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Ce que j’aime et ce que j’ai appris des Balkans : écouter, se perdre, s’imprégner …

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Les raisons de découvrir et de voyager dans les Balkans‬ ne manquent pas… Les raisons d’aimer les Balkans encore moins… Voici les miennes… Ou comment se perdre dans des terres dont les portes d’entrée sont innombrables pour explorer une autre Europe qui est à la fois en son coeur et aux marges…

Les Balkans entre réalités et imaginaire

« Mes » Balkans ce sont des visages, des rencontres des échanges, des saveurs simples et généreuses et quelques coups de rakija ou de tuica en guise de bienvenue… Car en découvrant les Balkans, j’ai certes admiré de beaux monuments et paysages dans chaque pays de la péninsule, mais je préfère en garder tous ces petits riens qui ont changé ma façon de voyager ..

perast montenegro

On a souvent des Balkans une image vague, confuse, imparfaite. On évoque d’ailleurs les Balkans à tout va par facilité, en sachant que cela ne signifie pas grand chose et qu’il faudrait plutôt parler des pays de la péninsule balkanique. Pardonnez moi par avance de me laisser aller aussi à cette facilité en parlant des Balkans pour essayer de vous donner envie de découvrir ces terres rudes, où les gens mènent une vie difficile mais n’en oublient pas la générosité…

Les Balkans sont une région de l’Europe du Sud Est dont l’appellation est contestée et peut s’entendre de bien des manières selon qu’on adopte la définition géographique, historique, culturelle, économique ou politique et militaire. Pourtant, dès qu’on évoque les Balkans, dans l’imaginaire du voyageur, cette vaste région est aussi fascinante que méconnue, mais trop souvent marginale en Europe.

Carte des Balkans

Quels sont les pays des Balkans ?


Qu’est-ce qui m’attire autant dans les Balkans?

Il y a 27 ans, mes premiers séjours dans les pays de la péninsule balkanique ont été un choc. Une révélation. Depuis, je n’ai eu de cesse de les parcourir et de vouloir les faire découvrir aux voyageurs qui ne soupçonnent pas forcément ce que ces terres ont à offrir, du moment que l’on quitte l’habit du touriste pour s’immerger et s’aventurer dans cette charnière de l’Europe. Ceux qui ont eu la curiosité de parcourir la genèse et les objectifs d’IDEOZ savent déjà que les Balkans ont été au centre de mon projet initial de blog collaboratif multithématique avec l’objectif d’aborder ces pays sous les angles touristique, culturel, culinaire et sociétal. J’espère y réussir, même modestement et imparfaitement.

Paysage des Balkans - Photo; Jorick77 (Flickr)
Paysage des Balkans – Photo; Jorick77 (Flickr)

Imaginer et Penser les Balkans

Pourquoi les Balkans? En réalité, dès les premiers instants, j’ai eu l’impression d’être à la fois au coeur de l’Europe tout en étant aux marges et c’est cette étrangeté qui m’a interpelée. Comme si j’étais en Europe sans y être tout à fait.  Une autre Europe m’est apparue avec des frontières visibles et parfois plus invisibles voire fantomatiques. Elle condensait presque tous mes centres d’intérêt historiques et culturels, puisqu’elle a vu se développer plusieurs civilisations antiques et plus modernes, après avoir figuré parmi les premières contrées occupées par l’homme à la Préhistoire.

Cette Europe a vu s’opposer de grands empires comme l’empire austro-hongrois et ottoman, se  confronter  l’Islam ottoman et les Chrétientés orthodoxe et latine. Elle a aussi vu germer de puissants nationalismes puis des sociétés communistes parmi les plus dures pendant le XXème siècle. La péninsule balkanique assure la jonction entre les aires de civilisation gréco-romaine, slave, ottomane, germanique et occidentale. Évoquer les Balkans comme le carrefour entre l’Occident et l’Orient n’est pas une commodité langagière. Comprendre les Balkans, en revanche, c’est une toute autre histoire, et admettons le, une gageure…

A lire : Comprendre les Balkans : Histoires, sociétés, perspectives

Exposés aux tentatives nombreuses de conquêtes depuis l’antiquité, agités par des tensions continuelles et parfois des guerres civiles entre les diverses communautés ethniques et religieuses qui tentaient difficilement de cohabiter en Ex Yougoslavie, les Balkans sont une terre de résistances, de combattants et de contrastes pour ne pas dire de contradictions.  Pour appréhender les Balkans, il faut « écouter, marcher, s’imprégner » comme le suggère si bien François Maspero. On pourrait disserter longtemps sur la signification et l’histoire des Balkans, mais rien ne vaut d’y voyager pour les vivre à leur rythme, de l’intérieur…

Savourer les Balkans

rakija ziveli

Il faut faire toutes sortes de choses dans la vie et souvent l’essentiel se joue dans des petits riens. Si ces raisons ont impulsé mon intérêt intellectuel et culturel, ce sont bien les rencontres et des moments qui ont suscité en moi les émotions et les souvenirs les plus forts.

