservée dans n’importe quelle bouteille de fortune y compris des bouteilles en plastique! D’où l’utilité de le consommer rapidement après fabrication pour s’assurer que le produit offre la meilleure qualité.

Rakija et alambic dans les Balkans

Cette pratique quasi institutionnelle se retrouve également en Macédoine, en Croatie au Monténégro ou encore en Roumanie et fait l’objet de beaucoup de précautions dans l’élaboration. On en trouve dans tout le pays et surtout dans les campagnes où l’on peut apprécier les alambics destinés à la production de rakija artisanal. D’ailleurs, il n’est pas rare qu’au bord des routes les plus fréquentées du pays, des paysans vendent leurs bouteilles de plastique à bon prix (6 ou 8€, soit deux fois moins que la version luxueuse de la grande surface ou du magasin spécialisé).

Évidemment, la qualité ne sera pas forcément la même que pour les bouteilles industrielles. Et en prime rien ne remplacera le contact avec les locaux, si généreux et chaleureux qui n’hésiteront pas à vous inviter chez eux pour vous montrer l’antre où se situe leur alambic et les fruits de leur travail.

Boire un rakija seul serait un sacrilège! Le rakija est fait pour être partagé! 

Dès la fin de la guerre de Croatie quand j’ai été en Croatie pour la première fois en 1996, j’avais eu l’occasion de découvrir l’importance de ce rituel dans le quotidien des Croates et c’est notamment en voulant ramener quelques souvenirs culinaires dans mes bagages et en m’arrêtant auprès des vendeurs sur le bord de la route dans la région de Plitvice que j’ai créé mes premiers échanges et liens avec des habitants en 1996. On scellait la vente avec un petit coup de rakija et il n’était pas rare que pour nous convaincre d’acheter, on nous mette la bouteille dans les mains et nous tende un verre pour nous persuader d’en acheter!

Depuis longtemps, on prête des vertus au rakija dans les Balkans, faute de pouvoir acheter des médicaments pour se soigner.

Vente de produits locaux de Lika près de Plitvice en 1996
Degustation du rakija chez Marija et Srdjan près de Plitvice

Boire le rakija dans les règles de l’art en Serbie (et dans les Balkans)

Une fois qu’on a trouvé de la bonne compagnie pour partager un moment autour de l’eau de vie, on lève le verre pour trinquer en disant Živeli ! Selon la taille du verre (du baby au grand verre), on boit cul sec, ce qui renforce l’effet du tord-boyau quand le niveau dépasse les 50-60° ou on initie son palais. On débute alors par une première gorgée pour accoutumer le palais et laisser l’effet du feu passer. Autant le reconnaître, même les rakija de qualité restent raides et exigent une bonne habitude pour apprécier ensuite le développement des goûts du fruit, des herbes ou des autres aliments à la base de la liqueur. Les lampées suivantes devraient vous permettre de prendre le temps de siroter, car les saveurs se développent.

Des rakija aux vertus médicinales

Dans des pays pauvres où les populations rurales vivent quasiment en autarcie, le rakija peut être paré de vertus médicinales. Ainsi, certains rakija sont consommés aussi pour apaiser des douleurs comme le tord boyaux appelé komova; qui est une eau de vie au marc de raisin, assez proche du lozovca au raisin. Plus fort et rude à boire, ce rakija komova est appliqué sur les  rhumatismes ou zones douloureuses quand il n’est pas ingéré pour calmer plus vite les douleurs.

L’imela est de l’eau de vie au gui : son goût assez âcre est parfois peu engageant à ceux qui ne sont pas habitués aux rakija, mais l’imela est réputée pour ses vertus surtout en matière de circulation sanguine.

L’oreova, l’eau de vie de noix, à la couleur marron profond, mélange douceur apparente et amertume. Mais elle peut être utilisée pour renforcer la coloration naturelle des cheveux et le bronzage, soulager les gastrites et réduire le taux de graisse.

Ma préférée reste la trevarka, l’eau de vie aux herbes ; très bonne pour digérer qu’on la prenne avant un repas comme dans les Balkans ou en fin de repas comme on le fait en général en France avec les digestifs. Les herbes sont reconnues depuis le Moyen-âge et la trevarka ne dément pas son utilité surtout quand on connaît la lourdeur des repas en Serbie.

Déguster le rakija à Belgrade

Le rakija ne se consomme pas qu’à la campagne. Pour preuve, depuis 2006, on trouve un bar à rakija à Belgrade, où l’on peut déguster dans une atmosphère sympathique de nombreuses variétés de rakija venant de Serbie, mais pas seulement. Situé à Dorcol, c’est le rendez-vous de ceux qui veulent s’initier aux brandy et autres rakias locaux.

