Obazda ou Obatzda, kezako? Savez-vous que la recette de l’Obazda traditionnel, l’un des plats bavarois les plus populaires dans les brasseries et biergarten et lors de la fête de la bière de Munich est née dans les années 20 quand des ménagères se sont demandées ce qu’elles pouvaient faire de leurs fromages trop faits ? Il n’en fallait pas plus pour faire de ce plat un grand classique de la cuisine bavaroise, au point même qu’il a franchi les frontières de la Suisse voisine…
Si vous allez en Bavière, difficile de passer à côté de cette spécialité fromagère à base de fromage à pâte molle bien fait ou de fromage frais, agrémentée avec des épices, de la ciboulette, des oignons, et servie avec du pain de seigle et des radis. L’obazda, Obatzer ou Obatzda, avec toutes ses variantes selon les régions est avant tout une façon d’accommoder les restes de fromage parfois dégoulinant ou peu ragoutant, de façon ingénieuse et corsée. Pour ceux qui auraient ramené ce bon souvenir culinaire de leur voyage en Bavière ou qui voudraient le découvrir chez eux faute de pouvoir se rendre en Allemagne, voici la recette simplissime de l’Obatzda. A servir en encas, en apéritif ou en entrée.
Le casse-croûte ou Brotzeit, un moment pas comme les autres en Bavière
Pourquoi l’Obatzda est-il si révélateur de l’approche des bavarois par rapport aux repas? Contrairement à ce qu’on pourrait croire en observant l’Allemagne depuis la France, les Allemands ne se désintéressent pas de leur alimentation, ni des plaisirs de la cuisine. Dans un souci pratique, ils sont attachés à des rituels culinaires émaillant leur journée et vécus comme des moments de détente sans prise de tête, plutôt qu’à la dimension de recherche gastronomique.
Le petit-déjeuner, bien-sûr, le Frühstuck, est essentiel pour bien démarrer la journée : c’est un repas à part entière, complet, avec des mets sucrés et salés. Le Kaffee und Kuchen, qui correspond au goûter figure en bonne place dans les institutions allemandes de l’après-midi ; on fait une pause pour déguster un gâteau accompagné d’un café. Il n’est pas rare qu’au déjeuner, les allemands qui travaillent ou ont envie de se retrouver entre amis, se réunissent au restaurant ; ils mangent de préférence debout dans un Imbiss, sorte de snack où l’on trouve toutes sortes de saucisses et de spécialités rapides et peu chères (entre 3 et 7€), pour se rassasier. Quant au soir, le dîner ressemble souvent à un casse-croûte.
Le casse-croûte a une importance toute particulière en Allemagne et notamment en Bavière, bien plus en tout cas que de l’autre côté du Rhin, et pour cause : nombreux sont les Allemands qui ne cuisinent pas le soir. Aussi le casse-croûte est-il rentré dans les habitudes, y compris en famille. Le rituel du repas à table en commun, assis et avec des couverts, n’a rien d’évident. La plupart se contentent juste d’un Zwischenmahlzeit, rapidement préparé et mangé sur le pousse ; il est le plus souvent constitué de charcuterie et de fromage.
Comme l’indique Lararose, auteur sur IDEOZ, qui vit en Autriche et a eu l’occasion de beaucoup voyager à travers l’Allemagne et de partir à la découverte des spécialités culinaires : « Le casse-croûte est d’ailleurs tellement répandu dans la sphère germanophone qu’on le retrouve sous de nombreux autres noms selon l’endroit où l’on se trouve : on parlera par exemple de « Jause » en Autriche et de « Brotzeit » en Bavière« .
L’Obazda, un casse-croûte bavarois malin et très (très) goûtu
Si vous vous baladez à Munich, surtout entre le printemps et la fin de l’été quand fleurissent les Biergarten, les jardins à bières en plein air, vous ne pourrez pas passer à côté de l’Obatzda. C’est l’une des spécialités culinaires bavaroires les plus populaires avec le Leberkäse, sorte de pâté de viande surnommé jambon de Bavière que l’on déguste chaud, avec des oeufs et de la moutarde douce. On trouve aussi de l’Obazda sur nombre de tables de bavarois participant à la fête de la Bière Oktoberfest (mi septembre- début octobre) ou lors de la fête de Printemps Frühlingsfest. Tandis que les touristes ont tendance à manger les saucisses, le poulet ou le jarret, les locaux aiment siroter leur Maßbier avec cette spécialité fromagère qui se mange sans faim et reste un casse-croûte assez économique et complet (comptez entre 8-10€).