Je repense à ces verres de rakija  et de tuica (noms génériques de l’eau de vie en ex Yougoslavie, en Bulgarie et en Roumanie), ou à ces tasses de thé ou de café turc offerts et partagés avec des inconnus me souhaitant la bienvenue par ce rituel commun à tous les pays. Des portes ouvertes chez l’habitant pour loger à toutes heures pour quelques sous, y compris au milieu de nulle part.

rakija en serbie

Que dire aussi des repas tantôt de fortune tantôt aux airs de banquet qu’il m’a été donné de faire à la table des gens ou à l’occasion de fêtes? Mes papilles se remémorent surtout des repas à la bonne franquette où l’on me donnait tout au risque de s’en priver, pour me signifier à quel point on appréciait ma visite. Je finirais par aimer des aliments et des plats ce que je n’aurais a priori jamais goûté dans d’autres circonstances.

Je garde en mémoire un souvenir vivace de ce ajvar, découvert à l’occasion de mon premier séjour en Croatie et que depuis, je n’ai jamais cessé de redécouvrir sans me lasser, grâce aux locaux qui m’invitaient à déguster leur production. Chaque ajvar me semblait à la fois presque semblable et toujours différent du précédent.  Certains m’ont même invité à suivre sa (très) longue préparation dans de grands chaudrons où on laisse mijoter pendant des heures des kilos de poivrons et d’aubergines jusqu’à ce que leur mélange produise cette purée à  la couleur rouge orangée et au goût relevé et si caractéristique de la cuisine d’ex Yougoslavie. Les Balkans apprennent la patience. Tout se fait à son rythme, en suivant le fil des saisons, et chacun dans la famille a son rôle et participe à ce qui est presque un rituel de la fin de l’été et du début de l’automne.

préparer le ajvar en macédoine
Surveiller le ajvar en macédoine
préparation du ajvar

Je songe également à des fêtes religieuses, populaires ou traditionnelles, des mariages ou des événements dans lesquels je me suis retrouvée et laissée embarquer en étant parfois traitée comme un membre de la famille. Et forcément, me vient  à l’esprit le plus beau souvenir de tous mes voyages en Roumanie, quand on m’a accueillie à la table pour partager le repas populaire de la fête du monastère d’Ostrov dans la belle et verdoyante vallée de l’Olténie entre Pitesti et Sibiu. Avec tous les fidèles des environs pour qui j’étais avec mes parents l’objet de tous les regards et de pas mal de questionnements, j’ai partagé Le repas royal de la fête, qui pour beaucoup s’avérait aussi le meilleur repas de l’année! Tuica, vin blanc, ciorbă de peste (soupe de poisson)  et morceau de poisson tout frais pêché dans l’Olt, sarmalé (feuilles de choux farcies) et gâteau roulé aux noix devenaient soudain plus qu’un repas ; un moment de partage inoubliable…

Famille tzigane roumaine lors du repas de la fete du monastère d'Ostrov
Couple de roumains nos voisins lors du repas de la fête du monastère d'ostrov
Enfants roumains rencontrés au monastère d'ostrov
Famille Monllor accueillie lors de la fête du monastère à Ostrov
Notre voisin tsigane roumain lors de la fête du saint du monastère Ostrov
Petite fille tzigane mangeant sa soupe au repas du monastère Ostrov
Rencontre avec une vendeuse au bord de la route près de Plitvice en 1996

Je ne pourrais pas davantage oublier ma première slijivovica, une eau de vie à la prune bien abrupte qu’une vieille dame cherchait absolument à me vendre car elle essayait de survivre de la vente de ses produits. Elle me montrait fièrement son alambic en cherchant quelques mots d’allemand ou d’anglais pour que je lui achète ses bouteilles.