RAKIJA
Crédit photo : theapricity.com

Rakijada, une fête dédiée au Rakija en Serbie

rakija en serbie lors de la rakijada de cacak

En Serbie, le Rakija fait partie intégrante du patrimoine culturel et culinaire serbe. Cet héritage n’est pourtant pas anodin du point de vie social. En effet, en Serbie, certains spécialistes s’inquiètent du fait que la tradition (du rakija, mais pas seulement) soit aussi devenue une promotion de l’alcoolisation souvent excessive auprès des serbes de tous âges qui voient dans cette forme de « binge drinking » une manière de rester et prouver leur force, leur résistance, ou tout simplement, de manière inconsciente leur virilité. D’ailleurs, il existe un concours officiel d’ingurgitation de rakija à côté de Cacak, nommé le rakijada.

Reconnaissons le, ce n’est pas forcément le meilleur visage de la Serbie et de ses traditions, mais cet événement (en Serbie on aime beaucoup les concours culinaires comme le montre le concours des meilleures couillesRAKIJA ) montre bien à quel point les serbes apprécient leur rakija et aiment le partager… ce qui n’est pas sans risque, puisque certains n’hésitent hélas pas à prendre la voiture (s’ils le peuvent encore) tout en ayant bien trop bu…

Mémo en Vo : les mots pour parler de rakija en serbe

  • sljivovica: eau de vie à base de prunes
  • lozovca: eau de vie au raisin
  • komova : eau de vie au marc de raisin
  • viljamovka : eau de vie à la poire jaune
  • krouchkovats : eau de vie de poire rouge
  • dunjevaca : eau de vie au coing
  • trevarka : eau de vie aux herbes
  • medova, medna, medarka : eau de vie au miel ; douce, facile à boire et traitre
  • mastika : eau de vie à l’anis proche de l’anisette et spécialité de Macédoine
  • oreova : eau de vie de noix ; à la fois douce et amère
  • imela : eau de vie au gui
  • vichnova : eau de vie de cerises griottes ; douce et facile à boire avec une texture proche du jus

Étapes de la préparation du Rakija en Serbie en photos

L’alambic

alambic pour préparer le rakija en Serbie

Ramassage des fruits ici les prunes servant à préparer la sljivovicaRAKIJA

Etape de la fermentation des fruits, ici des prunes

Fermentation des prunes pour élaborer la sljivovica en Serbie
fermentation des prunes pour le rakija serbe en voivodine

On remplit l’alambic avec les fruits fermentés qui sont en partie réduits en jus

remplir l'alambic avec le jus de prune fermenté

Le chaudron est rempli avant le broyageRemplissage du chaudron de l'alambic avec les prunes

fermentation des prunes pour la sljivovica en voivodine serbe

Etape « amura » (en serbe) où l’on sépare les fruits de l’alcool

amura séparation de l'alcool processus de distillation du rakija dans les balkans

2ème distillation dans l’alambic

remplir l'alambic avec le jus de prune fermenté

Récolte du brandy distillé, qui donnera le rakija

alcool après les phases de distillation du brandy des balkans
sortie du brandy aux prunes sljovovica serbe

Mesure du taux d’alcool sachant que le rakija pur ne contient aucun ajout comme le sucre ou les divers arômes, additifs. Le taux classique est de 21° pour le rakija dit doux, de 54° pour le rakija fort. Il peut aisément dépasser 60°.

Mesure du taux d'alcool dans le rakija

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5 commentaires sur “Le rakija ; plus qu’une eau de vie, une institution et un rituel convivial des Balkans”

  1. Bon si vous feriez des recherches sérieuses, vous auriez spécifié que lorsque on vous offre un verre de Rakija, ben on vous en servira un deuxième qu’il vous faudra boire, c’est la coutume!!!!! Et savez vous pourquoi???????????

  2. Excellent article sur cet alcool méconnu en France.
    « Rakia connecting people » je n’ai que des bons souvenirs avec cet alcool en Serbie et dans les Balkans.
    Si vous êtes de passage à Belgrade, prenez une pause dans un rakia bar, aujourd’hui il y en a des tas dans la ville.

  3. Quand je suis arrivee dans cette famille ils faisaient encore de la rakia avec les fruits du murier qui tombent d’elles-memes quand ils sont bien murs et que ma belle-mere s’acharnait a les ramasser une a une avec une patient qui me semblait infinie. Nous avons encore 5 muriers dans le jardin qui servaient a nourrir les vers a soie qu’ils cultivaient a la maison. Milan se souvient du bruit incescent de ces devorantes machoires et dont ma belle-mere filait encore leurs cocons. si je n’ai pas porte la soie, j’ai en tout cas goute cette escellente rakia de murier.

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