Cette spécialité d’Obatzer n’est pas si ancienne, bien qu’elle soit rapidement devenue un classique du patrimoine culinaire bavarois. Elle est née dans les années 20 en Bavière et répondait à une question pratique élémentaire : que faire pour ne pas jeter le fromage trop fait ? Depuis des décennies, l’Obatzda incarne donc une partie du génie bavarois et de cet esprit économique et futé qui consiste à ne jamais rien jeter car tout est profitable et en particulier en matière alimentaire. On ne trouve pas d’Obatzda uniquement en Bavière, puisqu’il est aussi connu en Suisse sous le nom de Gmanschter et Obatzter ou Obazda en Autriche.
Les Bavarois aiment les mets simples, élaborés avec des matières premières courantes et pas très onéreuses. L’Obatzda est un plat qui correspond parfaitement à cette philosophie du recyclage alimentaire ; facile à préparer, il se déguste froid et est riche en goût puisqu’il s’agit d’un fromage très (trop) fait qui est assaisonné de façon assez originale pour pouvoir être consommé. Ce plat est à la carte dans tous les Biergarten et dans la plupart des brasseries (wirthaus).
L’Obazda est aujourd’hui encore l’une des plus célèbres spécialités du plus grand des Länder allemands. Ce n’est pas un casse-croûte comme les autres!
- Les meilleurs biergarten de Munich pour déguster l’Obatzda lors de votre séjour!
Le choix du fromage : Du camembert ou du fromage frais, selon les goûts!
Comme souvent en Bavière, l’avantage de l’Obatzda est de permettre de nombreuses variantes selon la région où on le consomme. L’imagination est sans limite en terme d’épices ou de condiments à associer. La base est (presque) toujours un fromage à pâte molle et à croûte fleurie ; le plus fréquemment du camembert, mais un brie peut aussi bien faire l’affaire ou tout fromage de cette famille.
La recette de l’Obazda le plus classique n’utilise pas d’autre fromage qu’un fromage affiné ou surmûri comme le camembert. Mais tout est question de goût, donc le choix du fromage dépend aussi du goût que vous souhaitez donner à votre tartinade. Un camembert bien fait sera parfait pour un résultat corsé, tandis qu’un cottage cheese ou n’importe quel fromage frais sera plus léger et plus facile à apprécier pour les personnes n’étant pas fans de fromage. et tout dépend ici de ce que vous préférez au niveau du goût, à savoir un résultat assez corsé ou pas.
Cette tartinade de fromage est élaborée en général avec du paprika et du cumin, mais on pourrait imaginer du carvi, du curry ou toutes les épices que vous avez envie de tester du moment qu’elles sont relevées. A moins de ne pas aimer du tout le paprika, cela reste une épice très efficace car elle apporte la couleur un peu orangée et la saveur du poivron. A la limite, on peut même s’en contenter ou le mélanger au cumin comme dans la recette traditionnelle pour avoir un petit côté croquant.
Comment déguster l’Obazda?
Si tout bon bavarois vous conseillera d’accompagner votre casse-croûte de bière, le breuvage des brasseurs est facultatif contrairement à la Weißwurst qui se doit d’être mangée avant midi avec une pinte de bière blanche. D’ailleurs, en Franconie, la bière blanche ou blonde peut être remplacée par du vin.
Pour ceux qui voudraient déguster l’Obatzda selon la tradition, il convient de l’accompagner d’oignons crus. Évitez de les ajouter à l’avance, puisqu’ils risqueraient d’apporter une amertume déplaisante en restant trop longtemps à l’air libre. Même si vous choisissez de préparer l’Obatzda la veille ce qui est la meilleure manière de lui donner un goût bien relevé, n’ajoutez les oignons qu’au dernier moment en les accompagnant de la ciboulette. Pour l’effet visuel et le goût, préférez les oignons rouges. Vous pouvez les apprécier crus, tranchés en rondelles, ou les faire cuire légèrement à la poêle pour retirer un peu de leur goût amer.
Dans les règles de l’art bavarois, l’Obatzda se sert sur ou avec une tranche de pain de seigle ou de pain noir. Il est également accompagné de radis et dans les brasseries et biergarten on y ajoute les bretzn, des bretzels en bâtonnet, pour une touche encore plus typique.