Nous étions en 1996, elle habitait dans une maison à moitié en ruines sur laquelle flottait le drapeau croate dans cette région très disputée entre les croates, les bosniens et les serbes. Je me souviens encore le goût du délicieux ajvar cuit dans le chaudron avec patience pendant des heures avant qu’on nous propose de le savourer. Je repense encore au prsut, aux quelques autres charcuteries dalmates, pots de miel et confitures, au fromage Skripavac ramené de Plitvice dans nos valises avec lors de ce même premier voyage en Croatie et durant tous les suivants.

Je revois comme si c’était hier la petite dame au visage buriné, attendant avec ses pommes, ses prunes, ses poires, sur le bord de la route nous menant de Mostar à Sarajevo. A chaque fois que nous lui achetions l’un de ses fruits ou ses succulentes confitures et crèmes à la prune, elle nous offrait quelque chose pour nous témoigner sa gratitude.

En lui tendant un billet correspondant peut-être à 10 ou 15€ qu’elle n’avait sûrement pas tenu depuis longtemps dans ses doigts, son regard incrédule nous demandait d’effectuer nous-même le change dans son porte monnaie où ne tenaient que quelques pièces. Peut-être n’avait-elle rien vendu depuis des jours, comme cette mémé serbe qui nous suppliait il y a quelques années à peine d’acheter ses quelques figues et mûres pour obtenir un ou deux euros?! Comment si peu d’argent pouvait-il éclairer à ce point son visage?

Et qu’est devenue cette vieille femme dont je me rappelle encore le goût des figues et des quelques fruits rouges que je lui achetais par sympathie sur le bord d’une route lors d’un « embouteillage » sur une route de Serbie centrale. Elle profitait de l’accumulation des véhicules pour tenter de gagner quelques dinars serbes.

Vendeuse croisée au bord d'une route dans les Balkans

Se perdre dans les Balkans

Se perdre pour mieux rencontrer l’Autre … Car je voyage sans GPS, ni guide de voyage et souvent avec une simple carte de l’Europe… uniquement pour éprouver le plaisir de me perdre en suivant un panneau signalant un monastère, un site, un monument local indiqué sur aucune carte.

En m’arrêtant pour trouver mon chemin dans ces coins au milieu de nulle part où je m’étais aventurée à la recherche de je ne sais quoi, j’ai croisé des visages, échangé des sourires que je n’oublierais jamais. Avec force gestes et quelques mots usuels de serbe prononcés avec un accent mal assuré, nous essayions de nous comprendre et de nous répondre. Apprendre les rudiments d’une langue locale ouvre forcément de nouvelles portes qu’une langue étrangère commune, comme l’anglais, ne permettrait pas d’explorer.

Baba serbe rencontrée sur la route vers le monastère Rajinovac

Je me suis souvent perdue et je me souviens presque de toutes les personnes que j’ai rencontrées, pendant une poignée de secondes ou de minutes ou parfois davantage… Leur visage est gravé car ces personnes toujours accueillantes, toujours disposées à aider ou à accueillir m’ont rappelé un sens de l’hospitalité que je ne trouve plus depuis longtemps en France.

Pour éviter que cet article soit trop long, je vous invite à lire ici une anecdote à propos d’un chemin perdu en Serbie centrale qui me mena par hasard à la recherche du Monastère Rajinovac, en pays tsigane et dans une campagne où les habitants restent attachés à une vie frugale et traditionnelle…


Écouter dans les Balkans

Et puis, combien de discussions passionnantes ai-je entamé pour comprendre la vie dans chaque pays, cerner l’existence de tous ces gens croisés par hasard aussi bien dans des villes que des villages?! En réalité, il n’était pas toujours besoin de parler parfaitement la même langue pour se comprendre. La plupart du temps, le quotidien sans artifice sans concession, me paraissait si dur, si éloigné de mes réalités d’européenne de l’ouest, dont la vie, en dépit de certaines difficultés et précarités, me semblait finalement bien confortable.

Tout nous met à l’épreuve en nous faisant endurer le poids de ce quotidien que je ne vis pourtant pas et que je ne fais qu’observer en témoin bienveillant, tout en me réjouissant égoïstement de mon sort et de ma position. J’apprenais l’existence de petits boulots improbables, de l’économie de la débrouille. Je me demandais bien sûr comment on pouvait exercer des métiers pénibles en étant si mal payé (moins de 200-300€/ mois), comment on survivait avec 60 ou 80€ de retraite en vendant sur le bord de la route des fruits ramassés ci et là. Sans compter les journées harassantes de travail de douze à quinze heures par jour dans les champs, par tous les temps juste pour produire de quoi manger. L’art de l’autosuffisance.

Vieilles dames serbes en serbie centrale
Vieille femme en Roumanie portant des seaux d'eau pour arroser son jardin
Vieil homme en serbie orientale
Deux grands mères entrain de tricoter dans un village de Transylvanie
Vieille femme en Roumanie
rencontre en roumanie dans un village saxon

Cela m’a pris du temps, beaucoup de temps pour découvrir comment ces personnes pensaient, survivaient, fonctionnaient entre voisins, parlaient avec nostalgie du temps des dictateurs Tito ou Ceaucescu ou encore des anciens voisins et amis devenus ennemis irréductibles après le passage des guerres civiles simplement parce qu’ils n’avaient pas la même croyance ou n’étaient pas du bon côté. Que dire de leurs espoirs déçus qu’ils partageaient avec un fatalisme forcément touchant, qui me renvoyait dans la figure la petitesse de mes propres difficultés et malheurs? Je me rappelle les rêves vite éteints que la nouvelle indépendance chèrement acquise en Ex Yougoslavie ou l’aspiration à l’Union européenne, avaient vu poindre chez les plus jeunes, tandis que les aînés s’avéraient plus méfiants et demandaient à voir sans trop y croire.

Femme Tsigane près de viscri
Attendre le bus à Umraci en Serbie centrale près de Mali Pozarevac
Attendre le bus à Umraci en Serbie centrale près de Mali Pozarevac
Habitants de Lonjsko polje en Croatie centrale

Le trait commun de tous ces échanges? A ma grande surprise, ces gens des Balkans, quelle que soit leur origine, leur milieu, leur condition, ne se plaignaient jamais de leur sort, s’en remettaient à leur dieu ou à la Vie pour avancer, en pouvant compter sur une solidarité encore forte en particulier dans les campagnes. Et j’observais avec admiration leur courage, leur débrouillardise pour faire beaucoup avec peu. Ce sont toutes ces aspérités, ces instants de partage qui m’ont marquée et ont modifié mes attentes et ma vision de voyageuse. Je parle au passé et pourtant, tout est très vrai encore aujourd’hui et a fortiori avec les crises économiques, sociales, politiques …


J’espère vous avoir donné envie de voyager dans les Balkans sans modération. Si vous avez la moindre question n’hésitez pas à me contacter par commentaire en bas de cette page ou en posant vos questions sur le forum. Si vous avez apprécié la lecture de cet article, vous pourriez aussi être intéressé(e) par la question des dangers dans les Balkans….

Pour avoir un aperçu de ma vision des Balkans:

Sandrine Monllor (Fuchinran)

6 commentaires sur “Ce que j’aime et ce que j’ai appris des Balkans : écouter, se perdre, s’imprégner …”

  1. J’essaie de placer mon petit dicton préféré chaque fois que je peux : Quand vous aimez quelque chose ou quelqu’un et que vous ne savez pas pourquoi…ça c’est de l’amour.

  2. J’y ai rencontré des hommes qui m’ont marqué à jamais, tel celui-ci qui passe des jours entiers à tenter d’amadouer sa jeune vache presque sauvage, celui-là qui pose sa petite femme sur sa carriole tout en bois pour s’en aller aux champs, et l’autre qui se marre de me dire qu’en obtenant de ses mains son bois, sa viande, son pain, son fromage, son miel, son vin et sa rakija, il vit passer la guerre en riant…

  3. C’est un coin de l’Europe qui échappe encore à la standardisation -et pour cause- . On sent une frontière permanente ici; et ça peut attirer les voyageurs.
    Les mentalités semblent être d’une rudesse surannée et là aussi on se sent dépaysé.
    Enfin,
    un autre argument de taille est la nature magnifique relativement préservée.

  4. Aimer ça veut dire quoi? Apprécier, y être ou y vivre? des degrés très différents….Moi c est tout le contraire je ne supporte plus les balkans….et surtout leur mentalité aller en vacances ou vivre ds un pays c est très différent…

  5. Merci pour cet article, content d’y aller 1 mois cet hiver… pour faire du ski de rando à la base, mais c’est surtout un prétexte pour découvrir cette région qui semble passionnante !

    1. Bonjour Julien,
      merci pour votre commentaire et votre intérêt… Je ne sais pas où vous allez faire du ski et de la randonnée dans les Balkans mais en hiver, même si toutes les routes ne sont pas aisément praticables, les paysages peuvent être magnifiques…

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