Recette bavaroise de l’Obazda
Principe de base :
- Retirer la croûte du camembert ou de tout fromage trop fait et écrasez le fromage avec une fourchette
- Ajouter des oignons crus hachés
- Mélanger le paprika, et les épices de votre choix
- Laisser reposer à l’air libre et accommoder selon vos envies
- Ajouter les oignons et la ciboulette ciselés, pour assaisonner la tardinade
Cette recette détaillée est inspirée de la proposition de Lararose du blog Ici et ailleurs:
Ingrédients
Pour 1 gros bol pour 4 personnes soit environ 150 grammes par tête :
- 350 grammes de camembert bien fait à température ambiante
- 225 grammes de fromage frais comme du cottage cheese, du fromage blanc, de la crème de fromage ou de la crème fraîche très épaisse
NB : vous pouvez aussi faire moitié moité, cela fonctionne très bien
- 2 oignons rouges ou blancs
- 60 grammes de beurre à température ambiante
- 2 cuillères à soupe de bière blanche ou de bière brune (si possible de la bière de froment)
- 1 cuillère à café de paprika doux ou fort selon les goûts (possibilité d’utiliser l’équivalent : le pimenton ou le piment d’Espelette)
- 1 échalote hachée
- Pour les amateurs de mélanges d’épices : ajoutez éventuellement une cuillère à café de cumin ou de curcuma
- sel et poivre
- un peu de ciboulette
Hachez très finement un oignon.
Dans un bol, écrasez le camembert à l’aide d’une fourchette après avoir retiré la croûte et avoir coupé les tranches en petits morceaux puis ajoutez le beurre onctueux au fromage et mélangez avec l’oignon haché (25 à 50 grammes).
Le fromage frais ici vise à réduire le goût fort du camembert fait. Sa texture comme celle de la crème fraîche épaisse (traditionnelle) permet aussi d’obtenir une tartinade plus légère et donc facile à étaler.
Ajoutez au fromage frais ou à la crème fraîche la bière, le paprika et le cumin ; éventuellement remplacé par du curcuma, du curry selon votre envie. Salez, poivrez, mélangez et assaisonnez à votre goût.
Recouvrez le tout avec un torchon propre et laissez reposer au moins 30 minutes voire 1 heure à température ambiante.
Vous pouvez sans problème le préparer la veille, le laisser reposer au réfrigérateur et le sortir environ 30 min avant de le consommer! Plus le mélange repose, plus il sera goûteux. Emincez l’oignon restant pour disposer ses tranches sur la préparation, ainsi que la ciboulette. Ajoutez les radis coupés ou entiers.
Quelle présentation convient le mieux pour l’obazda?
L’obatzda est prêt à être servi. Vous pouvez le laisser dans une assiette ou dans un bol en lui ajoutant l’oignon restant en tranche et la ciboulette ; c’est sûrement la présentation la plus conviviale et rapide pour le partager en famille ou entre amis. Il est également possible de l’étaler sur le pain en le parsemant de la ciboulette et en ajoutant quelques radis qui apporteront leur croquant : cette présentation s’adapte mieux si vous le prévoyez dans le cadre d’un repas comme entrée. Vous pouvez aussi le présenter sous forme de petites boules ou dans un ramequin avec à côté l’oignon, les radis et le pain.
Vous pouvez bien sûr conserver ce fromage au réfrigérateur après les 30 minutes de repos recommandées.
Guten Appetit!
La présentation en ramequin est très sympa pour une entrée!
Version sans paprika ; n’importe quel pain fera l’affaire surtout pour un apéritif sans chichi!
Pour aller plus loin:
- Spécialités culinaires incontournables lors de l’Oktoberfest
- Que faut-il manger à Munich?
- Visiter Munich avec son ventre
Une vidéo réservée aux germanophones courte et claire :
La recette de Daoham
https://www.youtube.com/watch?v=_lpgNmhlYzM
Vous ne comprenez pas l’allemand ? Pas de souci, les étapes pas à pas sont faciles à identifier
Une variation pour des tapas originales autour de l’obatzda cuit sous forme de croquettes?
Dommage avec mon cholestérol il vaut mieux que j’évite ce genre de plat, mais ça a l’air super bon